Aller au contenu
Terre des Éléments

Moumoula & Granéné.


Hephaistos
 Share

Recommended Posts

C’est ainsi qu’elle s’était finalement nommée. Par dépit. Ses parents n’avaient pas eu le temps de trouver quelque chose de plus convenable. En même temps, sitôt qu’elle avait été expulsée des poisseuses entrailles de sa foutue mère, elle avait été abandonnée. Laissée là, pile à l’endroit où sa douce peau de nouvelle-née avait heurté pour la première fois la terre humide du petit jardin que n’entretenait pas ses parents. Quelques poussées d’herbes folles, un arbre mort, un tas d’immondices, et c’était tout. 

 

Elle était ainsi née dans la crasse, d’un rose vite terni par la boue marronnasse, et déjà rongée par les vers.

 

Bien évidemment, elle était trop jeune pour se souvenir de tout cela. Elle ignorait qui avait pu la trouver. Elle comprenait seulement qu’on ait pu la trouver. Nul doute que, comme tout chiard qui se respecte, elle avait probablement braillé sans relâchement, jusqu’à en épuiser les tympans de quiconque se serait aventuré dans les parages. Ce qu’elle ne comprenait pas, c’était le pourquoi. Pourquoi avoir sauvé de cet endroit cette boule de crasse, sale et bruyante ? Un coup de pelle supplémentaire aurait suffi à la recouvrir de terre pour de bon. A atténuer le bruit de ses pleurs.

 

Mais il faut croire qu’un homme ou une femme, aussi fou ou folle soit-elle, l’avait récupéré et sauvé de ce destin tragique. Elle du moins. Du jour de sa naissance et de son absurde sauvetage et jusqu’à ses premiers souvenirs d’errance sur les routes, il ne lui restait rien. Ce qui était étrange. Des années durant elle avait ainsi grandi sans nom, et erré seule sans but précis. Elle ne disposait que d’un petit bout de papier qu’elle portait avec elle. Sur ce bout de papier, la carte du monde. Et non loin d’où était représentée la bourgade de Melrath, une croix était tracée, avec quelques mots griffonnés à côté « Tu es née ici ».

 

Ce n’était que des années plus tard qu’elle avait compris que c’était le lieu où elle était née. Elle avait entrepris d’en apprendre plus sur ses origines. D’apprendre le début de son histoire. Et c’était ce jour précis où elle avait trouvé cet endroit que Moumoula avait enfin pu découvrir des bribes de son histoire.

 

La bâtisse où elle avait grandie n’était plus qu’une ruine. Le toit s’était effondré sous le poids des années, et déjà des plantes grimpantes venaient lécher le haut des murs. Le jardin était triste,  lui aussi, avec ses herbes folles et son arbre mort. Elle ne savait pas réellement à quoi s’attendre. Ou plutôt, elle se doutait que rien de cela ne pourrait égayer sa médiocre vie. Ses parents l’avaient simplement abandonné, dans l’endroit le plus misérable qui soit. Rien ne changerait cela.

 

La bâtisse voisine était encore en relatif bon état. Une vieille femme s’y trouvait, à retourner la terre sans discontinuer. Elle était sale. Pas seulement parce qu’elle retournait la terre pieds nus, et souillée de terre jusqu’au bas d’une jupe déchirée de toute part. Pas seulement parce que de la grotte humide qui lui tenait de bouche s’échappaient des filets de bave lui ruisselant sur le buste et jusqu’aux abords d’une poitrine qui s’effondrait quasiment jusqu’à en toucher terre. Pas seulement parce qu’un couple de mouettes rieuses s’étaient installées dans sa tignasse plus sèche que le désert qui bordait le village. Pas seulement parce que les guanos des sus-citées mouettes traçaient sur son front et sur ses tempes de blancs ruisseaux. Pas seulement non plus parce qu’elle exhalait des relents de chair décomposée et des vapeurs d’étrons frais.

Mais surtout parce qu’elle se tenait là avec un regard qui criait un sauvage besoin de contentement buccal.

 

C’était une femme à ne pas approcher, de toute évidence. Mais Moumoula l’approcha. Il le fallait. Il ne fallut pas grand-chose pour que l’immonde femme se souvienne d’un enfant qui serait né dans la bâtisse voisine.

 

« V’savez, mon enfant, que j’y passe plein d’temps dans c’jardin. J’aime ben trop r’tourner la terre ! Que j’plant’ jamais rien ! Que j’aime po ça les plant’ ! C’ben trop vert ! Et j’ai pas l’temps non pu. Que j’préfère le marron moi ! La terre, la bouillasse ! Hmmm ! J’aime le sôle moi. La crasse. Ch’sème rien du tout moi v’savez. Comme çô, que d’la’terre. J’la retourne comme une bonne femme ahrgh argh ahargh. Mais qu’je me souviens ben de la brailleuse, ah ça oui ! V’savez, j’observe un ti peu mes voisins comme ço pour passer le temps ! Surtout ceux qu’font des trucs sôles ! Et que c’tait pô les derniers ceux-là d’à côté. C’t’toi la brailleuse ? »  

 

Moumoula acquiesça.

