Yteyk Amris Posté(e) 6 juin 2012 Signaler Share Posté(e) 6 juin 2012 Pour tous les candidats, postez ici votre proposition de RP. Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
Salaha Luvia Posté(e) 14 juin 2012 Signaler Share Posté(e) 14 juin 2012 (modifié) Période Azura, le 7 [+ 105 AC], près des ruines du fort d'Abroy Le capitaine Garke avait voyagé toute la nuit, courant plus qu'il ne marchait. Le bruit sourd des canons tonnant si près de son précieux fort l'avait incité à poursuivre sa route sans le moindre arrêt. La peur hâtant ses pas, il arrivait maintenant en vue du désastre. Dans la lueur de l'aube, se dessinait le carnage. Au milieu des ruines, des cadavres d'humains et d'orcs s'entremêlaient en des tas sanglants. Dans l'eau se tenait l'épave de ce qui avait du être un fier galion, symbole de l'échec du débarquement. Capitaine Garke Trop tard, nous arrivons trop tard ! Ils ont débarqué pendant la nuit. Heureusement, leur route semble s'être arrêtée ici. Je n'ose imaginer ce qu'il serait advenu s'ils étaient passés. Le pire a été évité de peu. Mais le fort est à nouveau inutilisable, tout est à refaire ! Grand chevalier de la garde de Melrath Zorac Est-ce vraiment nécessaire ? Nous perdons notre temps ici ! Les orcs ont un campement au sud-est. Allons donc leur régler leur compte une bonne fois pour toute ! Le capitaine regarda le chevalier avec surprise et déception. Il ne faudrait pas compter sur la garde pour rebâtir le fort, et les Elfes avaient déjà fait leur part. Abroy serait-il condamné à l'oubli ? Au même moment, au large des côtes Le navire tanguait doucement sur la mer calme. Dans la salle de commandement l'amiral se grattait la barbe avec insistance et un soupçon d'énervement. Amiral Kork Maudits humains ! Il faut toujours qu'ils se mêlent de ce qui ne les regarde pas. Nos troupes diminuent à vue d'œil et nous sommes toujours bloqués en mer. Nous ne pouvons nous permettre un nouvel échec. Abroy est détruit et la côte sans surveillance, cette fois il faut en profiter. Que tous se tiennent prêts ! ~o~ Quelques jours plus tard, quelque part dans la forêt d'Irliscia Suite aux récents événements, le conseil des Elfes du Sud tenait une réunion, présidé par le prince Kalerz en personne. Kalerz, prince elfe Le Capitaine Garke demande à nouveau notre aide pour rebâtir le fort d'Abroy. Nous sommes en bons termes avec lui, toutefois je doute qu'une nouvelle reconstruction aidera à protéger nos côtes. Les humains ne semblent pas capables de tenir cette défense. Aussi nous faut-il aujourd'hui regarder en une autre direction. Les orcs ne sont qu'un problème de second plan, ne commettons pas l'erreur de l'oublier. A ce jour, nous ignorons tout des projets de notre véritable ennemi. Erlan, général des troupes elfes du Sud Malheureusement, nous n'avons pas eu de nouvelles de notre frère Ulratbe à ce sujet. Il doit être sur le chemin du retour maintenant, mais en attendant il nous faudra agir seuls. La garde de Melrath Zorac prévoit d'attaquer les orcs de front, en forçant les remparts au sud-est de la forêt. Ils proposent que nous joignions nos forces aux leurs. En frappant un grand coup, nous pourrions peut-être mettre l'armée ennemie en déroute. Kalerz, prince elfe Je reconnais bien là la folie humaine, confondant vitesse et précipitation. Nous en savons encore trop peu sur les projets du Seigneur Noir pour nous lancer aveuglément à l'attaque de son campement. Même si cet assaut réussissait, nous ignorons ce que nous trouverons derrière ces remparts. Les chiens sont là, mais le maître peut être déjà loin. Il nous faut absolument connaître les véritables desseins de Rebom si nous voulons l'arrêter. Erlan, général des troupes elfes du Sud En ce cas, envoyons un espion. En passant à travers bois, l'un des nôtres pourrait franchir les remparts à la faveur de l'obscurité. J'ai repéré une brèche par où un elfe saurait se faufiler sans être vu. Profitons que les hommes détournent l'attention de notre ennemi commun et rassemblons ces informations qui nous font défaut. Kalerz, prince elfe Cela me parait sage. Je vous laisse régler les détails, Erlan. Faites au plus vite, mais pas d'imprudence. Au même moment, dans le Nord lointain Au cœur du territoire sylvain, une silhouette esseulée hâtait le pas vers Dill Kadre. Ulratbe savait que les minutes étaient comptées. La route était longue et même le temps semblait contre lui. Depuis son départ de l'Académie, tempêtes et orages s'étaient succédés. Mais il arrivait enfin en vue de la cité. Bientôt, il pourrait accomplir sa mission. ~o~ Période Azura, le 28 [+ 105 AC], derrière les remparts orc Dans la tiédeur du soir, le terrible Phokus de Maroí«k quittait la tente de commandement pour aller observer le campement humain. Un garde l'avait informé un peu plus tôt de mouvements de troupes suspects dans la dune. Ne faisant guère confiance à ses subalternes, il voulait voir par lui-même ce qui se tramait. Mais alors qu'il s'éloignait, deux yeux indiscrets le suivaient de l'ombre. L'occasion si longtemps attendue se présentait enfin. L'elfe se glissa à l'intérieur de la tente à la faveur des ténèbres. Il ne lui fallut guère de temps pour trouver ce qu'il cherchait. Il avait vu le rouleau la veille, aux pattes d'un corbeau messager. Se croyant à l'abri derrière leurs fortifications, les orcs faisaient preuve d'imprudence. L'objet était posé sur la table, sans plus de précaution. Il s'en saisit et ressortit aussitôt. La chance choisit cet instant pour l'abandonner lâchement. Garde orc Alerte ! Un intrus ! Voilà qu'il était repéré. Il s'élança en direction de la forêt, se déplaçant à vive allure dans le camp encore endormi. Derrière lui, les cris de la sentinelle se faisaient plus lointains. Ralenti par son armure, l'orc ne pourrait suivre son rythme. Mais, de tout côté on allumait des torches. Bientôt ils seraient tous à ses trousses. Il accéléra encore, courant pour sa vie autant que pour accomplir sa mission. Il approchait des bois et du passage vers la liberté. Pourtant il ne l'atteindrait pas. Les aboiements s'élevèrent dans le ciel nocturne, à quelques mètres seulement devant lui. Ils avaient lâché les chiens... Plus tard le même jour Le chef du clan des Himm faisait les cents pas dans sa tente. La sentinelle de garde venait de terminer son rapport, pour son plus grand malheur. On avait fouillé tout le camp, nulle trace de l'espion, ni du précieux document. Voilà qui était bien embarrassant. Phokus de Maroí«k Maudits Elfes ! Le maître sera furieux s'il l'apprend. Il faut récupérer ce document à tous prix. Alertez le clan de Ryîk-Akí«r. Qu'ils interceptent tout messager se rendant vers l'Académie. Prévenez aussi l'amiral Kork, il nous faut hâter le débarquement. Plus tôt nos troupes seront à terre, mieux se sera. Si tout va bien, les humains ne seront bientôt plus une gêne ! ~o~ Période Azura, le 29 [+ 105 AC], village des Elfes d'Irliscia Si l'espion demeurait introuvable, il n'avait pu regagner sa bien-aimée forêt. Tapis au cœur même du camp orc, il avait tout juste réussi à signaler à ses frères la précarité de sa situation. Il ne parviendrait pas à sortir seul de ce traquenard. Erlan Je viens de recevoir des nouvelles de notre espion. Il a mis la main sur un important document. Cela pourrait concerner notre affaire. Malheureusement, il a été aperçu sur le chemin du retour. S'il est parvenu à se cacher, il demeure bloqué en territoire ennemi. Pis, le texte dont il s'est emparé est enchanté de sorte qu'il ne peut nous transmettre son contenu. Kalerz Voilà qui est préoccupant. Il nous faut porter secours à notre frère et récupérer ce document au plus vite. Toutefois, je demeure persuadé qu'une attaque de front serait précipitée. Votre passage est-il toujours accessible ? Erlan Malheureusement les orcs l'ont découvert, et refermé. Mais il y a peut-être une autre solution. Les humains passeront bientôt à l'offensive. Je pense qu'ils réussiront à franchir le rempart, même si comme vous je doute de la suite. Certains d'entre eux me semblent de confiance. Je suis sûr qu'ils accepteront de nous aider. Ainsi le général fit savoir qu'il cherchait des volontaires pour un travail particulier, sans en préciser la nature. Pour sûr, les candidats seraient triés avec le plus grand soin. ~o~ Période Ondilla, le 2 [+ 105 AC], Dune d'Esghärd Debout au bord de l'eau, le Capitaine Garke guettait la mer sans relâche. Au loin se profilaient des voiles noires, sombre présage pour les heures à venir. Derrière lui résonnaient le cliquetis des armures, les cris des officiers, et le bruit sourd du chargement qu'on pose sur le sable. Dans les dunes les préparatifs allaient bon train. Le matériel serait déchargé avant le milieu de journée. L'après-midi suffirait ensuite pour assembler les deux trébuchets. La tension était à son comble dans le campement. Ce soir serait le grand soir ! Le capitaine relâcha sa surveillance un instant pour rejoindre la tente de commandement. Capitaine Garke Je commence à regretter de vous avoir suivi en cette entreprise. Les orcs ont du s'apercevoir du va-et-viens de vos troupes entre la caserne et ce camp. Nous serons sans doute attendus de l'autre côté. Ou pire, s'ils accostaient à Abroy pendant que nous attaquons ici, nous serons encerclés ! Grand chevalier de la garde de Melrath Zorac Allons, Capitaine, les orcs ne sont pas si malins ! Ayez confiance, nos soldats sont prêts. Les trébuchets sont là, et nous avons fait appel à toutes les bonnes volontés. Une circulaire a été transmise aux grandes factions. Nous aurons sans doute de l'aide. Cette nuit nous serons de l'autre côté de ces murs ! La nouvelle avait circulé en effet, peut-être même trop. Nombreux aventuriers seraient sans doute au rendez-vous, pour le meilleur ou pour le pire. Non loin des côtes Les navires jetèrent l'ancre à deux milles nautiques, deux seulement poursuivirent leur route. Alors qu'une corvette bifurquait vers l'ouest, un galion mettait voiles vers le sud-est. A bord du vaisseau de commandement, l'amiral Kork relisait les nouvelles du sol, tout en se grattant la barbe comme à son habitude. Amiral Kork Il semble que les humains préparent un vilain coup, on parle même d'armes de siège. Que notre galion force l'allure, nos troupes au sol auront besoin de son soutien. Sortant sa plume, il écrivit un second message à destination du capitaine de la corvette. Ses ordres furent transmis rapidement par voie aérienne. Le soir même Dans la Dune d'Esghärd, les deux trébuchets de la garde étaient maintenant assemblés. On espérait aussi que les factions alliées apporteraient leurs propres armes de siège. Leur aide ne serait pas de trop pour passer les solides remparts. Tous semblaient prêts à en découdre, il était temps de bouter l'envahisseur hors de ces terres. Du côté orc, la tension était aussi montée d'un cran. Les trébuchets n'étaient pas passés inaperçu, pas plus que les mouvements de troupes. On se préparait à accueillir les assaillants à renfort de boulets de canons. Dans la forêt d'Irliscia, le général Erlan attendait la visite de quelques humains. Parmi eux s'en trouverait certains dignes de sa confiance. Alors il les chargerait de secourir son espion et ramener le précieux document. Pourtant la tâche serait surement plus complexe qu'il n'y paraissait. Leur mission pourrait les conduire bien plus loin qu'ils ne pouvaient l'imaginer. __________________________________________ Raison de l'edit : ajout des images manquantes. Modifié (le) 15 juin 2012 par Salaha Luvia Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
