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Terre des Éléments

La magie c'est toujours un peu suspect.


Eyleen
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Enfin le soir, il va faire un peu plus frais...

Quelle moiteur...

Envie de rien, tiens...

"˜reusement tout le monde reste terré au frais, volets fermés, portes verrouillées... Tout est désert. Tant mieux. Cavaler par ce temps, c'est impossible, que ce soit pour fuir ou pour poursuivre... Pas le courage.

Je suis pas trop mal, là... Calée contre un tronc de palmier, assise sur ce gros rocher à la patine verdâtre... Marrant comme il porte la trace de plein de coups infructueux... Je me demande ce qu'on peut bien lui trouver à ce caillou, il n'a rien de bien passionnant, mais j'ai plusieurs fois vu des mineurs s'acharner dessus sans succès. Même les plus costauds parmi mes ex-compagnons des enfers n'en sont jamais venus à bout, paraît-il... Je crois qu'ils avaient envoyé un rôdeur. Un rôdeur pour leur ramener un bout de caillou vert sans aucun intérêt... Parfois, leurs motivations m'échappent...

Je grattouille distraitement le caillou du bout du doigt.

Un morceau s'en détache et roule au sol.

Comme ça.

J'écarquille les yeux.

J'ai pourtant pas rêvé, ces marques de pioche qui n'ont servi à rien et moi...

Moi...

Je me baisse, je ramasse le bout de pierre et là...

Ce coup de barre, brutalement ! C'est comme si je venais de lui cogner dessus pendant deux heures ! Comme... Indescriptible.

Comme si le fait de prélever un morceau de ce rocher m'avait pompé de l'énergie. Vertige à tomber à la renverse, et une vague nausée... Merde... Faut que je me rasseye... Ca va pas fort, là...

Non.

Pas sur ce rocher.

Il est pas net ce machin.

Je lui fais pas confiance...

Je préfère ce vieux tronc d'arbre.

Hébétée, je fixe le caillou vert dans ma main...

Mais qu'est-ce que c'est que ce truc...

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Le soleil se couche. Il teinte le désert environnant d'ambre orangé. C'est l'heure que je choisis habituellement pour une balade. Les rayons de l'astre diurne ne brûlent plus ma peau, les ombres s'allongent, je peux me mêler à elles en toute quiétude.

Direction les ruines, comme toujours. L'un de mes refuges préféré.

J'effleure du bout des doigts les pierres sans âge, choisit un éboulis abrité par un mur instable et m'installe enfin. Je tends machinalement le bras droit vers le sol pour qu'Yzrael puisse descendre de mon épaule et enfin gambader. Attentive au moindre son, j'observe son corps sombre onduler sur le sable encore chaud.

Tout est paisible...

Fouillant silencieusement dans la petite bourse attachée à ma ceinture, j'en sors un bâton de cannelle et commence à le suçoter en réfléchissant. Beaucoup trop de choses occupent mon esprit en ce moment, elles me détournent de mon objectif et cela me dérange. Concentre-toi Nïn...

Plongée dans mes pensées, je n'ai pas vu le temps passer. Lorsque je lève à nouveau les yeux vers le ciel, je constate que des étoiles commencent à s'accrocher à la voûte céleste.

Il est temps de rentrer. Bientôt, le désert va revêtir son habit de froidure. Et j'ai horreur du froid...

Je cherche des yeux Yzrael, c'est étrange qu'il se soit autant éloigné sans que je le lui demande. Je range le reste de ma friandise et me lève, en m'étirant comme un félin après un long sommeil.

- Yzrael ?

Ma voix, bien que contrôlée, résonne entre les pierres silencieuses. Je gronde intérieurement contre ce manque de discrétion et part à la recherche de ma salamandre, guidée par mon instinct vers le sud. Le sable sous mes pieds nus commence à se rafraîchir, c'est comme un compte à rebours.

Au bout de quelques minutes, j'aperçois un reflet sur sa peau brillante. Il est là, totalement immobile. Il fixe quelque chose, là-bas. Je lève les yeux.

