Aller au contenu
Terre des Éléments

Enquête de Raison


Salaha Luvia
 Share

Recommended Posts

La jeune magicienne feuilletait un énième ouvrage de la bibliothèque du Souffle.

- Humain, orc, gobelin...

Rien ne ressemblait à la rôdeuse qu'elle avait aperçue quatre jours plus tôt, et bien peu d'informations était donnée sur le Seigneur Orus. Elle l'avait croisé à l'Académie, tournant autour de l'auberge. Il cherchait visiblement quelqu'un, mais elle n'aurait su dire qui. Curieuse, elle l'avait suivi. Il avait traversé la grotte jusqu'au marais d'IssCaNak, puis avait poursuivi vers le sud. La discrétion n'étant pas des qualités de la souffleuse, il avait bien du la voir. Toutefois, un seigneur de sa caste ne devait surement pas se préoccuper des magiciennes tombées de la dernière pluie. Il avait accéléré le pas en approchant du village, visiblement certain de son chemin. Quelqu'un l'avait-il informé entre temps sur l'objet de ses recherches ? Il était entré dans l'auberge sans plus de cérémonie. Sans s'inquiéter des autres présents, il s'était alors dirigé vers Elle.

Même si elle n'avait osé approcher, Salaha se souvenait parfaitement de cette sombre silhouette. Elle avait le teint gris foncé, légèrement bleuté. Ses paupières luisaient sous la capuche noire qui couvrait son visage. Des pics aiguisés s'élevaient de son armure pour venir protéger sa nuque. Un arc et un carquois trônaient en son dos. était-ce elle, le rôdeur qui était attendu à l'Académie ? Pourtant, ils se trouvaient au marais... et ce n'était pas un rôdeur, peut-être une. La magicienne n'avait rien entendu de la conversion d'Orus et de la dame. Sa curiosité n'en était qu'accrue.

Plus tard, les rumeurs lui avaient apporté un nom, Iltiah, et une menace, celle de l'armée orc qui planait toujours sur IssCaNak. Qui était-elle ? Ou plutôt, qu'était-elle ? L'armée des ténèbres attaquerait-elle bientôt ? Quelle serait sa cible ? Pourraient-ils à nouveau la repousser ? Le mystère demeurait entier... et l'avenir bien incertain.

24, Période Creativa 105 AC,

Salaha relisait la page pour la troisième fois, incrédule. Elle n'avait jamais entendu parler de ce combat. Certes, elle n'était alors pas encore arrivée à Melrath Zorac. A bien y réfléchir, elle n'était même pas présente en ce monde. Cette simple idée la fit frissonner. Elle relut une fois encore le titre « 24, Période Creativa 104 AC, Destruction du campement des gobelins ». Puis, elle fit glisser son doigt le long de la page. Elle en arriva aux noms des factions présentes.

« L'Escorte d'Eolia, ... »

Elle avait entendu ses compagnons de route parler de leurs anciens alliés. Elle se souvenait d'un vague lien avec l'Alliance... Elle se morigéna de ne pas avoir été plus attentive à ces vieilles histoires.

« ... la Fraternité des Initiés, et... »

Au moins, ce groupe-là était encore d'actualité. Bien qu'elle n'eut croisé que peu des leurs, elle était passée plus d'une fois devant leur fortin. Et n'avaient-ils pas récemment réaffirmé leur vœux d'alliance avec le...

« ... le Souffle d'Eolia. »

Elle le lisait pour la quatrième fois. Pourtant, cela l'étonnait encore. Une telle bataille aurait du faire partie des légendes contées au coin du feu. Pourquoi n'en avait-elle jamais entendu parler ? Peut-être devrait-elle questionner Tigrr ou Siiix à ce sujet. En combattants aguerris, ils y avaient surement assisté. D'ailleurs, cela ne remontait pas à bien longtemps, tout juste un an. Ysabeau devait déjà être générale à ce moment-là. Toutefois, il y avait surement une raison à leur silence. Simple oubli sans importance ou omission volontaire ? Maintenant qu'elle y réfléchissait, nul n'avait mentionné l'ancienne carrière en sa présence. Elle avait dû la découvrir par elle-même.