 

« M’disait aussi qu’t’avait une tête à ço argharghargh. Fin bon, j’vais t’dire ce que je sais moi de c’t’histoire. Que ço vo pas ben te plaire gamine ! Que la gross’ t’a lourdé dans le gazon ma pov’gamine hein, entre l’arbre mort et l’aut’ tas d’immondices. Qu’il pleuvait à balles ce jour-lô ! Qu’elle était toute crasseuse de dehors et d’dans ta mère. Et que t’étais pas ben mieux argharghargh. ».

 

-          Et mon père ?

 

« Q’t’écoutes pas ben ce qu’j’dis, idiote ! J’t’ai dit qu’il pleuvait à balles. »

 

-          Et alors ?

 

« Ton père voulait pas trop se mouiller le caillou. Qu’il regardait par la f’nêtre. »

 

-          Ah. Et ensuite ?

 

« Ben qu’c’tout. Tu l’aim’ pô mon histoire ? »

 

-          Elle a accouché de moi, et ensuite ?

 

« Ben qu’est-c’t’veux savoir de plus ? Elle s’est relevée et qu’elle est rentrée dans la baraque. Ca pissait je te raconte pô. Enfin toi elle t’a laissé dehors hein. Qu’t’étais sôle faut ben être honnête ! ».

 

-          Mais… mais… Rien d’autre ? Elle ne m’a pas donné un prénom, quelque chose ?

 

« Oh que le prénom elle l’avait d’jà j’crois ben. Que j’t’ai pô dit mais qu’tes parents, qu’ça copulait pas ben plus que des poulpes chasseurs. Que quand ça se boîtait l’un dans l’ot’, c’tait ben trop braillard pour que j’sois pô au courant. Surtout qu’y faisait çô dans le jardin aussi. Pas loin d’où l’autre poisseuse t’as pondu didon arghargghargh. Que ço arrivait une fois l’année, à l’automne. Je crois ben qu’elle aimait çô, ta pouilleuse de mère, les lits de feuilles mortes et les lombrics humides qui gesticulent d’partout. Et je parle pô de ton père gamine, arghghrhargh. Tout ça pour’t’dire que ça y faisait çô à peu près 9 mois avant qu’tu naisses. Et que ça m’a ben marqué l’esprit. A part les cris et les couinements, que j’ai ben entendu une chose ! Qu’ta mère elle répétait tout’l’temps ‘C’est Moumoula !! C’est Moumoula !!’. Ça a duré une éternité, qu’j’avais pas que çô à faire moi, j’avais d’la terre à r’tourner. Donc voilà gamine, t’l’as ton prénom, argharghargh ».

 

-          Vous êtes sûre de vous ?

 

« Ben sûr idiote ! T’me prends pour qui ? La vieille folle du coin ? ».

 

-          Et c’est tout ? Où sont passés mes parents ensuite ?

 

« Qu’est-ça peut-t’foutre ? »

 

-          Ben ce sont mes parents quand même…

 

« Qu’t’écoutes rien ! Rien de rien ! Idiote ! Que j’t’ai dit que j’avais d’la terre à r’tourner ! T’as qu’à d’mander à ta sœur, qu’elle saura ptêt mieux ».

 

-          Ma sœur ?

 

« Mais credidiou ! Tu n’es qu’une idiote ! Que j’vais pô me répéter cent fois ! Que t’écoutes rien du tout ! Que j’t’ai dit que t’étais né là, entre l’arbre mort et l’aut’tas d’immondices ».

 

-          Et donc ?

 

« Tu m’épuises gamine ! C’ta’sœur le tas d’immondices. ‘Fin chais pas trop. Que ça braillait pas autant mais qu’ça bougeait pas mal ah ça oui. Mais qu’j’ai pas vu ta mère la chier celle-lô. Ptêt ben qu’elle était là d’une autre aarghaahargh. Allez va-t-en Moumoula maintenant, que j’ai d’la terre à retourner. »

 

-          Merci… madame. Je ne sais pas quel est votre nom.

 

« Oh que ça t’serô pô utile petite sotte ! Mais bon.. Qu’moi je m’appelle Zieukikrilake, je crois ben. Mais qu’tout le monde m’appelle La Crasseuse, que jsais po ben pourquoi. M’enfin personne m’parle ici, peut-être ben que je pue argharghaarhgghagh. »

 

-          D’accord, madame.