Anthariel Posté(e) 15 juin 2012 Signaler Share Posté(e) 15 juin 2012 (modifié) Percement de la muraille des orcs au Sud-Est de la forêt d'Irliscia : Les orcs avaient été repoussés, encore ... Combien allaient encore arriver sur les terres des elfes et des hommes ? Qu'est-ce qui les poussait à venir toujours plus nombreux ? La réponse allait de soi, les orcs avaient ici une forteresse, et les envahisseurs étaient certainement des renforts destinés à conquérir le monde. Que faire donc ? La nécromante prit sa plume tirée d'un voletou encore vivant (elle aimait bien les dépecer ceux-là) et écrivit pour ses amis du Souffle : "Chers amis, Le constat est simple. De nombreux ennemis arrivent régulièrement sur NOS terres par bateau pour ravitailler la forteresse du Sud. La solution est simple. Les murs de la forteresse doivent tomber. Le moyen est plus compliqué. Demande est faite à chacun de donner son avis sur le sujet. La plus belle." La métamorphe placarda le parchemin sur la porte de leur taverne, et commença à patienter. __ Le lendemain matin, à l'aurore, comme à son habitude, la nécromante partit à la recherche d'herbes magiques et de petits animaux à dépecer, de quoi alimenter ses sorts. Au détour d'un chemin, voilà qu'elle découvrit le plus vaillant Souffleux que ce monde portait : Bonjour à toi l'amie. Alors, tu y arrives ? Pour l'instant oui. Pardonne ma promptitude, mais as-tu vu mon écriteau ? Ah, c'est toi la plus belle ? J'ai vu cela, oui. Mais je ne pense pas détenir le secret, puisque comme toi je reste coincé derrière ce maudit mur. Et contrairement à toi qui te permets d'adresser quelques sorts de loin à ces saletés vertes, moi je n'ai que mon épée, et sa longueur n'atteint pas leur fessier. Il va falloir que l'un d'entre nous s'adresse aux résidents de la forêt pour trouver comment détruire ces maudites murailles. J'irai. N'est-ce pas moi qui ai alerté le Souffle ? __ Quelques heures plus tard, l'assentiment de la Générale du Souffle acquis, la métamorphe se dirigea vers la forêt d'Irliscia. Elle avait revêtu ses plus beaux atours, ainsi que Gravity le lui avait suggéré. Le terne du brun et du gris avaient cédé la place au rougeoyant du cuivré et au brillant de l'argenté. Les glyphes entrelacées, tissées sur l'étoffe immaculée de laine angora jouaient avec le soleil, renvoyant sur les pierres alentours leurs courbes finement tracées. Elle se remémorait chaque mot de sa mission. Trouver le général elfe, lui indiquer les conclusions de nos observations, lui demander son appui, ainsi que celui de son peuple dans la lutte contre les orcs, le convier à venir inspecter les murailles à l'est de la forêt, lui demander assistance dans leur destruction. Les mots paraissaient simples, mais était-ce le cas ? La métamorphe connaissait la réputation de suffisance des seigneurs elfes. Elle doutait que le général accepte sans rechigner la proposition d'alliance d'hommes. Elle supputait que le prix à payer risquait d'être conséquent. Les pensées vagabondant, la nécromante chemina si vite qu'elle arriva sous peu à l'orée de la forêt. __ Après moulte négociation avec les gardes elfes, la nécromante fut enfin acceptée auprès du général sylvestre, Erlan. Avec toute la grâce dont elle était capable, la métamorphe salua le seigneur car une courbette respectueuse. Bienvenue sur NOS terres jeune damoiselle. Grâces vous soient rendues Erlan, Seigneur elfe, pour votre accueil chaleureux ! J'eus entendu parler de cette chaleur, et ô combien je la ressens à présent ! Certes ... Que nous vaut votre visite ? Grand seigneur, le Souffle d'Eolia, suite à maints rapports de ses messagers analyse les évènements que tout un chacun peut vivre. Depuis quelque temps, des gobelins d'abord, puis des orcs ont commencé de fouler les terres de ce monde. Ces êtres vils ont tué maints villageois. Il fut décidé au Conseil de la ville de capturer ces êtres pour leur faire avouer leurs intentions. Moi, Anthariel, l'ambassadrice du Souffle au près de Votre Seigneurie, ai réussi cet exploit. Ce qu'il nous apprit, et ce que nous avons vu aussi, ce fut l'invasion répétée de cohortes de peaux vertes sur les terres des hommes. Nous recherchâmes leur provenance. C'est alors que nous découvrîmes cette forêt, le port d'Abroy ainsi que des murailles au Sud Est d'ici, et les tentes d'orcs réfugiées derrière. Gravity, grande Générale du Souffle, a estimé que les deux débarquements d'orcs que nous avons repoussé céans devaient ravitaillé ce fortin. J'ai l'impression que vous allez me demander quelque chose. Messire, il eut été impoli de vous quémander des informations ou de l'aide sans vous avoir tenu informé de l'avancement de nos recherches. Nous avons conclu sur le fait que cette forteresse devait tomber pour faire revenir la tranquillité sur nos terres. Or, de tous les messagers envoyés sur place, aucun n'a pu forcer la barrière de pierre. Même nos machines de guerre n'ont pu percer la défense. Qu'attendez-vous donc de nous ? Je représente le Souffle d'Eolia. Je puis parler en leur nom à tous. Nos messagers ayant renoncé à forcer la muraille, suite aux nombreux essais infructueux, nous nous réunîmes en conseil extraordinaire afin de définir une stratégie d'attaque. Ce qui en ressortit, c'est qu'il nous fallait des alliés ayant acquis des techniques avancées afin de démolir ce mur. Nous ne recherchons pas précisément de l'aide mais plutôt des conseils sur la manière d'attaquer ce fortin. Je vois ... Patientez là, je vais en avertir les autres seigneurs, que nous puissions ensemble vous faire part de notre volonté à ce sujet. Et le général sylvestre s'en fut. __ La nécromante était dans tous ses états. L'entrevue avec le seigneur elfe était un succès. Elle se souvint très exactement les paroles qu'avait eues Ysabeau quand le Conseil des Trois avait été réuni : Ne te fais pas d'illusion ma chère sœur, les elfes ne se préoccupent guère des affaires des hommes. Comme elle était heureuse que l'ancienne générale s'était trompée !! Voyant un page elfe lui apporter quelque boisson bleuâtre, elle comprit alors les paroles de Salaha : Je ne t'envie pas d'aller là-bas. Jamais je ne pourrai avaler leurs boissons bizarres ... Les yeux des gardes elfes posées sur elle, la nécromante n'avait pas le choix. Il lui fallait boire ce breuvage. Il en allait de la probable alliance entre les hommes et le peuple sylvestre. Tant elle était dans ses songes, la métamorphe ne vit revenir le général Erlan. Il était accompagné de plusieurs autres seigneurs elfes, à en juger aux magnifiques ornements de leurs capes et casques. __ Le général elfe fut le premier à prendre la parole. Représentante du Souffle d'Eolia, voici présents à ma gauche Tisanar et Dranel, seigneurs et sages sylvestres. Et à ma droite Kalerz notre prince, et grand seigneur sur ces terres. Grâces te soient rendues messire ! Merci à toi mon fidèle. Madame, je vous prie de bien vouloir reformuler votre requête, que nous puissions pleinement en avoir connaissance. Tout à fait messeigneurs. Le monde des hommes a été depuis quelque temps l'objet d'attaques incessantes de troupes armées orques. Suite à nombreuses investigations, il a été démontré que les armées de peaux vertes venaient du sud de la ville. Nous sommes donc arrivés sur ces terres, berceau des eldars. Là nous avons par deux fois repoussé des flottilles de combattants orcs, très certainement chargées par leur seigneur de ravitailler la forteresse dont nous voyons les remparts au sud-est d'ici. Ces remparts, aucun humain n'a encore trouvé le moyen de les franchir. Notre générale Gravity m'a donc convié en ambassade auprès de vous Messire afin de vous prier de nous donner les moyens de passer cet obstacle. Je comprends. Que ferais-tu toi Tisanar ? Moi Seigneur, je concocterais une potion de contrôle, dont j'ai appris le secret auprès de mes aïeux. Cette mixture, je l'utiliserais à l'égard de la bête marine dont le nid est assez proche des remparts. Et j'aurais ainsi un bélier tout autant naturel que puissant. C'est une idée qui se tient. Mais penses-tu pas que ce monstre aura une carapace suffisante pour détruire ce mur ? Qu'en penses-tu Dranel ? Tout doute peut être ôté monseigneur. Et c'est là que j'interviens. Il suffit pour cela que nous fabriquions pour la bête un casque. Nous demanderons à l'un de nos magiciens de l'enchanter, et nous aurons ainsi un magnifique bélier pouvant venir à bout de ce rempart. Voici donc pour vous la solution tant recherchée. Mon fidèle Erlan, je te confie la collecte des ressources. Quant à vous gente dame, allez voir votre seigneur et dites lui que les seigneurs elfes ont la solution. Que chacun d'entre les hommes prépare ses armes et ses outils, et que tous aillent en quête de ressources pour la réalisation de ce projet. Allez ! Sur ces paroles, le prince retourna à ses activités, immédiatement suivi des deux seigneurs Dranel le récolteur et Tisanar l'alchimiste. Le général elfe se tourna alors vers la métamorphe. Madame, ainsi que vous l'a annoncé Kalerz notre Seigneur, allez voir tous les représentants de votre race, quérir auprès d'eux les meilleurs récolteurs et artisans qui soient. Puis allez voir Loumis l'adjoint au trésor. Il vous renseignera sur les nécessités de ce projet. Vous le trouverez auprès de la dame portant drôle de coiffe. Espérons que notre ennemi n'ait point vent de nos projets. Toute guillerette de la magnifique tournure qu'avaient pris les évènements, la nécromante s'empressait vers les cimes. Oui, puissent les ennemis ne pas avoir vent de ce projet ... Modifié (le) 15 juin 2012 par Antharielle Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
Sayanel Posté(e) 16 juin 2012 Signaler Share Posté(e) 16 juin 2012 (modifié) Alors que les troupes refluaient telle la marée descendante, libérant des rivages baignés d'une sanguine et funeste empreinte, une tache verte ou plutôt une vague forme verdâtre, repliée sur elle-même, serpentait entre les dépouilles. - Maître Kork vouloir ceci, Schnurk faire cela, Maître Kork hurler ceci, Schnurk trembler de cela, Schnurk en avoir plein les orteils du Maître Kork ! Fouillant un à un les défunts, fauchant des piécettes par ci, des effets par là, l'étrange silhouette fut surprise en plein larcin quand une voix la pétrifia sur place. - Capitaine Garke, venez un peu voir ce que j'ai trouvé, il y en a un qui a réussi à se faufiler sur la grève. Une froide lame se posa sur le cou de la créature qui, pétrifiée, n'esquissa plus le moindre geste, gardant une posture pour le moins équivoque, les membres désarticulés tel un pantin aux ficelles emmêlées. - Emmenez moi ça à la forteresse, répondit, après un coup d'œil alerte, le capitaine Garke, je me chargerai personnellement de l'interrogatoire de cette chose ! C'est ainsi que le gobelin fureteur fut conduit, les mains liés, les yeux bandés jusqu'à une glaciale, humide et sombre salle, perdue en un donjon inconnu. On le fit s'asseoir puis on lui détacha le bandeau qui couvrait ses yeux globuleux, ses mains restaient toutefois toujours solidement liées dans son dos. Le capitaine Garke le toisa de toute sa hauteur en son armure rutilante, éclairée par des torches fumantes, accrochées deux à deux à chaque pan de l'épais mur de pierre. - Sale vermine d'espion, si tu tiens un peu à ta vie, tu vas très rapidement me dire tout ce que tu sais. Il s'approcha d'un air menaçant, le poing serré. Le gobelin