Elle tourna les pages suivantes, survolant les divers textes. Plus rien ne souleva son intérêt. Elle reposa le lourd ouvrage et s'empara du volume suivant des Archives de la faction. Elle l'ouvrit avec précaution, reprenant sa lecture rapide. Elle n'avait toujours pas trouvé ce qu'elle cherchait. Pas la moindre information au sujet du seigneur Orus ne figurait en ces livres. Pourtant, s'il était présent à l'inauguration du nouveau bastion, il devait bien avoir un quelconque rapport avec la faction. Une ligne attira soudainement son attention. L'écriture était différente. L'annotation semblait avoir été ajoutée succinctement.

« Don de 55 000 pièces d'or pour la construction de la nouvelle caserne. »

Elle fut d'abord surprise. Puis les pièces du puzzle trouvèrent leur place. Le Souffle d'Eolia avait participé à la destruction d'un campement gobelin dans l'ancienne carrière. La caserne ne pouvait donc exister en ce temps-là. S'ils avaient aussi aidé au financement, elle trouverait peut-être d'autres informations là-bas. Mais que cherchait-elle vraiment ?

Après cette visite à l'Académie et la scène qui avait suivi, elle s'était mise en tête d'en apprendre plus sur le seigneur Orus et son amie rôdeuse. Si elle en avait appris un peu plus sur sa propre faction, elle n'était pas plus avancée concernant les deux premiers. Peut-être souhaitait-elle simplement comprendre ce monde, qui était sien maintenant.

Elle soupira, reposa délicatement le volume sur son étagère puis se dirigea vers la porte. Dans le bastion, les autres dormaient déjà, à moins que ce ne soit encore. Prise dans ses recherches, elle n'avait pas vu le temps passer. Dehors la nuit régnait en maître. A défaut d'une autre idée, elle prit le chemin de la caserne.

Modifié (le) par Salaha Luvia
Lien vers le commentaire
Partager sur d’autres sites

25, Période Creativa 105 AC,

Elle avait discuté avec les gardes du service de nuit. D'abord surpris de cette visite tardive, ils l'avaient tout de même accueillie avec le sourire. Des nombreuses heures d'entraînement partagées, ils gardaient quelques souvenirs de bonne camaraderie. Et puis, elle avait su les amadouer, en proposant de s'occuper du petit déjeuner. Ils étaient maintenant tous installés autour d'un bon café, plus ou moins corsé. La relève passée, les questions de courtoisie échangées, le moment était venu. Elle sourit à ses voisins de table, servant les crêpes, encore chaudes. Quoi de mieux qu'un bon repas pour délier les langues ? Maladroitement, elle commença son enquête historique.

- Cette caserne est vraiment parfaite. Je me demande qui en a choisi le lieu... Proche d'un point d'eau, abritée par deux flancs rocheux, et malgré tout en un endroit stratégique avec les passages de contrebandes. D'ailleurs, quelle idée d'aller construire un tel tunnel sous les yeux de la garde !

- Ah, mais c'est qu'à l'époque nous n'étions pas là !

- Vraiment ?

- Et non ! Cette caserne a été construite par Ashbert, que l'Unique le garde, après qu'on ait bouté les gobelins hors de la ville. C'est que c'était un bon notre capitaine !

La magicienne observa quelques minutes de silence, laissant le temps aux gardes d'honorer la mémoire de leur guide. Puis, elle reprit.

- C'est donc vrai ce que l'on raconte ? Au sujet d'une invasion évitée de peu ?

- Bien sûr. Où étais-tu donc cette dernière année ?

- Pour tout dire, quand je suis arrivée à Melrath Zorac, la caserne se trouvait déjà là. Ce devait être au début de la période Braisa.

- Ah. Mais tu as donc entendu parler des chevaliers ?

- Oui. J'étais là le jour du deuxième voyage, lorsqu'Yvain est parvenu à la caserne. J'ai même eu l'honneur de le soigner alors qu'il tentait d'échapper à quelques vilains, sur le toit de cette caserne.

- Vraiment ?

Ils la regardèrent avec un respect renouvelé. Puis, le plus vieux se décida à parler.

- Et bien, vois-tu, tout a commencé à la nouvelle année. Il y a un peu plus d'un an donc. Ces maudits gobelins ont été vus en train de rôder autour de la ville. Alors le capitaine a ordonné leur capture pour pouvoir les interroger, histoire de savoir ce qu'ils faisaient là. Mais ils n'ont pas tellement eu le temps de parler à ce qu'on raconte.

- Ah ça non, poursuivit son voisin de droite. Le « Saigneur » du Sud les avait tués avant. On n'a pas eu le temps de leur poser la moindre question. Mais, je ne pense pas qu'ils auraient parlé de toute façon.