 

Et la jeune fille s’éloigna. Puis s’en alla. Et c’est ainsi qu’elle se renomma Moumoula, avec toutes ces interrogations en tête. Une sœur ? Cela était-il possible ? Etait-ce vraiment sa sœur ? Avait-elle été abandonnée, elle aussi ? Et comment pourrait-elle la retrouver ?
Et ses parents ? Qu’étaient-ils devenus ? Avait-elle réellement envie de le savoir ?

 

Tant de questions en elle. Mais souhaitait-elle réellement avoir toutes les réponses ?

Modifié (le) par Hephaistos
Lien vers le commentaire
Partager sur d’autres sites

Granéné détestait son nom, elle le trouvait insultant et c’était toujours un fardeau pour elle de le dévoiler. La plupart du temps, les gens pensaient qu’il s’agissait d’un surnom ou d’une blague de mauvais goût et elle devait confirmer que c’était vrai, à son grand dam. Comment ses parents avaient-ils pu lui attribuer un nom aussi stupide ? Comment avaient-ils pu lui donner ce sobriquet affreux sans penser aux diverses moqueries qu’elle allait subir ? Granéné avait le seum. Les passants prenaient un plaisir à l’appeler Granéné à chaque fois qu’elle empruntait les ruelles du village et elle avait arrêté de leur dire d’aller se faire voir car c’était inutile. Ces gens n’étaient pas très évolués, un caillou à la place du ciboulot et ils ne savaient qu’enfoncer le clou en s’étouffant dans leurs rires moqueurs. Elle avait pensé à se terrer quelque part pour ne plus faire face à la méchanceté des badauds mais ses amies, pour le peu qu’elle en avait, lui avaient conseillé de continuer à vivre normalement en ne se laissant pas abattre par ses médisances. Certaines lui avaient même confié qu’elles étaient jalouses de sa poitrine opulente et qu’elles auraient vendu leur âme pour avoir la même. Granéné avait des gros seins depuis son enfance, deux boules énormes mises en avant dans des décolletés plongeants. Elle ne portait d’ailleurs que des robes, trop oppressée dans tout autre vêtement couvrant ses nichons. Elle avait des formes qui excitait une galerie de pouilleux mais ne laissait personne toucher ses attributs. Les simplets pouvaient continuer de baver sur son passage en gardant leur main cachée dans leur pantalon car ils n’obtiendraient rien de plus. Granéné ne comprenait pas l’engouement ; quand elle se regardait nue devant le miroir, elle ne voyait que deux tas de graisse horribles tentant de toucher ses genoux. Ils ne se laissaient pas dompter facilement et elle avait du mal à mettre ses chaussures.

 

Granéné devait reconnaître que sa grognasse de mère avait vu juste en lui donnant son nom. Elle avait manqué de courage en l’abonnant à la naissance mais on ne pouvait pas dire qu’elle n’était pas visionnaire. Elle avait déjà essayé de la retrouver en se basant sur un morceau de parchemin qu’on avait glissé sur elle quand elle n’était qu’encore un nourrisson, un papier avec l’illustration d’une carte du monde et l’endroit où elle aurait poussé son premier cri, mais elle avait juste rencontré une vieille folle à l’emplacement indiqué. Après une discussion lunaire avec celle-ci, elle avait espéré ne plus jamais recroiser cette femme immonde mais Granéné n’avait jamais de chance...


- Arghargharghargh, mais c’est la p’tite orpheline, t’es revenue m’voir !

 

- Vous m’avez reconnue ? La dernière fois remonte à plusieurs mois.

 

- Si je t’ai reconnue ? Bah oui que j’t’ai reconnue ! Une paire de meules comme ça, on l’oublie pô hein, von' bientôt exploser tes machins !

 

- ...

 

- Bah quoi, qu’est-ce tu veux que j’te dise ? Ta mère elle est partie, elle est partie hein ! Elle reviendra pas t’voir ici !

 

- Je...Oui, je n’aurais pas dû revenir ici.

 

- En tout cas, t’es pas la seule à être curieuse ! Une ôtre gamine, Moumoula, est venue m’voir il y a pas longtemps ! Elle avait des questions à la con comme toi, pô que vous me dérangez mais bon, je sais pas où elle est vot’mère ! Et vot'père, je sais pô non plus. Si jamais tu le retrouv’, tu lui diras de venir dire bonjour à la Crasseuse, argharghargh!

 

Granéné s’éloigna de cette tarée qui avait soulevé sa robe pour montrer son bas-ventre grouillant d'insectes divers et partit en direction de l’auberge sud de Melrath en tentant d’oublier cette vision d’horreur. Elle avait une soeur qui s'appelle Moumoula, elle avait une soeur qui avait hérité, elle aussi, d'un prénom bien pourri. 

 

 

Modifié (le) par Amaranth
Lien vers le commentaire
Partager sur d’autres sites

  • Hephaistos changed the title to Moumoula & Granéné.
  • 2 weeks later...