déglutit, pour une nouvelle vie, elle s'engageait plutôt mal se dit-il intérieurement, faut dire qu'il était vert et hideux et que cela ne parlait pas en sa faveur, en lui-même, il maudit tous ces préjugés. - Méchante conserve, Schnurk savoir plein de choses, Schnurk tout vous dire mais vous pas faire mal à Schnurk, Schnurk s'évanouir dès que lui bobo. Le Capitaine le dévisagea d'un air dubitatif, le prisonnier se moquait-il de lui ? - Parle ! dit-il d'une tranchante et menaçante, sortant son épée et s'approchant encore plus dangereusement. Schnurk s'évanouit. Trois sauts d'eau fraiche plus tard, le gobelin revint à lui en crachotant un peu. - Beurk, pfff, beurk, Schnurk désolé mais vous trop faire peur à lui et lui craindre bobo donc plus de Schnurk, ça être instinctif chez lui, beurk, pfff, beurk... Le Capitaine se passa une main dans ses cheveux et soupira. La force n'était pas toujours meilleure conseillère. - Bon, je ne vais pas te faire de mal si tu réponds bien à mes questions, c'est d'accord ? sa voix s'était faite plus douce. Il n'était pas facile pour lui de prendre des pincettes avec un ennemi mais, visiblement, ce dernier était entré dans une guerre qu'il n'avait, comme bien des êtres, pas choisi. - Vous promettre à Schnurk de plus le torturer comme avant ? Il crachait encore par terre et se tortillait pour essayer de s'essuyer au mieux, sauter sur place pour faire tomber un maximum de gouttes. Le Capitaine fit des grands yeux ébahis. C'est qu'il était bien compliqué que ce gobelin, pensa-t-il. - Nul mal ne t'a été fait présentement que je sache, personne ne t'a brutalisé et les liens ne sont pas là pour te blesser. - Vous avoir fait prendre plusieurs bains à Schnurk, ça être très dur pour Schnurk, Schnurk ne prendre que trois bains dans sa vie. Le premier à sa naissance car devoir être tout beau quand maman Schnurk le présenter à la tribu, le second lors de son entrée à l'âge adulte et le troisième à sa mort, avant d'être mangé par le reste de sa tribu pour, à jamais, en faire partie. Plus de bains est mauvais pour la peau, ça être vilain, ça être contre les rituels ! Il essaya de croiser les bras d'un geste boudeur puis se rappela qu'ils étaient liés dans son dos et regarda le sol avec tristesse. - Bon, alors on ne te fera plus prendre de bains, et, se retournant, il congédia d'un geste les gardes qui arrivaient avec de nouveaux sauts, mais maintenant, tu sais, il faut tout me dire, tu es d'accord ? Le gobelin attendit que tous les vilains avec leurs instruments de torture furent sortis avant de se détendre et de reprendre la parole plus tranquillement. - Alors Schnurk être un gentil gobelin, il ne tue jamais, ne prend que ce qui ne peut plus servir aux fous qui se font bobos entre eux car vous savez que Schnurk pas comprendre l'intérêt de se battre, on meurt déjà assez vite sans cela et... Le Capitaine le coupa, pressé. - Bon très bien, je vois que tu es un gentil gobelin mais dis-moi, quels sont les projets de l'Amiral Kork ? Que vient-il vraiment faire ici ? Pourquoi le camp orc à l'est ne bouge-t-il pas ? Le Capitaine avait passé ses mains dans son dos et, de nervosité, les serrait très fort à en faire blanchir ses phalanges. - Amiral Kork pas gentil avec Schnurk, lui vouloir que Schnurk se batte, lui obliger Schnurk a prendre arme pointue, Schnurk se blesser avec, ça devant être tenu du bon côté mais Schnurk pas connaître le bon côté et Amiral se fâcher. Lui faire attacher Schnurk et le donner à manger aux requins mais requins pas passer, peut-être Schnurk pas bon à manger, lui pas savoir et pas envie de savoir. Donc Schnurk oublié sur bateau. La Capitaine saisit une chaise et s'assit, décidément la soirée s'annonçait longue, très longue. - Oui, très bien, tu as été oublié sur le bateau mais que sais-tu des plans de, euh... du « méchant » Amiral Kork, demanda-t-il d'une voix presque chaleureuse, un sourire de compassion, pas totalement feint aux lèvres. Schnurk sourit en retour. - Conserve finalement gentille, sais pas pourquoi Amiral Kork vouloir attacher tête à vous en haut d'une pique mais lui parfois bizarre. Lui tout le temps crier, ordonner et taper. Donner aussi nous parfois aux vilaines pieuvres qui suivent les bateaux pour elles bien manger et pas attaquer les bateaux. - Donc les plans de l'Amiral ? Plus le temps passait et plus le capitaine était anxieux. Ce petit être, innocent ou pas, avait peut-être les connaissances qui lui permettraient de voir plus clair dans le jeu de leur ennemi, il était si proche, si proche... - Lui dire que homme noir habillé en femelle vouloir que nous conquérir terres elfes car Abrefat y être. Lui attacher beaucoup d'importance à cela car lui peur de l'homme habillé en femelle. Lui pas très courageux donc lui être très cruel, lui bête. - Abrefat ? répéta le Capitaine étonné. Qu'était-ce encore que cela, une arme ? Un nouveau sort ? Qu'est-ce qui risquait encore de s'abattre sur les terres élémentaires ? - Oui Abrefat, dire Amiral, nous devoir prendre terre puis creuser partout, trouver Abrefat pour le donner à l'homme noir habillé en femelle. Lui content récompenser Amiral, Amiral content récompenser nous. Le Capitaine réfléchit, une étincelle naissante dans le regard. - Tu ne voudrais pas plutôt dire, hum... artefact ? Le gobelin réfléchit à son tour, ses yeux globuleux tournant dans tous les sens de plus en plus rapidement avant de se figer. - Oui conserve, ça être bien possible. C'est important un artefact ? Des milliers d'orcs être envoyés depuis longtemps pour le chercher, eux attendre à l'est mais eux jamais trouvé. Le Capitaine ne répondit pas, il s'interrogeait de plus en plus sur les récents évènements, cherchant à créer des liens. - Et quels sont les plans de débarquement, d'attaque de l'Amiral, les connais-tu, en as-tu entendu parlé ? Le Capitaine jouait la carte ultime, s'il savait, pourvu qu'il sache, un indice, au moins un indice. Il serra à nouveau fortement les mains dans son dos. - Schnurk pas tout savoir, lui être souvent évanoui donc lui être oublié dans un coin ou dans un autre, parfois lui se réveiller quand gros orc lui marcher dessus mais lui rapidement s'évanouir à nouveau car lui bobo. - Tu ne sais vraiment rien, tu n'as rien entendu ? questionna encore le Capitaine à la recherche de ces informations précieuses. Le gobelin réfléchit à nouveau, ses yeux de grenouilles tournèrent à nouveau, encore plus vite qu'auparavant avant de s'arrêter tels ceux d'un serpent guettant sa proie. - Schnurk avoir souvenir, un moment abandonné devant porte Amiral, lui dormir mais aussi voir et entendre car Amiral et hommes parler forts.Lui un moment penser à aller leur dire de parler moins fort mais lui avoir peur d'être au repas des pieuvres donc lui se taire et pas réussir à se rendormir. - Des hommes ! le Capitaine était sidéré. - Oui, hommes mais pas que conserves comme vous, aussi des hommes habillés en femelles avec des robes comme celui qui fait peur à l'Amiral. - Des magiciens, des nécromants ? Et donc l'homme habillé en femelle serait... Il ne termina sa phrase, poursuivant la déduction en son esprit. - Schnurk pas savoir, pour lui, sous robe y avoir femelle donc si homme vouloir s'habiller en femelle, homme bizarre, cela peut-être expliquer que orcs faire guerre aux hommes car eux pas compréhensibles. Le Capitaine chassa cela d'un signe de la main. S'il essayait de lui expliquer ce qu'était des mages et des nécromants et que ces robes étaient des catalyseurs magiques, il y passerait certainement des années et encore, sans certitude que le gobelin, au final, comprenne vraiment. - Soit, et que disaient-ils, tu as pu entendre ? Si seulement il pouvait lui répondre par l'affirmative, ils y étaient presque. Sans le montrer, le Capitaine était suspendu aux lèvres du prisonnier. - Schnurk oui, avoir entendu. La Capitaine loua les dieux et reporta son attention sur la suite du discours du gobelin. - Hommes habillés en femelles dire que quand nous attaquer, eux aller à l'Académie, tuer conseil, détruire défense magique et livrer la clef. Schnurk avoir entendu ça. Le Capitaine fut atterré, des traitres, des traitres parmi les humains ? Bien des questions nouvelles se bousculaient en sa tête, il se força à revenir à l'essentiel. - Quand et où vont-ils attaquer et qu'est-ce que c'est que cette clef ? Tu le sais ? Le gobelin commençait à trembler et à transpirer, il semblait comme pris d'une crise mais continuait à se mobiliser pour répondre le plus clairement. - Clef être personne, elle savoir où se trouver Abrefat, orcs ouvrir rempart pour faire diversion et attaquer elfes et... Il trembla de plus en plus, un filet de bave coula de sa bouge. - Schnurk plus pouvoir continuer, dire au revoir à gentille conserve, méchant homme noir habillé en femelle avoir jeté sort à armée, Schnurk se souvenir maintenant, nous pas pouvoir vivre longtemps loin de l'Amiral. Au rev... Et il s'affaissa, la tête pantelante, un vain sourire désolé aux lèvres. Le capitaine, resté seul s'inclina, il ferma les yeux de la créature et, à son grand étonnement, pria pour elle. L'innocence était ce que la guerre détruisait en premier, il était temps que cette guerre se termine ! Modifié (le) 17 juin 2012 par Sayanel Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
Suyvel Posté(e) 20 juin 2012 Signaler Share Posté(e) 20 juin 2012 Petites trahisons entre amis Prologue Suyvel rentrait d'une sortie d'exploration de la forêt d'Irliscia. Et elle revenait bredouille. Ce qui pouvait signifier deux choses : ou bien ce qu'elle cherchait n'existait pas, ou avait été détruit, ou bien... il se trouvait dans une zone à laquelle elle n'avait pas encore accès. Dans ce dernier cas, deux pistes s'offraient à elle : le cœur de la forêt antique, gardé par les elfes sylvains, et la zone à l'est, derrière les murailles des orques. Deux lieux qui avaient un point commun : l'un comme l'autre lui déplaisaient de par leurs habitants et gardiens. Plusieurs semaines auparavant, la magicienne était tombée "“ par le plus pur hasard "“ sur une trouvaille sans précédent : une sorte de portail antique, recouvert par la végétation luxuriante de la forêt d'Irliscia. Une construction encore imprégnée des vestiges d'une aura que Suyvel identifia sans peine : celle des elfes. Elle s'était livrée à quelques recherches en bibliothèque et au vu de ses lectures, elle s'était forgé la certitude qu'il existait au moins une autre structure équivalente, quelque part. Mais elle n'avait pu la localiser malgré tous ces jours passés dans cette forêt, en dépit de son exécration pour ce type d'endroit. Ce qui n'améliorait guère son humeur sombre. Elle en était arrivée à une conclusion hélas incontournable : elle allait devoir agir et prendre de gros risques si elle voulait tirer les fruits de cette découverte. En cheminant, une ébauche de solution naquit dans son esprit. Lorsqu'elle fut enfin de retour au village du Souffle d'Eolia, les grandes lignes de son plan avaient pris forme. Il ne lui restait déjà plus qu'à décider ce qu'elle devait en faire. L'exposer à ses compagnons et demander l'appui de sa faction ? C'était tentant, mais ils risquaient aussi de ne pas adhérer à de tels projets et de l'empêcher d'agir. Non, décidément, il valait mieux qu'elle agisse par elle-même. Sauf que... pour certains points bien précis, elle ne pourrait pas éviter de solliciter le concours d'autres Souffleux. Elle choisit donc de limiter leur implication au maximum. Pas question qu'on