- M'enfin, j'ai jamais compris pourquoi ils les avaient fait pendre par les pieds devant la cité, acheva le troisième. J'étais simple villageois à l'époque, et ce n'était vraiment pas beau à voir !

- Le seigneur du Sud ? questionna la magicienne.

- Oui, le Seigneur Orus, répondit le plus âgé. Mais c'est aussi lui qui a découvert le campement quelques jours plus tard. On s'est toujours demandé comment il avait fait.

- Parait que c'est un puissant Mage ! s'exclama le numéro trois.

Elle repassa en son esprit l'ordre chronologique des événements. Des gobelins avaient été aperçus dans les environs de la capitale. Le capitaine Ashbert les avait fait capturer pour les interroger. Mais le seigneur Orus les avait tués avant, ou pendant, l'interrogatoire. Puis ils avaient découvert le campement. Alors, les trois factions s'étaient chargées de le détruire. Cela paraissait réaliste. Elle s'éclaircit la gorge.

- Et ensuite ? Le Capitaine, paix à son âme, a ordonné la charge ?

- Pas vraiment, reprit le premier garde. On a trouvé la base des gobelins, mais il y avait des orcs avec eux. Un orc c'est autre chose qu'un petit éclaireur gobelin ! La garde ne comptait pas beaucoup de membre à l'époque. Le Capitaine, qu'il repose en paix, venait juste d'ordonner un recrutement massif. Mais nous n'étions pas prêts, pas encore. Pour éviter de lourdes pertes, on a demandé aux aventuriers de nous aider. Ce sont eux qui ont rasé le camp.

- Il faut bien qu'ils se rendent utiles parfois, plaisanta son voisin.

La magicienne choisit cet instant pour les resservir en café-rhum et en crêpes.

- Et le seigneur Orus dans tout ça ?

- Hum, je crois qu'il n'était pas dans les parages à ce moment là. Puis, le Capitaine et lui n'étaient pas toujours d'accord. Je me souviens de les avoir vus se disputer à l'auberge Sud quelques jours après ça. Alors le « Saigneur » a disparu, rentré chez lui qu'on disait.

- Chez lui ?

- Bah oui, il n'est pas d'ici. Mais tu poses beaucoup de questions, toi, aujourd'hui !

- Simple curiosité féminine.

Elle leur fit un grand sourire pour atténuer leur méfiance naissante. Changeant de sujet, elle revint aux banalités. Puis, elle les laissa à leurs habituelles parties de cartes.

Modifié (le) par Salaha Luvia
Lien vers le commentaire
Partager sur d’autres sites

25, Période Creativa 105 AC, plus tard dans la journée,

En sortant de la salle de repos, elle s'arrêta un instant pour saluer les gardes à l'entraînement. Assis en son coin habituel, l'instructeur Dalaam les surveillait de son œil sévère. Aussi, ne put-elle les questionner sans qu'ils risquent d'être sanctionnés. Elle refit tout de même le tour du grand hall, cherchant un détail qui lui aurait échappé, sans succès. Qu'espérait-elle trouver en une caserne ? La garde de Melrath Zorac n'était pas du genre à exhiber ses archives aux yeux de tous. Elle monta prendre l'air sur le toit. De là, on apercevait presque la capitale en contrebas. Elle tourna son regard vers les ruines de Til'Lunis, à l'Ouest. Elle réalisa qu'elle savait bien peu de choses sur ces terres qu'elle arpentait depuis près de neuf périodes maintenant. Elle s'était résignée à vivre le restant de son existence en ce monde. Elle n'avait guère d'autre choix. Pourquoi n'avait-elle pas passé plus de temps à le comprendre au lieu de chercher vainement un passé à jamais perdu ?

Elle secoua la tête. Il faudrait qu'elle répare cette bévue. Mais avant de se plonger dans les contes et légendes d'un autre temps, elle devait se concentrer sur le présent. L'invasion évitée des gobelins sur la grande cité devait avoir un rapport avec l'attaque des orcs sur l'Académie. La mort du capitaine Ashbert, survenue huit mois plus tôt ne pouvait être un hasard. Bien entendu, son exécutrice était connue. L'annonce de leur duel, surtout son issue, avait été colportée à travers toute la terre des éléments. C'est la raison de cet affrontement qui demeurait floue aux yeux de Salaha. Pourquoi le capitaine en charge de la défense de la ville avait-il bêtement risqué sa vie ce matin-là ? était-ce par excès d'orgueil ? Ou sous quelque obscur enchantement ? Elle ne connaitrait sans doute jamais la réponse. Pourtant elle ne pouvait s'empêcher de penser qu'il existait une cause plus profonde à cette mort qu'un simple goût du défi.