Un but en avait remplacé un autre. Elle avait retrouvé l’endroit où elle était née, mais n’y avait trouvé personne. Enfin, si, elle avait croisé la route de la Crasseuse, ce qui était autant une bonne chose qu’une mauvaise chose. Elle n’était désormais plus seulement en quête de ses parents, mais aussi de sa sœur. Et en même temps, elle se sentait de vomir plus qu’à l’accoutumée, l’image de Zieukikrilake lui revenant en permanence à l’esprit. Sa puanteur hantait encore ses narines, sa lubricité infestait ses pensées, sa crasse continuait de pulluler sur son corps, si bien que Moumoula se sentait sale en permanence. Du moins, plus sale que d’habitude. Ayant vécu sur la route, l’hygiène et la propreté n’étaient pas les amies les plus familières de la jeune femme. Disons plutôt qu’une nouvelle couche de crasse, plus immonde, plus épaisse, et plus tenace, était venue recouvrir les précédentes.

 

Elle était d’ailleurs exténuée. Ces années d’errance avaient épuisé tout son être. Il était temps de lever le pied, et pas seulement pour uriner. Après tout, elle se trouvait désormais là, non loin d’où elle avait grandi, et elle imaginait que des gens se souviendraient forcément de ses parents. Surtout, si la Crasseuse disait vrai – et il n’y avait pas de raison de penser que cette vieille folle dispose d’un quelconque filtre – ses parents n’étaient pas de ceux que l’on oublie facilement. Ils avaient quand même l’air d’être de sombres connards. Bref, elle prit la décision de se poser là, à Melrath Zorac.

 

Elle choisit de s’installer au cœur de la cité, sur les rebords de la fontaine. C’était un choix stratégique car c’était un lieu de passage très fréquenté. Y passaient les gens échauffés par le désert aride de l’ouest, et dans l’autre sens, ceux désaltérés par les eaux claires du lac de l’est. Certains ne quittaient jamais la ville et passaient leur temps à déambuler dans ses ruelles pavées. Notamment les vieux, que la vie avait bien trop exténué pour qu’ils puissent se permettre de s’aventurer trop au-delà des murailles de la cité. Il y avait aussi beaucoup de bambins, dont un gamin particulièrement chiant qui ne faisait que brailler à travers toute la ville, pendant toutes les heures de la journée et de la nuit. Plusieurs fois avait-elle voulu le stopper dans son interminable balade bruyante, pour lui dire de la fermer une bonne fois pour toute. Mais à peine atteignait-elle son épaule que le gamin s’était, comme par magie, déporté à une dizaine de mètres plus loin. Que faisait-donc ces parents ? se demandait Moumoula. Ne le cherchait-il pas ? Aucun des parents de cette foutue cité n’était donc capable d’élever dignement ses enfants ?

 

Elle se souvint d’ailleurs de l’autre dégénérée qu’elle avait aussi croisée à l’extérieur de la ville. Une mère éplorée à la recherche de ses maudits gamins. Beffa, elle s’appelait. Elle l’aurait baffée, Beffa… A geindre au moindre passant que ses enfants s’étaient perdus.

 

« Bouhouhou Beffa. Un peu de dignité bon sang. Bouge-toi donc le fondement du tronc de ce palmier et va les chercher, tes gosses ! Après tout, si tu as des enfants en âge de se perdre, tu es en âge de te mouvoir pour aller les trouver et essayer de rattraper un peu leur éducation. » Telle était sa pensée, qu’elle retint toutefois, préférant l’ignorer et poursuivre sa route. D’autant que, de ce qu’elle en avait compris en captant ici et là quelques bribes de conversation, des centaines de vaillants aventuriers les avaient déjà retrouvés ces gosses. Mais de toute évidence, aucun d’eux n’avaient décidé de prendre le chemin du retour vers leur mère. Elle était probablement trop timbrée. Peut-être d’ailleurs que ce mioche dans Melrath était l’un de ses gamins. Peut-être braillait-il autant pour oublier à quel point sa mère était amochée du ciboulot.

 

Elle se posa donc là, au bord de la fontaine dont le bruissement aquatique berçait la jeune femme qui s’endormait souvent au pied de la margelle de pierre. Quand elle ne dormait pas, elle interpellait les passants. «  ». « Hého toi ! ». Souvent sans succès. Correction. Toujours sans succès. Elle remarquait d’ailleurs que les passants déviaient de leur trajectoire pour dessiner un arc-de-cercle qui les éloignait à distance raisonnable de Moumoula. Pour l’ignorer plus facilement. Pour échapper aussi à ses odeurs fétides, le comprit-elle tardivement. La fontaine devint ainsi son lieu de bain favori, diluant et évacuant la crasse accumulée.

