Tout n'était qu'une histoire de sang

[Exoriel]

Tout avait commencé dans le sang ...

Lorsqu'on y repense, sa première façon de me dire qu'il m'aimait fut de m'abattre. Quel homme amoureux, ou qui se disait amoureux pouvait bien assigner le coup fatal à celle qui disait être sa dulcinée. Méthode barbare d'aimer.

Ma bague de mariage entre mes doigts, je la fixais intensément en pensant à la longue année de notre mariage. Amour, jalousie, joie, possession, bonheur, tristesse ... Un panel de ressentie contradictoire. Une contradiction aussi grande qu'elle était flagrante aux yeux de tous sauf aux miens. L'illusion de l'amour est la plus belle chose le temps qu'elle dure.

Terne, la bague ne brillait plus, elle avait perdu son éclat. Sans doute feu mon mari avait posé un sortilège, éclatante pour l'amour, terne pour la haine. Je me demandais si à force cet anneau pourrait se disloquer de lui même. Une bague à l'amour changeante ... Cela me plaisait bien comme idée et m'arracha un sourire. Mais plus le temps s'écoulait plus le serpent qui ornait l'anneau semblait me narguait. Qui était réellement le serpent dans l'histoire, Mon Ange Déchu ...

Assise au secrétaire de ma chambre d'auberge, je repoussais la bague plus loin reposant à nouveau mon regard sur le parchemin qui se faisait face. Que dire ... Sans doute ne méritait il pas plus des mots que le retour de l'anneau. Mais mon goût pour ceci était aussi vil que ses méthodes barbares d'aimer. Me faire une raison semblait être la seule solution, mais pas sans y mettre mon point final. Mais ... Pour une fois depuis longtemps, je ne trouvais pas mes mots, ceux qui font mal.

Ma page restait blanche alors que mon esprit était tourmenté par les souvenirs.

«Si ton sang coulait à nouveau de mes mains, ma mort s'en suivrait immédiatement » Tels furent ses mots. Une promesse, énième ... Et si je puis dire, brisée ... Je pourrais lui rappeler, mais hypocritement, il ferait mine de ne pas s'en souvenir. Une nouvelle fabulation de ma part. Et cela ne m'apporterais rien. Trop de fierté, de reconnaître qu'il avait tord et se donner la mort, l'entourait.

Et mon parchemin était toujours vide ... Comme l'étaient les raisons de ma fin. Un soupir, j'étais réellement à cours de mot. Peut-être les mots ne servaient à rien. Je pris tout de même ma plume et la trempais dans mon encre d'un rouge vif et commençais à écrire.

... Tout n'est qu'une histoire de sang ...

J'enroulais le petit morceau de parchemin autour de la bague. Il n'y aurait ni ruban ni cachet ni signature. Il n'avait nullement besoin de ça. Il saurait qui en est l'expéditrice. Quittant ma chambre afin de regagner la volière des oiseaux messagers, j'en choisi un d'un blanc immaculé. Un choix ironique qui convenait parfaitement à la situation. J'accrochais la petite missive à ses serres acérées en cajolant ses plumes enneigées avant de le laisser s'envoler en direction de sa proie.

Le volatile s'éloignait toujours plus, et je me demandais si il n'oublierait pas mon petit cadeau. J'espérai que l'oiseau blanc n'oublierait pas d'user de ses serres à bon escient sur sa futur proie. Pendant que je quittais la volière pour retrouver ma chambrée me remémorant notre dernière entrevue qui avait conduit à ma nouvelle mort de sa main. Preuve d'amour ou de haine ... De mon côté, il ne s'agissait plus que d'une haine indifférente.

Adieu ... Yaninho, traitre de ton sang.

... Tout avait fini dans le sang.

Modifié (le) 12 juin 2010 par Exoriel