Son regard se porta maintenant vers l'Est. Le désert s'étendait à perte de vue. Y avait-il quelque chose de l'autre côté ?

« Se concentrer sur le présent. Un problème à la fois ! »

Quelques vagues souvenirs d'une existence lointaine lui revinrent. Un antique bracelet à étudier. Oui, elle étudiait le passé, l'histoire peut-être. était-ce son métier ? Elle en parlerait au rôdeur la prochaine fois qu'elle le verrait.

Elle ramena sa réflexion sur les événements récents. Après la mort d'Ashbert, un vote avait été organisé pour désigner le nouveau régent de la capitale. Comme beaucoup, elle était venue mettre son bulletin dans l'urne. Mais qui avait décidé de cette élection ? Elle trouverait sans doute la réponse dans la bibliothèque de la ville. Peut-être même un des ouvrages traiterait-il des contrées du Sud, ou des peuples de ce monde. Elle n'avait toujours pas la moindre information sur la ténébreuse amie du seigneur Orus, et si peu sur lui.

Elle redescendit le sombre escalier. Elle salua une dernière fois les gardes, puis sortit. Les quatre soleils répandaient maintenant leur chaude lueur sur l'ancienne carrière. Leurs rayons se reflétaient sur les rares vitres. Un point brillant attira son attention à droite de la porte. Elle s'approcha. Pourquoi n'avait-elle pas vu cette plaque plus tôt ? Dessus était notée la date d'inauguration de la nouvelle caserne.

« Période Uniqua, jour 17, 104 AC. »

Elle rit de son manque d'attention et son rire mua en bâillement. La fatigue la saisissait par surprise. Depuis quand n'avait-elle pas dormi ? Elle avait besoin de repos. Elle se dirigea vers l'auberge de la mine où un bon lit l'attendait. La bibliothèque de Melrath Zorac n'allait pas s'envoler. Rien ne pressait.

Lien vers le commentaire
Partager sur d’autres sites

27, Période Creativa 105 AC,

Après sa discussion avec les gardes de la caserne, elle avait passé la nuit à l'auberge de la mine. Au petit matin, elle s'était souvenue d'une affaire à régler et qui n'avait que trop attendu. Aussi s'était-elle aventurée vers l'Est, au-delà des sables mouvants. Là, sur un surplomb rocheux, s'attroupaient les mantes-guerrières. Elle s'était approchée avec la plus grande discrétion. Du plus loin qu'elle s'en souvenait, elle éprouvait une profonde aversion pour toutes formes d'insectes. Cette animosité n'avait fait que croitre depuis son arrivée sur la Terre élémentaire. Les bestioles mangeuses d'hommes la répugnaient plus encore que les rampants envahisseurs de sommiers. Elle expliquait ce phénomène par un instinct de survie bien développé. Elle avait donc gardé ses distances durant l'affrontement, profitant du terrain escarpé. Elle était parvenue à occire trois des monstrueuses créatures sans trop de dommages quand l'énergie vint à lui manquer. La magie était capricieuse de nature. Elle requérait une profonde concentration, mais surtout une source de pouvoir. La sienne venait de s'épuiser, et cela signifiait la fin de la chasse.

Déçue de devoir renoncer si vite à son objectif de la matinée, elle s'était dirigée vers la capitale d'un pas lent. Passée la porte Ouest, elle s'était arrêtée à la taverne la plus proche pour le repas de la mi-journée. Puis, une quelconque fantaisie lui ayant traversé l'esprit, elle s'était lancée dans une distribution de bouquets. Des tournesols pour celui-ci qui semblait fort mal en point. Des chrysanthèmes pour celui-là qui revenait d'un séjour chez la Recycleuse d'âmes. Des bambous pour tous et que la joie règne en cette taverne !

Prise en sa distribution florale, elle n'en avait pas vu passer le temps. Les remerciements se succédant, les discussions florissant, elle avait fini par y rester le restant de la journée. Ainsi, s'éveilla-t-elle en une chambre de l'auberge de Melrath Zorac en ce vingt-septième jour de la période Creativa. Elle s'étira de tout son long en son lit confortable.