 

Un beau jour, ou peut-être une nuit – le fil du temps semblant lui avoir échappé -, près de la fontaine où elle s’était endormie, un homme la sortit de son sommeil du bout de sa lame. Malgré le sourire qu’il ne relâchait pas, son visage était dur, imprimé de cicatrices du passé, et creusé de rides naissantes. L’homme ne lui était pas inconnu, bien au contraire. Elle l’avait vu parcourir la place de long en large depuis le premier jour, à importuner tous les passants, tous les jours, avec la même rengaine. Avec les nouveaux venus aussi. Elle s’était même surprise qu’il ne soit pas venu plus tôt l’importuner elle. Mais il la désintéressait complètement, l’homme semblant lui-même ne pas venir de cet endroit.

 

Il continuait de la fixer avec un sourire charmeur. Moumoula était déjà lassée avant même qu’il n’ouvre la bouche. Elle essaya pourtant bien de rendre ses expressions faciales aussi lisibles que possible, mais cela n’y changea rien. L’homme finit par débloquer sa mâchoire, pour dégainer sans surprise sa rengaine :

 

-          Ca joute, canaille ?  

 

Elle ne savait même pas ce que ça voulait dire. Et elle n’avait pas envie de le savoir. Si c’était pour porter un ridicule bandeau rouge, comme c’était le cas du fanfaron à qui elle faisait face, c’était encore pire. Elle était quand même curieuse. A quoi ce bandeau pouvait-il bien lui servir ? Cela ne le protégeait ni du soleil, ni de la pluie, ni du ridicule.

 

-          Non, je…

 

-          Tu es nouvelle ici ? Tu connais les Gladius Vagor ? Elle avait à peine eu le temps de répondre qu’il l’avait coupé.

-          Nous sommes une fac..

 

-          Non, je ne connais pas les Glandus Valtor. Je m’en fous. Je cherche ma sœur et mes parents. J’aim..

 

-          Moi je viens de Raghénor, j’ai……………………………………. de Baranhor….…………………… Dame Sélénia….…………………… du seigneur Rähor avec Zaein….…………………… au fort de Gälya, ………………………. De Raghénor à……………………… sur….…………………… la traversée de la forêt morte d’Ishga……………………… Vhéno……………………… .  

 

Elle s’était rendormie. A défaut d’avoir trouvé des réponses à ses questions, elle avait trouvé le sommeil. Un sommeil profond.

Modifié (le) par Hephaistos
Lien vers le commentaire
Partager sur d’autres sites

  • 2 months later...

Les coudes et les seins posés sur le bar, Granéné regardait dans le vide en sirotant son orangeade. Les cheveux rouge vif de Géfin et Gésoif, s’excitant derrière le comptoir pour préparer les commandes, n’arrivaient même pas à la troubler. Elle était arrivée dans ce monde telle une fiente qui sort du cul d’une poule, avec autant d’élégance. La seule personne connaissant ses parents était une vieille folle dont les dents pourries menaçaient de tomber à chaque mot prononcé et elle avait une sœur qui devait se trouver dans le même état qu’elle actuellement, blasée. Elle avait envie de rire et de pleurer sur son sort mais ne sachant que faire, elle ne faisait rien. Elle aspirait juste le liquide dans son verre pour justifier sa présence sur le tabouret. Personne ne lui avait fait remarquer qu’elle absorbait de l’air depuis quelques minutes et qu’elle avait terminé sa boisson depuis bien longtemps. Ses pensées l’avaient quittée brutalement lorsqu’un type au bandeau rouge s’était introduit dans la taverne avec la discrétion d’un éléphant dans un magasin de porcelaine.

 

« Allez, z’est partiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiie ! »

 

Sentant les ennuis arriver, elle s’était levée précipitamment de son siège pour s’enfuir dehors. Elle n’avait pas été emmerdée jusqu’à présent, c’est pas maintenant que ça allait commencer. Les gens ici ne s’étaient pas encore ouvertement moqués d’elle, ils semblaient tous vaquer à leur occupation mais elle restait méfiante. La nuit commençait à tomber et elle se demandait si c’était bien prudent de s’aventurer dehors à cette heure mais elle ne voulait pas rester enfermée dans sa petite chambre malodorante. Une armure et des épées utilisées par un homme à l’hygiène inexistante trônaient fièrement dans sa piaule. Elle ne savait pas si cet attirail appartenait au précédent pensionnaire ou si c’était une décoration de mauvais goût, juste que l’odeur de sueur et de sang s’en dégageant ne lui apportait pas un confort olfactif optimal.

 

Elle s’était décidée d’aller au lac de plaisance au nord et fut ravie de n’y croiser aucune âme. Les thermes étaient vides aussi et elle en profita pour plonger nue dans l’eau chaude. La vapeur humide réduisait la visibilité donc elle ne craignait pas d’être observée. Elle barbotait avec volupté lorsqu’elle entendit un murmure. Elle se retourna et chercha du regard l’auteur du son mais elle était toujours seule. Étrange. Elle reprit sa relaxation en se disant qu’elle avait rêvé sans réaliser qu’il y avait bien quelqu’un qui s’approchait d’elle ou plutôt une ombre. Elle s’apprêtait à se laisser glisser une nouvelle fois dans l’eau mais fut arrêtée par une main brûlante au niveau de l’épaule. Le contact la raidit instantanément.