vienne lui gâcher ses projets. * * * * * Suyvel se dirigeait vers la chaumière de Yazrain lorsqu'elle le croisa dans une rue du village, une pile d'ouvrages entre les mains. Elle interpella le nécromant et lui demanda un service très précis, dont la description détaillée lui prit plusieurs minutes. L'Aéride prit le temps de réfléchir à la question et finit par se prononcer : « Oui, c'est faisable. Il suffit de trouver une solution pour communiquer à distance, et j'ai ce qu'il faut. Tiens, prends ce bracelet. » Il lui tendait effectivement un élégant bijou argenté dont elle para son poignet gauche. Yazrain ajouta : « Il te suffit de serrer le bracelet dans ta main et de te concentrer dessus. Alors j'entendrai tes paroles. Cela dit... que comptes-tu faire exactement ? » Suyvel lui fit un clin d'œil. « Laisse donc les femmes s'occuper de ce qui compte : la stratégie. Concentre-toi sur la tâche dont je t'ai parlé, cela suffira. » Une réflexion typiquement drow, née du fait que, dans le monde d'où tous deux venaient, le modèle matriarcal prévalait. Un humain aurait pu prendre ombrage d'une telle déclaration. Pas l'elfe noir, trop habitué à entendre ce qui était pour lui une vieille rengaine. Cela ne lui fit pas plaisir pour autant. Il maugréa : « Et qu'est-ce que je gagne dans cette histoire, moi... ? » Suyvel prit un air faussement peiné avant de déclarer : « Oooh... et moi qui pensais que tu ferais tout pour m'être... » Elle passa le bout de ses doigts sur la jour du drow en une lente caresse. « ...agréable... » Elle insista sur ce dernier mot et approcha sa bouche de l'oreille du nécromant. « Je me disais que nous pourrions donner suite à cette intéressante soirée d'il y a peu... J'en ai gardé un excellent souvenir... » Alors que sa main redescendait le long du torse de Yazrain, ses ongles vinrent légèrement griffer sa poitrine à travers le tissu de sa chemise. « On se voit à mon retour ? » Leurs regards se croisèrent et se soudèrent l'un à l'autre. Ce que Suyvel y lut lui convenait très bien. Elle sut que Yazrain ferait ce qu'elle attendait de lui et qu'il garderait le secret. Alors qu'elle s'éloignait déjà, elle lui lança par dessus son épaule : « Et n'oublie pas ce si mignon string léopard... Il te va si bien. » * * * * * Gyu se reposait tranquillement dans sa chaumière. Pour une fois qu'il avait quartier libre, il avait décidé d'en profiter pour manger, boire et dormir. Ce n'était pas souvent comme ça. Entre Elfe qui l'entraînait fréquemment dans des sorties pour le moins risquées et Suyvel qui le faisait travailler comme quatre, il était tout le temps débordé. Débordé et épuisé. Bon, il ne s'en plaignait pas plus que cela... Certes, l'elfe noire était plus qu'exigeante avec lui "“ exigeante et peu encline à la compréhension et à la patience. A chaque fois qu'il la décevait, elle lui administrait un savon mémorable avant de le charger des pires corvées du village ! Mais sous sa baguette, le jeune humain avait vite progressé. Il avait largement bénéficié des connaissances de la magicienne, qui n'était pas avare de conseils, mais ne les répétait pas. C'était à lui de suivre le rythme qu'elle imprimait à leur relation maîtresse-élève. Charge à lui de bien écouter et de ne surtout rien oublier. Sinon la sanction tombait, invariablement. La drow étant partie en voyage dans le sud, il était exceptionnellement peinard. Jusqu'à ce que... « Gyu. » Il dressa l'oreille un instant, croyant avoir entendu Suyvel l'appeler. Puis il se rappela qu'elle était loin d'ici et se rassura à cette pensée avant de se resservir un verre. « Gyu ! » Cette fois, plus de doute : c'était sa voix ! Il renversa son verre en se levant en catastrophe, avant de se ruer sur sa robe de mage qu'il enfila en toute hâte tout en sortant de chez lui, son bâton entre les dents et son chapeau de travers. Sa maîtresse était là qui l'attendait, le regard sévère "“ enfin, comme d'habitude. Il bafouilla : « Pardon ! Je... enfin... comme vous étiez de sortie... je croyais... je veux dire... j'ai dû mal comprendre... je pensais que vous m'aviez donné congé... Veuillez m'excuser si je vous ai fait attendre. Je ne vous attendais pas si tôt... - Je sais. Ma présence ici n'était pas prévue et c'est pour cela que je ne te punirai pas. - Heu... merci à vous, alors. - Il suffit. Aujourd'hui, ce n'est pas l'élève que je viens trouver, mais le magicien. » Gyu leva vivement la tête, le regard empli de stupeur. Se pourrait-il que... ? « J'aurais l'usage de tes talents. Je pars pour une nouvelle expédition, sans délai. Un voyage assez long et potentiellement dangereux. Un peu d'aide ne sera pas du luxe. J'ai pensé à toi pour m'y accompagner. Viendras-tu ? » Le jeune mage ouvrit la bouche pour répondre mais aucun son n'en sortit. L'émotion lui nouait la gorge. Alors il hocha vigoureusement la tête, ce qui amusa Suyvel. « Qu'attends-tu pour rassembler tes affaires, alors ? » Gyu sursauta puis fonça dans sa chaumière prendre son sac, dans lequel il jeta le nécessaire habituel pour une expédition prolongée, et ressortit en un temps record, prêt au départ, le regard brillant de mille feux. « Où allons-nous ? osa-t-il demander. - Je te l'expliquerai en route, » répondit Suyvel. Et tous deux s'éloignèrent du village, en direction de la forêt d'Irliscia. Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
Suyvel Posté(e) 20 juin 2012 Signaler Share Posté(e) 20 juin 2012 Acte 1 "“ La muraille de Shin Trois jours plus tard. Suyvel et Gyu rôdaient à la lisière de la forêt, en vue des défenses orques mais sans se dévoiler. Aucun passage. Aucune faiblesse. Aucune entrée qu'ils puissent emprunter discrètement. Suyvel soupira. « Inutile de continuer notre surveillance, ça ne donnera rien. Je vais appliquer le plan B. Toi, tu restes là et tu m'attends sans bouger. » Gyu lui décocha un regard qui dénotait sa désapprobation et son inquiétude, mais ne se permit aucun commentaire. Il savait Suyvel susceptible quant à ce genre de choses. L'elfe noire, sans plus s'en préoccuper, s'avança lentement dans l'espace découvert entre la forêt et l'enceinte. Son approche était faite pour être remarquée et ce fut ce qui arriva sans traîner. Des cris retentirent en haut du rempart et des orques commencèrent à se rassembler, pointant du doigt la mince silhouette qui se rapprochait d'eux. Lorsqu'elle fut à portée de voix, la drow s'immobilisa et vociféra : « Je demande à rencontrer votre chef ! » Requête qui fut accueillie par un concert de glapissements railleurs. Suyvel sentit la moutarde lui monter au nez. D'un ton encore plus autoritaire, elle lança : « Faites-moi entrer et conduisez-moi auprès de votre général sans délai ! Ou il vous en cuira ! » Un orque, probablement le chef de ce petit groupe, ricana : « Tes menaces seraient plus crédibles si tu n'étais pas en bas de ce mur que tu ne pourras jamais franchir, petite humaine ! » Ah c'est comme ça ?! Suyvel referma ses doigts sur son orbe et entama une invocation spécialement préparée pour le cas où l'entrée lui serait refusée. Autour d'elle, les vents se mirent à souffler, puis à tourbillonner. Et un élémental d'air répondit à l'appel de la magicienne. Il était puissant, suffisamment pour que son souffle permette à Suyvel de décoller du sol et de filer comme une flèche vers le haut du rempart, où les rires s'étranglèrent. Elle se posa juste devant l'orque qui l'avait raillée. Celui-ci, revenant de sa surprise, voulut tirer une arme, mais la drow eut un geste vif et sec, et le sergent orque recula la main sur sa gorge tranchée. Dans la main de Suyvel luisait d'un éclat argenté et empourpré de sang la lame d'un katar. Un fantassin orque hurla : « Elfe noire !!! » Suyvel lança un regard assassin vers lui. « J'ai demandé à voir votre général. Et je m'impatiente. » Moment d'hésitation et de flottement dans les rangs. Suyvel comprit qu'elle venait de tuer le plus gradé des vingt orques présents, ce qui posait deux problèmes aux autres : le plus fort d'entre eux étant tombé, ils hésitaient à attaquer... et sans chef, ils ne savaient trop quoi faire. Suyvel vit la faille et l'exploita. « Ne m'obligez pas à me répéter ! » hurla-t-elle à pleins poumons. Une des orques partit en catastrophe vers un escalier qui menait vers le campement en contrebas. Lorsqu'il revint, ce fut avec des renforts et un capitaine. Celui-ci fit comprendre à Suyvel que sa requête était acceptée mais qu'elle serait mise à mort au premier geste suspect. Ce fut donc au milieu d'un cercle de lances pointées sur elle que la magicienne arriva devant une haute et vaste tente de commandement. Son escorte resta à l'extérieur pendant que le capitaine orque la faisait entrer. Elle se retrouva nez à nez avec une assemblée d'orques au regard inquisiteur, et une brute gigantesque sortit des rangs. Un orque de plus de deux mètres, qui devait bien peser ses deux quintaux. Il grogna à son intention : « Toi vouloir me parler ? » Suyvel le considéra quelques instants, puis secoua négativement la tête. « Non. J'ai demandé à parler au général de ce camp. - Moi être chef ici, gronda le colosse à la peau verte. - Alors je ne suis pas à la bonne tente. Tu ne peux pas être celui que je veux voir. - Moi Skulg ! Moi grand champion orque !!! - C'est bien, j'en suis contente pour toi. Mais maintenant, écarte-toi. - Moi écraser toi, moustique ! » Et joignant le geste à la parole, il leva une masse d'armes qui tenait plus du tronc d'arbre qu'autre chose. Réagissant immédiatement, Suyvel murmura une brève incantation et l'orque, trop lent, lâcha l'arme gargantuesque avant d'avoir pu frapper. Un sortilège de désarmement. Etonné d'avoir perdu son gourdin, l'orque hésita puis hurla de rage en balançant un poing gros comme une pastèque vers la frêle silhouette de l'elfe noire... qui lui jeta le contenu d'une fiole au visage. Skulg éternua, interrompant son attaque, puis sembla réfléchir... et s'écroula. Bientôt, il se mit à ronfler. Suyvel gronda : « Assez joué ! Qui est le chef, ici ? » Un rire s'éleva des rangs des orques. Une voix posée lui répondit : « Bravo. Joli stratagème. Ce pauvre Skulg est juste endormi, n'est-ce pas ? Merci de l'avoir épargné. Il m'est utile. » Le propriétaire de la voix se montra et vint d'un pas nonchalant s'asseoir dans le fauteuil au centre de la tente. Comme Suyvel l'avait compris au son de sa voix, il ne s'agissait pas d'un orque, mais d'un humain. Celui-ci s'installa fort commodément et croisa les doigts, les mains sur le ventre. Ses yeux trouvèrent ceux de Suyvel et ils se jaugèrent un instant. Le regard de l'homme, sa décontraction et son assurance envoyaient un message clair. Je ne te crains pas. Un instant de silence. L'homme sourit d'un air entendu. « Vous n'avez pas l'air surprise. Vous saviez que le général du camp n'était pas un orque ? - Comment pouvait-il en être autrement ? Les orques n'ont aucun talent en matière de construction et n'entendent rien aux tactiques défensives. Celui qui commande ici ne pouvait donc pas être un orque. - Correctement raisonné. Rebom m'a confié la construction de cet avant-poste précisément pour la raison que vous évoquiez. Et c'est également moi qui en ai le commandement. - Qui êtes-vous ? - Qui le demande ? sourit l'humain. - Suyvel, sorcière de la Maison Ayflesh de Menzoberranzan. - Enchanté. Je suis le général Shin, mercenaire et envoyé spécial du Seigneur Rebom. Maintenant que les présentations sont faites, me direz-vous la raison de cette visite inattendue ? - Je viens vous faire