« Et bien, puisque je suis ici, autant en profiter pour farfouiller dans la bibliothèque de la ville. »

Après une brève toilette, elle sortit dans les rues désertes. La ville était rarement fréquentée en ces heures matinales. Nombreux voyageurs préféraient la fraîcheur du soir. D'un pas vif, elle gagna la bibliothèque et ses rayons abondants. Parcourant rapidement le dos des différents ouvrages, elle butta sur quelques langues inconnues. L'arrangement chaotique qui régnait ici la dérangea plus encore. Il ne semblait pas avoir d'ordre, qu'il soit alphabétique ou chronologique, à l'alignement des lourds volumes. Ils avaient été rangés là selon une logique qui lui échappait totalement. Il lui faudrait des heures pour y faire le tri et sélectionner les livres potentiellement intéressants. Elle n'était pas au bout de ses peines.

Lien vers le commentaire
Partager sur d’autres sites

27, Période Creativa 105 AC, plus tard dans la soirée,

Elle avait passé de longues heures à lire les dos de chaque livre, et parfois la préface. Pour ne point perdre de temps, elle s'était imposée un ordre strict. Partant de l'angle supérieur gauche, elle parcourait chaque rangée de gauche à droite, puis passait à celle du dessous. Elle venait de terminer le premier meuble. La bibliothèque en comptait quatre. Un seul ouvrage avait suscité son intérêt jusque là. Il traitait de l'histoire récente de Melrath Zorac. Divers événements y étaient relatés, de la quasi-destruction de la cité à la création de la garde en la période Creativa de l'an 104 AC pour remédier à la prolifération de gobelins. Toutefois, elle n'y avait rien appris de nouveau.

Elle soupira en reposant le dernier volume. Une pause lui ferait du bien. Une nuit de sommeil serait même le mieux. Elle rajusta sa cape et rejoignit l'auberge d'un pas vif.

28, Période Creativa, 105 AC, tôt dans la matinée,

Elle se leva comme les quatre soleils faisaient leur apparition. Une brève toilette, un petit déjeuner rapide à la taverne, et elle était de retour à la bibliothèque. Devant le deuxième meuble, elle inspira un bon coup puis se mit à la tâche.

La première rangée comportait de nombreux ouvrages en langues étrangères. Elle en identifia au moins trois différentes. Aussi, passa-t-elle vite à la seconde. Là aussi, peu de livres étaient écrits en langue commune. Son tri en fut d'autant plus rapide. Elle s'arrêta finalement à la quatrième étagère, d'où elle tira un lourd volume. Elle souffla la poussière qui le recouvrait. Comme beaucoup de ses semblables, il n'avait pas servi depuis un bon moment. Elle se demanda si cette bibliothèque avait été plus fréquentée en une lointaine époque.

Elle s'avança vers le pupitre laissé à disposition des lecteurs. Elle y posa le livre et l'ouvrit avec précaution. Il abordait les sujets complexes qu'étaient la géographie et la démographie du monde connu. Outre la description des terres des hommes, de Melrath Zorac à l'Académie, il était aussi question d'une contrée dévastée du nom de Nièbsll. Ce territoire était décrit comme aride et infertile. Peuplé de gobelins, orcs et autres créatures dont la description laissait à redouter le pire, il s'étendait à l'Est de la terre élémentaire, au-delà du désert et des sables mouvants.

« Est-ce de là que venaient ceux qui ont espionné la capitale puis assiégé l'Académie ? »

Salaha s'assit un instant. Elle n'avait jamais entendu parler d'autres contrées que celle des hommes. Et voilà que deux s'ajoutaient à la liste en peu de temps. Un territoire mystérieux au Sud, et maintenant un domaine orc à l'Est... Ce monde était bien plus grand qu'elle ne l'avait jusque là imaginé. Elle fut prise d'un vertige devant cette soudaine immensité. Combien d'orcs, gobelins, et autre immondices pouvaient-ils vivre à Nièbsll ? Existait-il d'autres domaines encore ? D'autres espèces ?

Elle revint au volumineux ouvrage. Elle en tourna frénétiquement les pages, les lisant en diagonale. Son doigt s'arrêta soudainement sur un mot : Elfes. Ce monde était loin d'avoir livré tous ses mystères. Toutefois, elle ne trouva pas d'autre information intéressante ce jour-là.