 

« Iltiah »

 

« Pardon ? »

 

« Iltiah »

 

« Mais arrête de me toucher ! »

 

« Iltiah »

 

Elle ouvrit les yeux et remarqua qu’elle était en train de couler. Elle remonta à toute vitesse pour prendre une grande bouffée d’air et s’appuya sur l’échelle en crachant des gorgées d’eau. Elle ne connaissait pas d’Iltiah mais elle était sûre d’une chose, elle avait l’art de rencontrer des gens dérangeants. Après la cinglée grouillant de vers, une simplette ne sachant dire que son nom. Même pendant un malaise, elle arrivait à tomber sur des déséquilibrés. Elle sortit de l’eau, s’habilla et quitta les lieux en espérant que cette Iltiah irait hanté quelqu’un d’autre. Pourquoi pas le type qui s’était pointé en auberge d’ailleurs ? Granéné soupira en entendant la voix grave du trublion avant même qu’elle ait gagné le pas de la porte et décida de se balader vers l’est. Elle contourna les palmiers en se demandant si une noix de coco était aussi lourde que ses meules et se dirigea vers la fontaine. Les jets d’eau de celle-ci offraient un spectacle désolant, cherchant désespérément à faire des trous nets dans la couche de crasse. Elle s’approcha, dépitée, en se disant que les gens de cette ville n’étaient même pas foutu d’entretenir la seule chose qui l’embellissait. Pire encore, une sans-abri immonde avait décidé de s’endormir sur le bord en bavant dans l’eau et son corps difforme menaçait de s’effondrer dans la flotte. Le péquenaud habillé en bleu près de la fontaine ne l’avait même pas chassée. Elle attrapa une pierre aux pieds de la statue non loin de là et la balança sur la femme allongée. Il n’était pas question qu’elle la touche du bout des doigts.

 

« Hé oh, lève-toi, tu vas tomber ! »

Lien vers le commentaire
Partager sur d’autres sites

  • 2 weeks later...

La lune et les étoiles. En un instant, tout avait disparu, pour n’y laisser que le noir de ténèbres insondables. Une éclipse aussi soudaine qu’inattendue, alors qu’elle agonisait paisiblement dans la moiteur de sa crasse. Une éclipse douloureuse, réalisa-t-elle après avoir été percutée par un projectile de nature non identifiée. Une éclipse bruyante aussi, quand elle se fit alpaguée.

 

« Hé oh, lève-toi, tu vas tomber ! »

 

Devant elle, une déclaration de guerre. Deux obus lourdement armés, dirigés vers elle. C’était un appel aux armes. Un drapeau blanc incendié. Une colombe carbonisée. Une paix piétinée. Tout indiquait là qu’on lui voulait du mal. Elle ignorait cependant qui, les deux obus dissimulant toute forme humaine. Elle fit néanmoins fonctionner son sens de déduction pour conclure qu’il s’agissait probablement d’une femme. Statistiquement du moins. Elle avait croisé un paquet d’hommes chez qui les seins et le bide se disputaient le point culminant de leur poitrine.

 

La voix était féminine, toutefois. Ce qui réduisait encore un peu plus les probabilités. Toutefois la voix n’avait rien de sensuel, et était aussi charmante qu’un coup de râteau sur une terre aride.

 

-          Je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée, lui répondit-elle. Je ne voudrais pas relarguer un nouveau nuage de crasse.

 

En même temps, elle avait interrompu sa sieste de manière fort désagréable. Sans réclamer son dû, elle se releva, s’agita suffisamment pour diffuser correctement sa fragrance naturelle, et s’éloigna rapidement. Elle n’avait ni envie de mourir asphyxiée dans deux protubérances de chair, ni de discuter avec cette inconnue très impolie. Sa silhouette monstrueuse masquant le clair de lune lui avait suffi.

 

Elle commençait à connaître la ville et ses recoins. Elle songea d’abord à rejoindre le quartier vert, sorte d’oasis de fraîcheur au cœur de la cité. La végétation y était plus dense qu’ailleurs, et permettait aisément de s’y cacher, surtout la nuit. Et puis, c’était un autre point d’eau pour diluer ses crasses éternelles. Elle se réjouissait d’avance, mais elle déchanta rapidement.

 

Il était là.

 

Le taré.

 

Elle ne distinguait en majeure partie que son ombre, mais la lune argentait son profil. C’était bien lui. Aucun doute.

 

Le barge.