une offre. - Je ne vois pas ce que vous auriez à m'offrir que je ne puisse obtenir par moi-même, sourit Shin. - La victoire sur un plateau, cela ne vous tente pas ? » fit Suyvel d'un ton suave. Shin parut réfléchir un instant. « Intéressant. Continuez, je vous prie. - Je vous offre un moyen sûr de vaincre tous vos ennemis. Un moyen de les attaquer par surprise et à revers. - Je suis tout ouïe. De quel moyen s'agit-il ? - D'un portail de téléportation. J'en ai repéré un au beau milieu de la forêt, près des demeures des elfes. Vos armées pourraient s'en servir pour surgir et frapper au cœur. Avec les informations que j'ai accumulées à ce sujet, je peux le faire fonctionner à votre profit. - Passionnant. Mais que demanderiez-vous en contrepartie ? Car je doute que tout ceci soit gratuit, n'est-ce pas ? - Evidemment ! Mais je suis sûre que le Seigneur Rebom saura trouver une juste récompense pour une sorcière si utile à ses projets. Après tout, n'est-il pas le sorcier le plus puissant de ces terres ? Quelque artefact de valeur, des connaissances interdites... je laisse cela à son appréciation. Et ce qui vous concerne, voici ce que je demande : la liberté d'accès au portail qui se trouve dans votre campement, pour pouvoir l'étudier et l'activer. Car il y en a un ici, n'est-ce pas ? » Shin eut un regard pour l'un des orques de l'assemblée, manifestement un shaman. Un regard qui en disait long. Suyvel sut qu'elle avait vu juste à propos de l'emplacement du portail. Mais sa demande déplut au shaman. Celui-ci hurla : « Elle veut s'approprier la porte des esprits et le savoir qu'elle recèle ! Elle ne doit pas être autorisée à en approcher. On ne peut pas faire confiance à une drow ! - Qui a parlé de lui faire confiance, Ylessor ? interrogea Shin en sourcillant. - Alors qu'on la chasse ! Argunt, occupe-toi de Skulg ! » conclut le shaman. Suyvel remarqua alors un autre orque, vêtu d'une robe à capuche, qui se sépara da l'assemblée pour se diriger vers le corps inanimé de Skulg. Il déboucha une potion qu'il fit ingurgiter au dormeur et au bout de quelques instants, celui-ci s'éveilla en sursaut. Il darda un regard furieux autour de lui et, lorsqu'il vit l'elfe noire, il chargea en grondant comme un ours enragé. Suyvel eut le temps de prononcer une formule magique avant que la brute ne parvienne jusqu'à elle... mais rien ne se produisit. Comme si la magie ne lui répondait plus. Suyvel en fut désarçonnée, au point qu'elle réagit tardivement à l'approche de Skulg. Elle voulut l'éviter mais n'y parvint pas complètement et fut projetée au sol. Lorsqu'elle tenta de se relever, le colosse vert lui planta sa botte dans le dos. Suyvel eut l'impression que le monde lui tombait dessus. Elle récita rapidement une autre incantation mais en pure perte. Quelque chose bloquait sa maîtrise du flux magique. Skulg, tout en lui broyant méthodiquement l'échine, exultait. « Alors ? Maintenant plus magie, qui être plus fort, hein ? Toi implorer Skulg laisser toi en vie ? » Suyvel remarqua soudainement que l'orque encapuchonné bougeait les lèvres en permanence. Sans aucun doute avait-il lancé un sortilège et s'employait-il à le maintenir ! La magicienne parvint à glisser une main dans une poche et à en tirer une courte sarbacane, qu'elle pointa vers Argunt avant de souffler dedans brièvement. Le projectile atteignit l'orque à la gorge. Il y porta la main, interrompant sa litanie, puis pâlit et tourna de l'œil avant de s'écrouler comme une masse. Suyvel sentit que la magie refluait vers elle. En se tortillant un peu, elle put poser une main sur la jambe qui la clouait au sol. Skulg n'avait rien compris à ce qui venait de se passer. Il leva un sourcil. « Quoi toi faire... ? » Profitant de cette absence de réaction, Suyvel formula un autre sort : poigne de foudre. Il ne faisait guère de dégâts mais tétanisait les muscles. Skulg s'abattit comme un chêne balayé par l'ouragan, le corps secoué de spasmes. La drow était libre de ses mouvements, mais ne se faisait pas d'illusions : les autres orques présents allaient réagir, et alors... elle ne donnerait pas cher de sa peau sombre. A cet instant, quelques applaudissements polis retentirent dans le silence qui venait de tomber. « Bravo. » C'était le général Shin qui manifestait son plaisir. Le spectacle était manifestement à son goût. « Deux à zéro entre votre faveur, ma chère. Ce pauvre Skulg va avoir du mal à s'en relever. Enfin, moins qu'Argunt, je dirais... - Il ne m'a guère laissé le choix des moyens, gronda l'elfe noire. - Oh, je ne vous reproche rien. Vous vous êtes défendue au mieux, quoi de plus normal... - Général Shin ! protesta le shaman Ylessor. Elle vient de tuer Argunt ! - S'il ne voulait pas mourir, il n'avait qu'à éviter d'ouvrir les hostilités. - Il faut l'abattre ! - J'ai d'autres projets plus intéressants en tête, mon cher Ylessor. Des projets impliquant notre invitée et un certain portail que "“ - Vous n'allez pas lui donner accès au portail, en plus ?! fit le shaman horrifié. - Voyons, Ylessor, admettez la réalité des choses... Vous avez pu disposer de ce portail à votre guise pendant des mois et vous n'avez obtenu aucun résultat. Nous n'avons pas progressé d'un pouce et le Seigneur Rebom risque de s'impatienter. Je trouve que l'offre de cette damoiselle tombe à point nommé pour nous. » Ylessor parut vexé mais s'abstint de répliquer, tout en prenant un air renfrogné. A ce moment, un orque entra dans la tente et vint marmonner quelques phrases à l'oreille de Shin. Celui-ci hocha lentement la tête, remercia le messager et le congédia. Puis il en revint à son invitée. « Enfin, cette offre sera la bienvenue, si vous m'avez dit la vérité, bien entendu. Je viens de recevoir un rapport à votre propos. Il semblerait que vous vous soyez rangée du côté des défenseurs de Melrath Zorac et que vous ayez fait du dégât dans nos rangs lors de nos premiers assauts sur la forêt. » Suyvel afficha un sourire venimeux. « Evidemment. Pour mener à bien mes projets, j'avais besoin que les défenseurs me fassent confiance. Ce résultat valait bien le sacrifice de quelques orques sans importance, n'est-ce pas ? - Peut-être bien... mais on me dit également que vous êtes magicienne, non sorcière. M'auriez-vous menti sur ce point ? » Suyvel éclata de rire devant l'assistance médusée. « Une imposture, général, une pure imposture ! Encore une fois pour duper les humains et surtout les elfes de la forêt que je vais devoir tromper pour mener mes projets à bien. Mon apparente conversion à la magie blanche n'est que poudre aux yeux. Mais je n'aurais pas cru pouvoir ainsi abuser l'envoyé spécial du Seigneur Rebom. Comment avez-vous pu imaginer un instant qu'une drow irait s'allier aux elfes sylvains ? Comment ? Pour moi, la plus belle récompense sera de voir les orques massacrer jusqu'au dernier des ces bâtards dégénérés ! » Shin prit le temps d'analyser ce qu'il venait d'entendre. « Donc vous maintenez être une sorcière ? - Bien évidemment ! Une drow ne jure que par la puissance de la magie noire. Le reste n'est que fadaises et futilités. - Dans ce cas, voudriez-vous me prouver votre imposture ? Cela fait, je saurai que je puis avoir confiance en vous. - Et de quelle manière ? - Oh, de la plus simple des façons : dévoilez-nous votre aura de sorcière. Ylessor, ici présent, saura apprécier la véritable nature de votre magie. - S'il vous faut une preuve... soit. » Si Suyvel avait été une adepte de la magie noire il y a des décennies, elle était aujourd'hui magicienne. Elle était certes encore capable de produire une aura de magie noire, mais très limitée. Si elle se dévoilait sous ce jour, Ylessor verrait certes en elle une sorcière, mais ridiculement faible. Or les orques ne respectaient que la force et la puissance. Autant les inviter à la tuer tout de suite. Néanmoins, elle avait envisagé la possibilité d'une telle demande, et s'y était donc préparée. Elle saisit son orbe dans sa main gauche et le leva. Sa main droite vint enserrer son poignet, comme pour soutenir son bras gauche, mais c'était uniquement pour toucher le bracelet qui s'y trouvait. Elle fit semblant d'incanter en elfique noir pour prononcer un appel : « Yazrain, laffiliaí« delia ano'val isdere ! » (1) Tout en déployant son aura de sorcière, elle se concentra sur son orbe. Le nécromant et elle-même s'étaient livrés à un rituel délicat qui leur permettait d'accorder leurs orbes respectifs. Ainsi, à travers un sort de transmission d'aura, Yazrain était-il censé pouvoir lui insuffler ses propres réserves de mana. Toutefois, si transférer son aura à une personne proche de soi était aisé, transmettre le mana à une personne se trouvant à bien des lieues de vous était infiniment plus délicat. Et Suyvel avait beau se concentrer de tout son être, elle ne sentait aucun flux s'établir entre le nécromant et elle. Et elle sentait les orques qui commençaient à s'impatienter. « Yazrain, isdere yol nayaí«l ! » (2) Soudainement, le contact magique s'établit et l'aura ample et sombre du nécromant s'écoula librement de l'orbe, drapant l'elfe noire d'un profond manteau de nuit, qui étendit bientôt son ombre sur tout l'espace de la tente, si grande soit-elle. Suyvel sourit. L'aura de Yazrain était impressionnante, elle lui accordait cela. Il était bien plus expérimenté qu'elle dans l'art de la magie. Ce n'était pas par hasard qu'elle s'était tournée vers lui pour accomplir ceci. Shin interrogea Ylessor du regard. Celui-ci, de mauvaise grâce, finit par déclarer : « C'est bien une aura de magie noire. » Ce qui sembla satisfaire Shin. Se levant de son siège, il se dirigea vers la sortie de la tente. « Parfait ! Ceci étant clarifié, accompagnez-moi donc jusqu'au portail. Nous en profiterons pour deviser utilement. Vous m'exposerez votre projet dans le détail et nous tirerons nos plans. » Il souriait largement. « L'avenir nous appartient, ma chère. Et je crois que vous apprécierez ce que je vais vous montrer. » Et effectivement, elle ne fut pas déçue. ________________________________________ (1) Yazrain, transmets-moi ton aura maintenant! (2) Yazrain, maintenant ou jamais ! Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