Oh, non...

Si elle ne m'a pas encore vue, nulle doute qu'elle n'a pas pu le rater, lui.

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Elle a l'oeil sombre, brillant, immobile, rivé sur moi. J'y lis une intelligence inhumaine, glaciale... féroce.

Une salamandre.

Ou... quelque chose qui ressemble à une salamandre.

Trop grand.

Trop...

J'ai levé les yeux au bruit léger qu'elle produisait sur le sable. Et elle était là, immobile au bout de son sillage sinueux. A me fixer, sans un clignement de ses yeux étranges.

Comme l'autre.

L'autre salamandre...

Et comme je reste piégée dans son regard comme la proie d'un de ces grands serpents, je revois les cavernes profondes, le fleuve de lave, le soleil blanc de sous la terre... Une salamandre m'avait conduite. Une autre... Plus petite, et ses écailles avaient une autre nuance. Mais son regard...

Son regard...

Presque...

Elle n'avait pas ces yeux féroces, ma salamandre.

Je me lève de mon rocher, doucement.

Je ne veux pas l'effrayer, risquer qu'elle m'attaque. Je devrais la tuer, je ne veux pas avoir à le faire... C'est idiot, je sais. Complètement idiot...

La pierre verte roule au sol. Je l'avais oubliée.

Elle s'immobilise entre moi et l'animal.

Un temps...

Je me redresse.

Un pas.

Deux.

Je guette sa réaction...

Je ne quitte pas ses yeux du regard...

Pas une seconde.

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Qu'est-ce qui t'a pris, Yzrael, de t'éloigner autant ? Me voilà dans une drôle de situation maintenant.

J'ai peine à croire qu'elle n'ait pas détecté ma présence... pas très prudente la guerrière. Se laisser distraire par un animal.

D'accord, c'est un animal exceptionnel, mais tout de même.

Immobile, je les observe. J'ai masqué mon aura, retenu la magie pour être plus discrète bien avant d'arriver jusqu'à eux. Je ne suis qu'un petit morceau de nuit de plus, à peine visible.

Elle semble hypnotisée.

Lui, il joue.

Je sais que ça l'amuse, ces sensations qu'il provoque chez tous ceux qu'il fixe. Curiosité, peur ou fascination... mais jamais indifférence.

Première solution : esquiver la rencontre en laissant Yzrael se débrouiller.

Inconcevable.

La dernière personne à avoir essayé de lui faire du mal, c'était ce sale mioche. Le petit gros de l'école, le gosse de riche, la terreur qui se faisait respecter à coups de poings.

Tu me dépassais bien d'une tête à l'époque hein ? Tu m'as pris pour une gamine, du haut de tes neuf ans. Crétin ! Pendant combien de temps, je t'en ai fait baver, pour avoir osé toucher au seul compagnon que j'avais jamais eu ? Tu as hurlé comme un goret, je m'en souviens maintenant. Et je n'ai aucun remord...

Mais elle, elle ne semble pas lui en vouloir. Il n'empêche que je ne vais pas la laisser l'approcher.

Le pas qu'elle vient de faire est déjà de trop.

Seconde solution : la tuer. Ce qui me permettrait, en plus, de récupérer la gemme qu'elle vient de laisser tomber, et qui m'intéresse grandement. Le problème, c'est qu'elle et tout ceux ayant un quelconque rapport avec la terre semblent posséder une certaine résistance à ma magie. Et puis, je n'ai pas envie de me battre. Pas si je ne suis pas sûre de l'emporter rapidement, l'endurance n'est pas mon fort. Et en l'occurrence, je ne suis pas sûre.

Surtout qu'elle m'intrigue, et qu'il serait dommage de la saigner avant d'en avoir découvert davantage.

La dernière fois, je n'avais pas vu la couleur de ses yeux, cachés sous un capuchon. La dernière fois, je n'avais vu que l'éclat aveuglant de la marque maudite sur son bras.