 

Pour ne pas changer, il était encore en plein débat intérieur. C’était la même chose à chaque fois. L’homme disait une chose, avant de se reprendre violemment, et de se contredire. Une merveille de la nature.

 

Un illuminé.

 

 Et Moumoula savait très bien ce qu’il cherchait. Elle tenta de reculer d’un pas, pour esquiver sa rencontre. Trop tard, déjà il l’interpellait.

 

« Moumoula ! Veux-tu m’aider à chercher des fleurs d’étoile ? »

 

Elle s’était longtemps retenue de le froisser. Il était complètement atteint après tout, et elle ne voulait pas le mettre en colère. Mais ici, la distance était raisonnable. Elle pouvait se permettre de l’envoyer paître.

 

-          Non. Je m’en contrecarre de tes foutus fleurs. Elles n’existent pas de toute façon. Si ta sœur Cécile était vraiment là, tu pourrais lui dire. Mais elle n’existe pas non plus. Elle est sûrement morte quand tu étais jeune, et tu as été traumatisé. Va-t’en maintenant, ou va demander à l’autre difformité près de la fontaine. Mais laisse-moi tranquille. »

 

Sans attendre sa réponse, elle lui tourna le dos, contourna le bâtiment de la prison, puis s’y glissa. Direction les égouts. Ici, sa crasse ne dérangerait personne. Elle serait tranquille, au milieu des rats et des eaux croupies. Au calme.

 

Dans ses songes, les obus revinrent à la charge. Toujours pointés sur elle. Ils lui voulaient quelque chose. Mais quoi ? Dans ces mêmes songes, elle se questionna sur celle qui en assumait le poids et la charge. Qui était-elle ? Elle avait passé des jours au pied de cette fontaine, et il n’était plus de visage qui ne lui était pas familier. Peut-être qu’à son réveil, se motiverait-elle à se renseigner sur cette nouvelle venue dans les parages. A condition qu’elle n’ait pas tout oublié.

Modifié (le) par Hephaistos
Lien vers le commentaire
Partager sur d’autres sites

  • 5 months later...

Elle n’avait jamais senti une odeur aussi nauséabonde. La pisse d’un ivrogne coulant le long d’un muret était une fragrance divine à côté. Reculant de plusieurs pas pour régurgiter, elle ne vit pas l’immondice quitter les lieux mais se douta rapidement qu’elle n’était plus là. L’air frais était revenu et elle pouvait à nouveau respirer, ou presque. Le vomi n’était pas tombé au sol et s’était longé dans sa poitrine généreuse, une aventure qu’elle connaissait à chaque fois qu’elle avait le malheur de tomber malade. Frottant ses seins avec le bas de sa robe avec difficulté, vu qu’elle n’avait rien d’autres sous la main et qu’elle ne pouvait pas s’approcher de la fontaine contaminée à jamais par l’autre puante, elle marmonna « J’en ai vraiment marre de cette vie de merde » en se dirigeant vers l’est.

 

Granéné voulait en finir. Elle portait le poids du monde sous ses yeux et plus personne ne pouvait la convaincre de ne pas passer l’acte. Pour faire honneur à son existence ratée, elle décida d’aller en prison et demanda à un garde de l’enfermer dans une cellule pour la laisser crever au milieu des rats. Celui-ci la dévisagea avec dégoût puis balbutia quelques mots en prétendant qu’il fallait une autorisation de la maire et qu’il ne pouvait répondre à sa demande. Quel con inutile, il est au garde-à-vous toute la journée devant des pièces sans détenus et ne saisit pas l’opportunité qu’elle lui offre. Elle hésite à lui administrer un coup de pied dans les parties génitales pour le faire changer d’avis mais jugea qu’il ne devait pas en avoir après l’échec de sa requête.

 

Désespérée, elle décida de se rendre dans les égouts. Un fumet d’eau stagnante et de bêtes mortes lui allécha les narines quand elle descendit l’échelle vers la passerelle. Rien de bien terrible comparé à ce qu’elle avait vécu quelques minutes plus tôt. S’avançant progressivement vers le cœur des lieux, elle fut cependant frappée une nouvelle fois par les effluves écœurantes de la clocharde fétide. Non, ce n’était pas possible. Elle la chercha du regard tout en posant ses mains sur la bouche pour éviter de déglutir. Des larmes s’étaient mise à couler sur sa joue tellement l’odeur était forte. Continuant sa route à moitié aveugle, elle contourna quelques cartons sans voir la boule puante allongée au milieu. Elle l’accrocha du bout des pieds et tomba en avant dans l’eau crasseuse des égouts. Elle tenta de se retourner pour prendre une bouffée d’oxygène mais ses deux grosses boules de graisse la traînèrent vers le fond sans lui en donner l’occasion. Granéné comprit que c’était fini, qu’elle avait réussi. Elle lâcha un pet de soulagement dans l’eau et la bulle remonta à la surface accompagnée du vomi qui couvrait sa robe.