Suyvel Posté(e) 20 juin 2012 Signaler Share Posté(e) 20 juin 2012 Acte 2 "“ L'ennemi erre et dit : terre ! Lorsque Suyvel sortit enfin du campement orque, la nuit était tombée. Sous les frondaisons, elle retrouva Gyu qui faisait fébrilement les cent pas. « Enfin vous voilà ! Où étiez-vous passée ? - Et depuis quand te dois-je des comptes, dis-moi ? » sourcilla Suyvel. Le jeune homme ainsi rabroué prit un air mortifié. Suyvel se rendit compte qu'il s'était sincèrement inquiété pour elle. Et elle n'en avait pas l'habitude. « Ca m'a pris du temps, mais j'ai ce que je voulais. Et tout s'est déroulé comme je l'avais prévu. Enfin... presque. » Elle partit d'un petit rire, presque nerveux, que Gyu ne lui avait jamais entendu. Pas plus qu'il ne l'avait vue lui confier quoi que ce soit de personnel. Sa maîtresse gardait toujours la distance avec son élève. Mais là, elle lui semblait moins fermée... « Bon, assez palabré ! Nous avons de la route devant nous. En avant. » ... ou peut-être que non. * * * * * Le soleil s'était levé sur la forêt d'Irliscia. Les oiseaux diurnes avaient fait leur retour et leur chœur retentissait d'arbre en arbre. Moins plaisant, celui d'un vol de corneilles se fit également entendre non loin. Suyvel et Gyu progressaient vers le ponant. « Et quelle sera notre prochaine étape ? questionna le jeune magicien. - Le cœur de la forêt, répondit Suyvel dans un sourire malicieux. - Vous voulez dire... ? Mais c'est le domaine des elfes sylvains ! Il est interdit à tous, une puissante barrière en bloque l'accès ! - Voyons, Gyu, je sais tout cela, fit Suyvel sur un ton de reproche. - Mais comment comptez-vous y entrer alors ? - Oh, pour cela, ça va être très simple... Tiens, regarde. » Suyvel stoppa le pas et croisa les bras. Puis elle clama dans le vide : « Je demande à être reçue par le haut conseil des elfes ! » Gyu, sidéré, la regarda sans comprendre, se demandant si elle perdait la raison. Il n'y avait qu'eux deux ici. Qu'espérait-elle donc... ? Suyvel ne bougea pas pour autant. Au bout de quelques instants, elle insista : « Montrez-vous et emmenez-moi auprès de vos chefs ! » Finalement, d'un peu partout autour d'eux, des silhouettes sortirent de la dense végétation. Ils y avaient été si bien dissimulés que Gyu n'avait rien remarqué. Il admira au passage la grâce discrète avec laquelle ils se déplaçaient sans un bruit. En revanche, les élégants arcs bandés l'inquiétaient. Des rôdeurs elfes ! Et ils étaient six à les menacer de leurs flèches ouvragées, à une distance courte mais prudente. Le septième, son arc à l'épaule, s'avança davantage et s'adressa à Suyvel. « Vous saviez que nous étions là ? - Depuis que je suis entrée sur votre domaine. - Avons-nous manqué de discrétion à ce point ? - Voyons, le sort de perception spatiale existe précisément pour ce genre de situation. Je suis magicienne, au cas où vous auriez la vue un peu basse. Ma-gi-cienne, vous comprenez le mot... ? » Surpris par l'attitude arrogante de l'elfe noire qui le provoquait alors qu'elle était sous la menace de six archers d'élite, le capitaine elfe hésita un instant, puis s'assombrit. « Que voulez-vous, elfe noire ? - Vous êtes un peu dur de la feuille aussi ? Ou bien lent de la comprenette ? Je-veux-voir-vos-chefs. Quel mot n'avez-vous pas compris là-dedans ? - Je ne vois aucune raison d'accéder à une telle demande, se renfrogna l'elfe. - Alors en voici une. » Et la magicienne décocha un solide uppercut au menton du capitaine. * * * * * Lorsque Suyvel reprit conscience, elle ne vit que les ténèbres. Puis elle réalisa qu'elle était entravée et qu'on lui avait placé un masque opaque sur le visage. « Gyu ? - Hmmf... Vous êtes là ? Je ne vois rien ! - Moi non plus. Ils ont dû nous mettre ces trucs pour qu'on ne puisse pas voir par où nous sommes passés... ce qui veut dire... que nous sommes "“ - Que vous êtes là où aucun de vos semblables n'a jamais mis les pieds, elfe noire. » Son masque lui fut enlevé et elle découvrit le visage altier d'un elfe sylvain. D'après l'extraordinaire armure dorée aux motifs sylvestres qui le recouvrait des pieds à la tête, il devait être un noble et un personnage important. Deux autres elfes "“ des gardes "“ la mirent sur ses pieds et l'entraînèrent hors de la demeure où elle se trouvait... haut perchée dans un arbre gigantesque. Gyu fut emmené à sa suite. Le petit groupe suivit un chemin fait de ponts jetés entre les branches énormes de l'arbre millénaire, jusqu'à arriver à une autre bâtisse. Ils y entrèrent et Suyvel et Gyu furent assis d'autorité sur des tabourets au milieu de la pièce. Autour d'eux, dans sept fauteuils avaient pris place autant d'elfes sylvains, aux âges et aux tenues très divers. Un seul siège restait vide. L'elfe qui les avait mené là annonça calmement : « Hauts conseillers de notre peuple, moi, Beliondel, protecteur de la forêt et responsable de la surveillance, viens présenter à votre sagesse éclairée cette elfe noire afin qu'elle soit jugée pour l'agression d'une de nos patrouilles. » Un ricanement fit écho à cette déclaration. Beliondel se retourna vers sa prisonnière. « Il suffit, elfe noire ! N'aggravez pas votre cas. - Ne vous est-il jamais venu à l'esprit, beau commandant, que si j'en avais voulu à la vie de vos hommes, il pouvait sembler étrange que vous ne deviez déplorer ni mort ni blessé ? » Comme Beliondel restait muet, ce fut l'un des hauts conseillers qui prit la parole. « Expliquez-vous, elfe noire. Je suis curieux d'entendre vos raisons. - C'est fort simple : l'agression n'avait d'autre but que de donner le change. D'autres yeux nous observaient et j'avais besoin qu'ils voient vos hommes m'emmener de force. D'où le pugilat. - Pourquoi ne pas leur avoir simplement demandé de vous arrêter, si c'était ce que vous souhaitiez ? - Ils n'étaient guère coopératifs. Et puis j'ai une confiance toute limitée dans leurs talents de comédiens. Après tout, ce ne sont que des mâles... » Le haut conseiller, qui appartenait à cette même catégorie, fut quelque peu surpris de l'arrogance de la prisonnière qui se permettait, dans une position si délicate, d'égratigner ses juges. Nul doute qu'il avait bien affaire à une représentante de leurs cousins des profondeurs du monde. * * * * * Ailleurs, un peu plus tôt. Le shaman Ylessor terminait son rapport au général Shin. « Maintenant que vous avez vue de vos yeux l'état des relations entre notre alliée et les elfes, croyez-vous encore qu'elle ne soit pas fiable ? - Mes corneilles l'ont vu se battre, rien de plus... - Ylessor, vous êtes obstiné ! Que vous aurait-il fallu de plus ? Qu'elle se fasse tuer ? - Ca n'aurait pas été une mauvaise chose... - Bien sûr que si ! le coupa Shin. Nos plans dépendent d'elle. - Justement, maintenant qu'elle est captive des elfes, le plan n'en est-il pas compromis ? - Je l'ignore... mais je ne crois pas. Elle avait prévu de prendre contact avec les elfes de toute façon. Le plan reste donc valable. Et je la crois pleine de ressources. Ces elfes n'imaginent pas à quel point elle est rusée... Ils vont le découvrir à leurs dépens. » Shin afficha un sourire sardonique. « De toute manière, là où elle doit se trouver maintenant, nous ne pouvons rien pour elle... pour l'heure. » * * * * * « Nous avons vérifié, dit le conseiller Galorfin. Les corneilles dont vous avez parlé étaient bien guidées par un esprit malfaisant, nos devins nous l'ont confirmé. En conséquence de quoi le Haut Conseil vous lave de tout soupçon d'agression sur nos hommes... - Soyez-en remerciés, fit Suyvel dans un effort de courtoisie. - ... et souhaite maintenant examiner l'accusation de complicité avec les orques qui pèse sur vous. » La magicienne soupira. « J'ai laissé vos hommes me voir entrer dans le camp ennemi. Cela ne vous suffit pas pour comprendre que ce genre d'accusation ne tient pas ? - C'est un peu court, jeune fille, fit le conseiller. Vous êtes ressortie vivante du camp de nos ennemis, et sans en être chassée. Qu'êtes-vous allée faire là-bas si ce n'est ourdir quelque sordide complot contre notre peuple, en vous liguant avec ses ennemis ? - Assurer la survie de votre peuple en trouvant le moyen de chasser ses ennemis de ses terres. » Une déclaration qui fit sensation dans les rangs du Conseil. « Une assertion bien inattendue de la part d'une elfe noire, fit un second conseiller. Pouvez-vous préciser votre pensée ? - J'ai découvert un monolithe de transport dans la forêt. Une ruine. Une relique de votre peuple. Et il en existe un second derrière les murailles des orques. Je l'ai vu de mes yeux. Et celui-là est encore fonctionnel. Si nous restaurions le premier, nous disposerions d'un moyen pour éviter les défenses orques et frapper au cœur de la base ennemie. » Lorsque les murmures s'éteignirent, un autre conseiller prit la parole. « Je m'appelle Elranduil, et vous-même ? - Suyvel. - Si vous nous expliquiez la raison d'une telle bienveillance envers le peuple sylvain ? - Ne vous méprenez pas sur mes intentions. Je n'essaie pas de vous sauver. Votre sort m'indiffère au plus haut point. » Surprise générale devant une déclaration aux accents de sincérité suicidaire. « J'essaie de détruire les orques. Je les exècre bien plus que vous. Et si je dois contribuer à votre sauvegarde pour les anéantir, alors, par Eolia, qu'il en soit ainsi ! » Un silence méditatif s'installa dans les rangs du Conseil. Finalement, un elfe à l'âge indéterminé reprit la parole. « Mon nom est Isorfilas. Ce que vous nous dites me paraît de la plus haute importance. Malheureusement, comment pourrais-je ajouter foi aux paroles d'une sorcière drow ? - Ex-sorcière, rectifia Suyvel. - Ah oui, d'après ce que nous avons entendu à votre sujet, vous auriez renoncé à la magie noire pour devenir une adepte de la magie blanche. Voilà qui est exceptionnel chez vos semblables... tellement exceptionnel que nous pourrions nous demander s'il ne s'agit là de quelque stratagème destiné à nous abuser. - Je pensais bien que vous auriez du mal à y croire, aussi ai-je pris la précaution de prévoir une preuve de mes dires. - Une preuve ? - Cet humain. » D'un signe de tête, Suyvel désignait Gyu. Les regards des Conseillers se tournèrent ensemble vers le jeune magicien qui avait jusqu'alors été parfaitement ignoré. Mal à l'aise de toute cette attention subite, ce dernier se tassa sur son siège. « En quoi cet humain pourrait-il prouver ce que vous avancez, elfe noire ? interrogea Isorfilas. - Cet humain est mon disciple en magie, expliqua Suyvel. Je lui enseigne mon art depuis des mois. Il pourra vous le confirmer. Si, comme vous le semblez le penser, ma maîtrise de la magie blanche n'est qu'une façade, vous devriez inévitablement trouver sur lui l'empreinte de ma magie noire... n'est-ce pas ? » C'était un principe reconnu parmi les mages. Les enseignants, qu'ils le voulussent ou non, imprimaient leur aura sur celle de leurs disciples et y laissaient une marque indélébile. Le Conseil réfléchit à la question, puis donna son assentiment. S'ensuivit pour Gyu ce qui deviendrait un souvenir moyennement agréable : une interminable séance d'examens d'ordre magique, sur son aura, sur son esprit et même sur son moi astral. Sentant bien que l'on ne lui demandait pas son avis, il se plia aux multiples exigences sans protester. Des heures plus tard, le Conseil reprit l'audition de Suyvel. « Fort bien, fit Galorfin. Nous déclarons l'humain magiquement intègre. Il est un authentique adepte de la magie blanche et ne porte nulle trace de corruption. Et comme il a confirmé avoir suivi vos enseignements, vous êtes donc vous-même une véritable magicienne. - Heureuse de vous l'entendre dire ! lâcha Suyvel, soulagée. - Pour autant, nous ne saurions considérer cela comme une preuve suffisante de votre bonne foi. Certains adeptes de la magie blanche sont tout aussi maléfiques que vos semblables... » Suyvel se tendit. Elle était arrivée à une impasse. Si, à ce stade, les elfes sylvains ne la croyaient toujours pas, les arguments allaient lui faire défaut. Et son avenir pouvait s'en trouver fortement compromis. Elle avait pris un gros risque en se livrant volontairement à eux, elle en avait été consciente depuis le début, mais pour la première fois, elle commençait à le regretter. « Peut-être puis-je apporter un éclairage différent sur la question qui vous occupe... ? » Suyvel ne connaissait pas cette voix. Un nouvel arrivant venait de faire son entrée dans la pièce. Après avoir salué les conseillers, il se tourna vers l'elfe noire. « Ulratbe de Sowerph, membre du Haut Conseil et représentant de mon peuple à l'Académie. » Et il prit place dans le septième et dernier fauteuil. « Je vous prie de pardonner ce retard. Malgré mes occupations actuelles, j'ai tenu à être là pour ce jugement, afin d'apporter au Conseil certains éléments en ma possession. - Vous avez