29, Période Creativa, 105 AC,

Elle s'accorda une matinée de repos en ses recherches. Persuadée d'avoir épuisé les ressources de la bibliothèque, elle tombait à court d'idée. Certes, l'Académie devait posséder bien des ouvrages intéressants, mais les sages la laisseraient-ils seulement y jeter un œil ? Elle ne s'était rendu que trois fois en ce temple du savoir. La première, elle était restée aux portes pour aider à repousser l'armée orc. La deuxième, elle avait visité les jardins et une partie des labyrinthiques couloirs. Les rares occupants qu'elle y avait croisés l'avaient tous ignorée. La troisième, elle y avait rencontré Orus. Et voilà où cela l'avait menée !

Elle avala son deuxième café de la journée, paya son dû à Gessouaf, puis se décida à sortir. La journée s'annonçait belle, quoique fraiche. Elle prenait la direction de la bibliothèque quand un « psst » l'incita à se retourner. Malgré la capuche qui masquait à demi son visage, elle reconnut le garde. Elle s'approcha de lui, se fondant dans l'ombre du bâtiment. Il s'exprima à voix basse pour ne pas être entendu d'une oreille indiscrète.

- Tu cherches toujours des informations sur les récents événements ?

- Oui.

- Il se pourrait que je puisse t'aider.

- Vraiment, et de quelle façon exactement ?

- Vois-tu, je suis en charge du journal des gardes cette semaine, je me suis dit que tu voudrais peut-être y jeter un œil.

- En effet, cela pourrait m'aider.

Il regarda de droite, de gauche. Personne n'était en vue. Il poursuivit alors dans un murmure à peine perceptible.

- Les temps sont durs pour tout le monde... je n'ai pas eu beaucoup de chance aux cartes ces derniers jours.

Elle sortit de sa besace quelques distinctions. Il lui jeta un regard entendu, lui montra le journal, toutefois le garda à bonne distance. Elle augmenta la mise. Après plusieurs essais, ils trouvèrent un accord. Ils rentrèrent dans la taverne, et prirent une table hors de vue. Elle lut le journal avec grand soin pendant qu'il se dandinait en face d'elle visiblement pressé. Elle y découvrit pour la première fois les noms de Frazel et Duclain. Les deux hommes, garde pour le premier, Mage pour le second, avaient été envoyés en exploration sur les terres hostiles de l'Est.

- Nièbsll ?

Le mot lui échappa. Le garde la fixa bizarrement. Elle haussa les épaules et poursuivit sa lecture. Elle se pressa de finir, gênée d'avoir mis son interlocuteur encore plus mal à l'aise. La disparition des gobelins, la bataille de l'ancienne carrière, la construction de la caserne... elle n'apprit rien de plus qu'elle ne savait déjà. Le nom de Triviak de Maroí«k l'interpela toutefois. N'était-il pas lié à l'attaque sur l'Académie ? Elle le nota sur l'un de ses parchemins pour ne plus l'oublier. Elle referma alors le journal et le tendit au garde. Il le dissimula bien vite sous sa cape. Il partit après avoir encaissé le reste de ses distinctions, prenant juste le temps de dire au-revoir. Pensait-il avoir trahi un quelconque secret ? Etait-ce le cas ?

Elle fit un dernier tour de la ville. Ses pas la menèrent jusqu'à la prison, ancien siège de la garde. Elle n'apprit rien de nouveau. Qui était Orus ? Un seigneur venu du Sud pour affronter orcs et gobelins ? Il faudrait se contenter de cela. Et cette sombre rôdeuse ? Les dernières rumeurs affirmaient qu'elle était au service du Seigneur. Salaha n'en apprendrait pas plus en la capitale. Au moins, en savait-elle maintenant un peu plus sur la garde de Melrath Zorac, les récents affrontements de l'Académie, et ce qui divisait chaque jour un peu plus le peuple humain.

Elle regagna sa chambre d'auberge. Le lendemain elle retournerait au village du Souffle. Ses recherches en la capitale se soldaient par un demi-échec.

Modifié (le) par Salaha Luvia
Lien vers le commentaire
Partager sur d’autres sites

Join the conversation

You can post now and register later. If you have an account, sign in now to post with your account.

Invité
Répondre à ce sujet…

×   Pasted as rich text.   Paste as plain text instead

  Only 75 emoji are allowed.

×   Your link has been automatically embedded.   Display as a link instead

×   Your previous content has been restored.   Clear editor

×   You cannot paste images directly. Upload or insert images from URL.

 Share

×
×
  • Créer...

Important Information

By using this site, you agree to our Terms of Use.