 

 

Lien vers le commentaire
Partager sur d’autres sites

Encore accrochée à ses songes, Moumoula sentit une gêne au niveau de la pointe de ses pieds, ce qui la tira aussitôt de la gadoue onirique dans laquelle elle s’était embourbée.

 

Ses yeux s’ouvrirent rapidement, mais ce sont ses oreilles qui furent immédiatement agressées. Deux énormes ploufs successifs - un pour chaque obus le comprit-elle ensuite – se firent entendre, rapidement suivis d’une volée d’eau crasse sur sa personne. Pas aussi crasse qu’elle cela dit, ce qui eut plutôt l’agréable effet de l’assainir un peu.

 

Détournant son regard vers les eaux croupies, elle reconnut immédiatement la silhouette disgracieuse de la folle de la fontaine. En moins de temps qu’il ne lui en fallut pour faire pivoter sa nuque, le missile doublement armé gisait déjà au fond des eaux des égouts, lâchant par la même une bulle nauséabonde qui éclata à l’air libre sans rien perdre de sa saveur, les volutes glissant déjà ici et là le long des parois de l’endroit, rampant sur les pavés comme un lézard éventail, et empestant l’air avec une facilité déconcertante.

 

Elle ne se sentit pas même un peu coupable d’avoir laissé traîner son pied sur la pierre. Elle n’était une perte pour personne.

 

Toutefois, Moumoula ne voulait certainement pas payer pour cette morte abjecte, et l’accuser serait bien facile, surtout après l’altercation qui s’était tenue aux yeux de tous à la fontaine un peu plus tôt. Elle entreprit de se relever aussitôt. Nul doute que les ploufs avaient dû réveiller l’un ou l’autre des gardes de la prison, et si ce n’était pas le cas, l’odeur s’en chargerait. Ou la montée des eaux.

 

Se remettant difficilement sur ses appuis, Moumoula eut toutefois du mal à supporter les arômes poissonneux qui lui léchaient les narines. L’air en était saturé désormais, et l’oxygène se faisait rare. Elle avait pourtant grandi dans la crasse, et était accoutumée à ces odeurs pestilentielles. Mais là c’en était trop. Son corps ne pouvait pas supporter, en plus de l’ultime boulet gazeux de l’immondice fraîchement décédée, l’odeur naturellement malsaine des égouts de Melrath, et ses propres effluves, qui étaient, au bas mot, désagréables.

 

Il lui fallut une seule seconde. Une seule seconde où elle s’oublia, noyée dans les flots d’airs putrides, pour vaciller, perdre l’équilibre, et laisser son corps choir là où, quelques minutes plus tôt, l’autre gourdasse l’avait précédé.

 

Si sa chute fut moins tonitruante, elle n’en resta pas moins débile. Et hélas pour elle, Moumoula n’avait jamais entretenu une relation passionnée avec l’eau, sous quelque forme que ce soit. La nage lui était donc inconnue. Comme un étron trop lourd, elle se laissa alors couler au fond de l’eau. Elle ne prit pas même la peine d’ouvrir la bouche pour respirer, préférant priver les prochains vagabonds de son haleine fétide. Elle avait accepté son sort.

 

L’histoire raconte que jamais les corps ne furent sortis de l’eau. Trop lourds, trop sales, ou les deux à la fois. Personne ne souhaitait mettre en œuvre de moyens trop importants pour leur donner une digne sépulture. C’était une  basse besogne, nul doute.

 

 

C’est ainsi que Moumoula et Granéné girent côte à côte pour l’éternité. Elles qui ne s’étaient jamais trouvées dans la vie, se retrouvaient ensemble dans la mort. Poétiquement, ironiquement, idiotement, chacune avait causé la mort de l’autre. Et comble de la pitrerie, jamais elles ne surent qui elles étaient l’une pour l’autre.

 

Les années passèrent, les chairs se consumèrent, et sans que l’on sache réellement comment, leurs os se volatilisèrent. Pourtant, de l’endroit même où les deux sœurs avaient achevé leur voyage, émergèrent deux racines verdoyantes, certes ancrées dans la crasse et l’immondice, mais élancées vers la surface en quête de quelques lumières réconfortantes.

Modifié (le) par Hephaistos
Lien vers le commentaire
Partager sur d’autres sites

Join the conversation

You can post now and register later. If you have an account, sign in now to post with your account.

Invité
Répondre à ce sujet…

×   Pasted as rich text.   Paste as plain text instead

  Only 75 emoji are allowed.

×   Your link has been automatically embedded.   Display as a link instead

×   Your previous content has been restored.   Clear editor

×   You cannot paste images directly. Upload or insert images from URL.

 Share

×
×
  • Créer...

Important Information

By using this site, you agree to our Terms of Use.