la parole, Ulratbe, annonça courtoisement Galorfin. - Amis conseillers, mes frères, il se trouve que cette elfe noire m'est connue... en fait, depuis qu'elle a foulé le sol de l'Académie. J'ai été alarmé qu'une représentante de nos cousins déchus vienne fureter dans nos murs, et j'ai donc obtenu que soit mise en place une surveillance de tous les instants sur sa personne. Après des mois d'observations, je dois bien admettre que tous les rapports vont dans le même sens : elle s'est activement impliquée dans la défense de Melrath Zorac et la lutte contre les orques. Je n'ai connaissance d'aucune faille dans son engagement contre nos ennemis communs. » Silence. Ulratbe poursuivit : « Aussi suggérerai-je au Conseil d'écouter ce qu'elle a à dire et de jauger ses propositions sans parti pris, de la manière la plus objective possible. - C'est sans doute ce que nous aurions de mieux à faire, concéda Galorfin. Elfe n... je veux dire, Suyvel... Que souhaitez-vous de nous, au juste ? - Votre accord pour restaurer le monolithe de transport. Votre accord et votre aide, car la magie qui le faisait fonctionner m'est inconnue. En échange de quoi, je m'engage à mobiliser les défenseurs de Melrath Zorac pour qu'ils lancent un assaut massif sur les orques et qu'ils les rejettent à la mer. Votre domaine sera alors libéré de cette menace. - Une proposition qui mérite que l'on s'y attarde. Nous allons y songer. » * * * * * * Plus tard dans la journée. Le Conseil siégeait de nouveau. Galorfin reprit la parole. « Suyvel, nous avons délibéré, et notre verdict est, disons, partagé. L'intérêt de votre proposition est certes évident, mais il nous semble que vous, personnellement, y gagnez beaucoup au passage. -Que voulez-vous dire ? demanda Suyvel d'un ton qu'elle espérait innocent. - Pour mener à bien votre projet, vous avez besoin que nous vous dévoilions les rituels antiques nécessaires à l'activation du monolithe. Une forme de magie puissante dont vous tirerez un bénéfice certain dans la maîtrise de votre art. » Aïe, démasquée ! songea la magicienne. « Le chemin de la connaissance est long et difficile... Si votre peuple peut m'aider à y progresser, je lui en saurai gré. - Justement, magicienne, justement, appuya le conseiller. Si nous partageons ce savoir avec vous, jusqu'à quel point irait votre reconnaissance ? » Suyvel ne répondit pas tout de suite, s'attendant à une exigence extravagante. « A quoi songez-vous ? hasarda-t-elle prudemment. - Connaissez-vous celui qui a organisé la défense du camp orque ? - Je l'ai rencontré. Un humain. Un mercenaire du nom de Shin. - Un humain ? Voilà qui explique la science subite des orques pour les ouvrages défensifs. Quoi qu'il en soit, nous jugeons cet individu dangereux pour nos projets d'assaut. Avec lui à leur tête, les orques pourraient fort bien nous tenir en échec. Aussi demandons-nous un raid préventif avant que l'assaut ne soit donné. Dès que le portail sera rétabli, vous vous infiltrerez dans la base ennemie. - Et... ? demanda Suyvel, attendant la conclusion qu'elle sentait se profiler. - Vous en profiterez pour éliminer ce Shin avant le début des combats. » Suyvel s'affaissa sur elle-même. C'était risqué. Périlleux, même. Mais avait-elle le choix ? « D'accord. » D'un ton résigné. * * * * * * Au milieu d'un groupe de mages elfes, Galorfin et Ulratbe dirigeaient les débats sur la manière de réactiver le monolithe de transport. Suyvel écoutait poliment et prenait note mentalement de tout ce qui lui semblait être une information utile pour elle. Ce n'était pas tous les jours qu'une magicienne bénéficiait d'un droit de présence dans une assemblée de grands maîtres dans son art. Galorfin lui présenta les conclusions des débats. « La structure du monolithe est certes antique, mais elle est toujours en état. Nos ancêtres savaient bâtir pour longtemps. La formule d'ouverture du seuil de téléportation est en notre possession et nous vous la remettrons, bien entendu. En revanche, nous nous heurtons à un souci : la structure est incomplète. - Mutilée, plutôt, intervint Ulratbe. Lors du premier assaut des orques sur la forêt, un groupe de gardes humains est tombé sur le portail et en a dérobé un cristal sélénite qui y était enchâssé. Tant qu'il ne sera pas restitué et remis en place, le portail ne pourra pas être ouvert. - Il vous suffit d'en formuler la demande aux humains, ce sont vos alliés, observa Suyvel. - C'est ce que nous avons fait, répliqua Ulratbe. Aucune suite n'a été donnée à notre demande. En conséquence de quoi votre première tâche sera de recouvrir notre bien. Sans cela, rien ne pourra être accompli. » Super, vraiment super, songea amèrement Suyvel. On attendait d'elle un travail d'assassin, et maintenant de diplomate, pour ne pas dire de simple coursier. Ulratbe conclut : « Nous allons vous remettre le parchemin pour la formule de contrôle du portail. Puis Beliondel vous escortera jusqu'à la sortie de notre domaine. Vous aurez les yeux masqués, comme à l'aller, bien entendu. - Bien entendu. » Suyvel ne s'était pas attendue à ce que les elfes lui délivrent un droit d'accès à leur royaume. Elle allait sortir, à la suite de Beliondel, lorsqu'elle s'arrêta pour se retourner vers le conseiller. « Au fait, Ulratbe, vous avez bien dit que vous aviez maintenu sur moi une surveillance de tous les instants lors de mes passages à l'Académie ? - Effectivement, confirma l'elfe. - Alors... lorsque je me suis baignée dans la fontaine, c'était vous qui m'observiez depuis les buissons ? » Stupeur générale dans l'assistance. Suyvel passa un doigt joueur dans son décolleté. « Avez-vous apprécié le spectacle, Ulratbe ? » minauda-t-elle. Celui-ci n'était pas encore revenu de sa surprise que déjà les regards des autres elfes convergeaient sur lui. Tantôt interrogateurs et suspicieux, tantôt amusés et narquois. Les commentaires suivirent. « Vous nous aviez caché ces penchants coupables, Ulratbe... - Mais, mais, mais... mais non ! - ... il semble que la vie à l'Académie ait tendance à vous relâcher quelque peu... - Mais ça n'a rien à voir ! - ... j'avais entendu dire qu'Ulratbe s'intéressait aux humaines, mais aux drows, tout de même... - Mais vous n'allez pas la croire, quand même ?! - ... c'est bien vous qui nous disiez qu'elle était digne de confiance... - Oui, mais non ! - ... alors, Ulratbe, on s'encanaille ? - Mais non, voyons !!! » Abandonnant Ulratbe sous la pluie de quolibets, Suyvel quitta la salle. Elle souriait en coin. On prenait les revanches qu'on pouvait. Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
Suyvel Posté(e) 20 juin 2012 Signaler Share Posté(e) 20 juin 2012 Acte 3 "“ De l'art de vendre ses salades Une fois rendu à la lisière de la forêt, Beliondel fit demi-tour, laissant ses visiteurs prendre seuls le chemin du retour. Il les avait aimablement escortés plus loin que prévu initialement. Gyu et Suyvel prirent congé de lui et continuèrent vers Melrath Zorac. Le jeune magicien profita de ce qu'ils étaient enfin seuls pour demander à l'elfe noire : « Vous m'aviez demandé de vous accompagner juste pour vous servir de témoin de moralité auprès des elfes... ? » Suyvel le regarda avec malice. « Mais non, voyons. Enfin... disons que j'avais envisagé que tu puisses me rendre ce service. Mais si ça peut te rassurer, je dois pouvoir trouver d'autres raisons qui m'ont poussée à t'emmener... en cherchant bien. » Gyu prit un air vexé et ronchonna tout le reste du trajet. « Et où allons-nous, au juste ? - A la caserne. Nous devons retrouver les soldats qui ont pris le cristal du portail. Enfin, surtout le cristal, à vrai dire. Mais pour chercher des gardes, la caserne me semble un point de départ tout indiqué. » Ils y arrivèrent bientôt. Suyvel demanda à être reçue par un officier de la caserne. Il lui fut répondu que tous étaient très occupés, car une des co-régentes allait venir incessamment pour une inspection. « Une des régentes ? interrogea Suyvel. Laquelle ? Shorion ou Tapate ? - Dame Tapate, je vous prie, fit le soldat d'un air pincé. - Fort bien. Donc, pourriez-vous dire à Dame Tapate que Suyvel lui demande audience ? - Soit, ce sera fait. » Brusquement très songeuse, Suyvel finit par se tourner vers Gyu. « Dis-moi, tu voulais te rendre utile, je crois ? » Le regard de Gyu s'alluma. « Vous avez une mission à me confier... ? - Oui, et de la plus haute importance, je dirais. - A votre service, fit Gyu, rayonnant de bonheur. - J'aurais besoin d'une chose vitale... » Et elle lui expliqua de quoi elle avait besoin. Gyu en resta interdit. « Mais... que voulez-vous faire de cela... ? - Pas le temps de t'expliquer. Trouve-moi cela, d'accord ? - Ce n'est pas un travail digne d'un magicien, s'offusqua le jeune homme. - Et si je trouvais une punition digne d'un magicien pour te motiver... ? - Je suis déjà en route ! » De fait, Gyu s'éloignait en toute hâte. Les idées de punition, ce n'était pas ce qui manquait à Suyvel, Gyu le savait fort bien. Des idées que personne n'avait envie de connaître. Un garde finit par venir trouver Suyvel, et l'emmena dans la salle des officiers. Assise sur un vaste fauteuil dans le quel elle semblait un peu perdue, Tapate l'attendait. Le garde annonça la visiteuse de façon très cérémonieuse. « Suyvel Ayflesh, magicienne d'Aéris, reçoit audience auprès de notre régente ! » Tapate s'agita sur son siège et lui adressa des grands coucous de la main, tout en faisant signe à Suyvel d'approcher. « On m'a dit que z'avais pas le droit de descendre du fauteuil. Ze crois que les gardes veulent zouer à chat perché. Et ils m'ont dit que tu demandais aux danses. Moi, ze veux bien danser avec toi, mais ze dois te dire que z'y connais pas grand-chose... » Suyvel hésita un instant et se demanda si elle devait expliquer à Tapate le concept d'audience. Elle estima rapidement le temps et l'énergie nerveuse que cela lui prendrait, et choisit aussitôt une autre alternative. « Ce n'est pas grave, Tapate. Je ne suis pas douée non plus en danse. Et puis je voulais te demander autre chose. - Ah, ben z'aime autant, en fait... C'est quoi ? - Tu connais les elfes sylvains ? - Les zèles fossiles ? Ils sont vingt ? - Heu... si tu veux. Je parle des habitants de la forêt. Les oreilles pointues, fit-elle en tirant sur les siennes, dans un effort pour être comprise. - Oh voui, les Zoreilles ! Bien sûr. - Ils voudraient te demander une chose. - Un truc rigolo ? De faire le poirier ? Ze sais qu'ils z'aiment bien les arbres... - Heu... pourquoi pas ? Cela leur ferait peut-être plaisir, après tout... Mais ce qu'ils voudraient vraiment, c'est un cristal sélénite, qui leur appartient, et que des gardes de Melrath Zorac leur ont pris. - C'est un cristal ou c'est les mites ? Ils ne savent pas, les Zoreilles... ? » A ce point de la conversation, Suyvel ne savait plus trop non plus. Mais elle remarqua l'expression de l'officier qui se tenait près de Tapate, et sut que lui avait parfaitement compris de quoi il s'agissait. D'ailleurs, il se pencha vers la régente pour lui murmurer quelques paroles à l'oreille. « Thé-endort me dit que c'est du but-un-deux-guerre, mais ze vois pas ce que c'est, fit Tapate en se grattant l'antenne. - C'est comme un joli caillou gris-bleu, expliqua Suyvel. - Ils veulent des cailloux ? Ce n'est pas un problème, il y en a plein les chemins, par ici. - Oui mais ils ne veulent pas n'importe quel caillou : ils veulent le leur. - Mais comment on va retrouver le leur parmi tous les autres ? Ca va être trop long de tous les