Mais ce soir, elle ne brille pas, sa cicatrice. Toute terne sur sa peau sombre. Je ne suis pas en sécurité pour autant, cela dit.

D'ailleurs, qu'est-ce qu'une elfe des cavernes fait ici ? Si elle est bien de cette race, ses terres d'origine sont infiniment loin. Bien plus loin que les miennes. Qu'est-ce qui l'a poussée à se mettre en danger en se mêlant aux humains ? J'avais bien lu qu'il en restait très peu comme elle, pourtant...

Mais pour le moment, c'est le cadet de mes soucis.

Troisième solution, appeler silencieusement Yzrael. Facile, quand on a un lien.

Sauf qu'il n'obéira pas. Il n'obéit jamais quand il joue.

Et là, je sais très bien ce qu'il veut.

Il va attendre qu'elle s'approche suffisamment, sans bouger. Et quand elle tendra la main, presque en confiance, pour essayer de le toucher, il la mordra. Jusqu'au sang.

Ensuite, il s'éloignera, ondulant tranquillement en se léchant le museau, satisfait.

Sauf que cette fois, tu te surestimes Yzrael. Elle n'est pas comme les autres, elle est plus leste, et probablement plus intelligente. Elle n'aurait pas survécu sinon.

Et avant même que tu n'ouvres la gueule, elle aura remarqué l'éclat dans ton œil fourbe et aura retiré sa main. Peut-être même qu'elle t'aura coupé en deux d'un coup de dague.

Alors non, je suis navrée mais tu ne joueras pas cette fois. Et je suis surtout désolée de devoir employer la dernière solution : t'appeler à voix haute et sortir de l'ombre.

Je n'ai plus tellement le choix, elle vient de faire un deuxième pas.

- Yh Jrahel...

Dans la langue d'Ylis, pour que tu ne puisses pas résister.

Et puis, par la même occasion, préparons nous à lancer quelques sorts... on ne sait jamais.

Modifié (le) par Nospheria
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  • 3 weeks later...

A portée de la pierre verte, mais trop près de la salamandre.

Il me guette.

Je sais qu'il m'attend.

Si j'arrive à portée de son museau court, il mordra. Il n'espère que ça. Comment est-ce qu'un oeil de bête peut receler autant de malice, d'intelligence froide et mauvaise, toutes ces choses qui ne sont pas animales... J'aime les bêtes parce qu'elles ne tuent pas sans besoin. Même les chats chassent pour se nourrir, par instinct. Cette salamandre... Il y a quelque chose en elle qui la rend... plus qu'un animal et infiniment moins, pourtant. Trop d'intelligence et plus aucune innocence.

Une créature maudite.

Je la plains.

Je vais m'accroupir et ramasser la pierre verte, sans la quitter des yeux. Puis je vais reculer, me mettre hors de sa portée, continuer à l'observer et attendre qu'elle bouge, qu'elle attaque, ou qu'elle s'en aille comme elle est venue.

Sauf que la voix vient interrompre mon programme.

Une voix de femme, dans un langage inconnu.

Un bref coup d'oeil, elle approche, une nécromante en longue robe sombre, un visage étroit que j'ai déjà croisé, un sourire mince et sans aucune chaleur, message de haine et de suprême dédain pour la vie.

Elle n'approche pas, je ne recule pas. Je fixe à nouveau la salamandre. Même si des deux la plus dangereuse est probablement la femme et non la bête. La main prête à dégainer, tendue, aux aguets.

Autre regard rapide à la femme, pas pu m'empêcher.

Son nom me revient, Nospheria.

Elle semble tendue elle aussi, prête... à quoi ?

A défendre son ami reptile ?

Contre moi ?

Je ne lui veux pas de mal, même si je ne lui veux pas le bien que toute bête peut attendre de moi.

Toujours sans bouger, les yeux revenus sur la salamandre; je dis à mi-voix.

Etrange compagnon que tu as, Nospheria.

...

C'est son nom que tu viens de dire ?

Inspiration brusque, parce que j'ai vu la bête réagir.

Comme un chien que son maître rappelle.

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