ramasser. - Sans doute... mais si vous demandiez au capitaine Theandor, je suis sûre qu'il aurait une idée précise de l'endroit où chercher. » L'officier s'offusqua de la remarque et partit dans un long monologue par lequel il justifiait que toute prise en temps de guerre était légitime. Dans le même temps, un garde vint apporter un message à Suyvel. Apparemment, servir sous les ordres de Tapate avait familiarisé Theandor avec le vocabulaire très particulier de la régente, car il parvint à s'en faire entendre. Tant et si bien que Tapate annonça à Suyvel : « Tu diras aux Zoreilles que ze suis désolée, mais mes gardes veulent garder. Heu... oui, ça c'est normal. Ils veulent aussi garder ce qu'ils ont trouvé. Le caillou. Mais si les Zoreilles en veulent d'autres, c'est d'accord. - Alors peut-être puis-je suggérer autre chose... un échange ? Mon disciple est dehors avec un cadeau des el... des Zoreilles. Pouvons-nous le faire entrer ? - Gyu est là ? Ben voui, pourquoi qu'il reste dehors ? La porte est fermée ? » Le jeune magicien fit péniblement son entrée, vacillant sous le poids d'une énorme jarre ventrue qu'il tenait à bout de bras, par les anses. Ahanant sous le fardeau, il vint le poser avec soulagement devant Suyvel. Celle-ci annonça : « Tapate, les Zoreilles t'offrent ce cadeau en espérant que tu veuilles bien leur rendre leur caillou. » La régente détailla la jarre d'un œil curieux. « C'est quoi donc ? » Suyvel fit signe à Gyu. Ce dernier ouvrit le couvercle qui scellait le récipient et renversa la jarre, qui répandit son contenu sur le sol. Des dizaines, peut-être des centaines, de carottes-salades. Un éclair bleu et gris fusa du grand fauteuil de cérémonie et vint s'écraser sur l'énorme tas de légumes, dans une multitude de projections de bave tous azimuts. Tapate émergea de l'amoncellement, une carotte-salade dans chaque main et au moins deux dans la bouche. « Ils chont chuper gentils, les Joreilles ! Je chuis d'accord ! - Mais, Dame Tapate... ! protesta Theandor, horrifié. Vous étiez d'accord pour que nous gardions le cristal... - Oui mais ch'était avant que je chache che qu'ils j-offraient. Avec toutes ches carottes-chalades, on va pouvoir nourrir la garnijon. Et cha vous changera de vos patates fadaches ! Ch'est bien mieux qu'un caillou. Cha che mange pas, che truc-là. Allez chercher plein de cailloux pour nos j-amis Joreilles. - Ce n'est pas nécessaire, je crois, fit Suyvel en souriant. Leur caillou leur suffira. - Ah bon ? Un cheul caillou ? Mais je voudrais garder toutes les carottes-salades, moi... Ch'ai beaucoup de gardes à nourrir. - Ce n'est pas un souci. Ils vous les offrent toutes. - Contre un cheul caillou ? Cha fait pas beaucoup... èche que les cailloux chont devenus rares, pour que les Joreilles m'en offrent autant de bonnes chojes ? - Non. Ils tiennent beaucoup à leur caillou, c'est tout. - Ah ben chi ch'est chentimental... Mais je crois que Thé-endort voudra pas le leur rendre. - Et moi je suis bien sûre qu'il le fera si vous lui en donnez l'ordre. - Lui donner un ordre ? Mais je chuis pas militaire, moi... - Tu es régente, Tapate. Le capitaine doit suivre tes ordres. Essaye pour voir. » Tapate dévisagea le soldat, puis risqua timidement : « Thé-endort... donne le caillou des Joreilles à Chuyvel. » La mort dans l'âme, le capitaine finit par obtempérer et posa dans la paume de la drow un gros cristal parfaitement sphérique, porteur d'une aura bleutée très pâle. D'une beauté surnaturelle. Suyvel sourit. Ce qu'elle appréciait chez les militaires humains, c'était leur sens de la discipline et de l'obéissance. Tapate, elle, était ravie de l'essai. Alors elle récidiva. « Thé-endort, mets-toi à quatre pattes ! Thé-endort, mets ton pantalon sur ta tête... » Suyvel regarda quelques instants Tapate poursuivre ses expériences, puis choisit d'y mettre fin. Non qu'elle eût pitié du capitaine "“ ou de qui ce fût d'ailleurs "“ mais elle avait encore à entretenir Tapate d'un sujet complexe : la préparation de l'assaut sur le camp orque. Ce fut laborieux. Et très long. Mais quand Tapate s'écria... « Alors z'organise un pique-nique avec tous les gardes dans le champ derrière le grand portail et après on zoue à chat avec les Norkis et s'ils perdent on les zette à l'eau ! » ... Suyvel considéra que son objectif était raisonnablement atteint. Alors qu'elle quittait la caserne, elle entendit Tapate qui disait à Theandor : « Tout de même, ça m'embête, cette histoire de pénurie de cailloux... Tu diras aux gardes de penser à en replanter. Faut que ça repousse. » * * * * * Suyvel procédait à une ultime vérification. Le cristal sélénite était en place, le monolithe semblait avoir recouvré sa fonctionnalité, les rituels préparatoires que les elfes sylvains lui avaient indiqués étaient achevés. Ne restait plus que l'ouverture du seuil de transport. Suyvel et Gyu étaient de retour dans la forêt d'Irliscia. A la faveur de la nuit, ils s'activaient tous deux autour du portail de transport, préparant sa réouverture. Dans le même temps, le disciple tentait encore de dissuader sa maîtresse, ou à tout le moins de la raisonner quelque peu. « Vous aventurer seule là-bas pour tuer ce Shin est une folie. Les orques sont trop nombreux. - Je ne vais pas tuer tous les orques... pas même un seul d'entre eux, si tout se déroule bien. Juste un humain, en fait. - Nous pourrions trouver quelqu'un du métier pour faire cette besogne à votre place... - Je ne connais pas assassin plus discret qu'un drow. Et puis c'est de moi que l'on exige cet acte. Pas d'un autre. - Nous pourrions au moins attendre que la régente arrive avec l'armée. Vous feriez votre tentative dès que les troupes seraient prêtes à franchir le portail et, en cas de coup dur, elles pourraient voler à votre secours... - Tu voudrais faire venir l'armée jusqu'ici sans alerter les orques ? Tu rêves. Autant leur hurler dessus avant que je tente d'entrer. Non, la meilleure chance que j'aie est d'y aller maintenant, seule et de nuit. » Devant la mine défaite de son élève, Suyvel se sentit obligée d'ajouter : « Gyu, je ne le fais pas par plaisir... J'adorerais que l'on me décharge de cette tâche. Simplement, je n'ai plus le choix. Un pacte est un pacte, et les elfes ont déjà rempli leur part. Si je le romps, je vais au-devant de gros ennuis, et je préfère l'éviter. » Un instant de silence. Puis Suyvel reprit : « Allons... il est temps d'entamer la dernière phase. Prépare-toi, tu vas m'aider à accomplir l'activation du portail. » Galvanisé par la perspective de participer à un rituel magique très ancien, Gyu sentit l'enthousiasme lui revenir. A son niveau actuel de puissance et de connaissances, il était exceptionnel pour un magicien d'être sollicité pour ce genre de cérémonie. Etre admis comme observateur était déjà un rare privilège. Encore une fois, être le disciple de la drow allait se révéler passionnant pour lui. Certes, son rôle se bornerait à fournir à Suyvel le surplus de mana dont elle aurait besoin pour accomplir le rituel en entier "“ malgré son expérience, elle n'était pas encore de force à mener seule l'incantation "“ mais il ne doutait pas qu'il découvrirait de nombreux aspects de la magie qui lui seraient profitables. Peut-être pas tout de suite mais plus tard, quand il aurait acquis plus de maîtrise. Suyvel entonna le premier chant ésotérique. C'était une des particularités du rituel elfique. Gyu reprit les paroles à l'unisson, plus pour lui-même que pour réellement participer. A l'approche du second chant, il prépara son sort de transfert de mana. Lorsque Suyvel lui fit signe, à l'approche du troisième chant, il était paré. Il harmonisa son aura avec celle de Suyvel comme elle le lui avait appris et commença la transfusion de mana. Il s'efforça de maintenir un flux constant vers la magicienne, sans présumer de ses forces et en évitant de tarir son aura. La fin du troisième chant approchait, l'instant critique était imminent. Gyu pouvait sentir la tension dans la voix de la drow alors qu'elle prononçait les ultimes formules. Rien ne s'était encore produit. Si le monolithe semblait fonctionnel, le portail n'était toujours pas ouvert et ne donnait aucun signe de devoir apparaître un jour. Suyvel, inlassablement, répétait la dernière phrase en boucle, mais Gyu savait que ceci ne pourrait pas durer encore bien longtemps. L'un comme l'autre arrivaient au bout de leurs réserves de mana. Si le rituel n'aboutissait pas très vite, ils devraient abandonner. Ce qui signifiait tout reprendre de zéro plus tard. Le seuil s'ouvrit. Aucun signe n'avait annoncé son ouverture. L'instant d'après, il rayonnait devant leurs yeux. Sous l'arche de pierre était apparue une déchirure dans l'espace. Un seuil faiblement lumineux. Suyvel tira d'une poche un morceau d'étoffe qu'elle se passa sur le front pour en chasser les gouttes de sueur qui s'y étaient formées sous l'effort intense de concentration. Puis elle fouilla son sac à la recherche de potions de mana pour reconstituer rapidement ses forces, et elle en tendit une à Gyu. Ironiquement, ils entrechoquèrent leurs fioles comme s'ils trinquaient à leur succès, un verre de bon vin à la main. Mais les vraies réjouissances seraient pour plus tard... Plus tard, voire jamais. Car la partie périlleuse du plan commençait seulement maintenant. Alors que Suyvel avançait lentement vers le seuil de téléportation, Gyu osa poser sa main sur son bras pour l'arrêter. « Je vous accompagne. » La drow toisa son disciple d'un air sévère "“ et cette fois, encore plus que d'habitude. « Que crois-tu accomplir en venant ? Tu nous feras repérer, peut-être tuer. Alors qu'ici, tu peux garder ce côté du portail. » Gyu réfléchit à toute allure. Il savait qu'il serait un poids mort pour une drow habituée à se fondre dans l'obscurité et à y opérer comme en plein jour. Mais... « Le seuil est certainement visible de l'autre côté. Les orques doivent patrouiller dans leur base. Lorsque l'un d'entre eux passera devant le monolithe, que se passera-t-il ? Il donnera l'alerte et vous serez en grand danger. De plus, ils refermeront le seuil, ou ils le feront sévèrement garder et vous serez coincée là-bas. Tandis que si je viens, je pourrai au moins neutraliser tout orque trop curieux qui s'approcherait du portail. » Suyvel se trouva à court d'arguments et se reprocha de n'avoir pas envisagé cette possibilité. Néanmoins, elle chercha encore une raison de refuser à Gyu le droit de l'accompagner. Bien que le jeune magicien lui ait déjà prouvé son courage et sa valeur face aux orques, elle répugnait à l'exposer inutilement. Elle se sentait responsable de lui et c'était nouveau pour elle. Elle ne savait trop comment gérer cela. « Ecoute, je "“ Elle s'interrompit soudainement, jetant des regards de droite et de gauche. Un grondement s'éleva. Une secousse ébranla le sol. Puis la terre se mit à trembler par saccades. C'était tout juste si Suyvel parvenait encore à tenir debout. Dans un fracas sourd, l'arche du portail se fissura, puis toute la structure s'effondra sur elle-même. Le seuil dimensionnel se déforma, clignota puis se referma. « Non ! » hurla la magicienne. Elle tomba à genoux devant le désastreux spectacle. Un rire gras parvint à leurs oreilles. Ils se retournèrent pour voir approcher une silhouette trapue et voûtée. Suyvel la reconnut immédiatement. « Alors ? ricana une voix inhumaine. On a conclu un pacte avec ses soi-disant ennemis héréditaires, hein ? Mais j'ai réveillé les esprits de la terre et ils ont détruit cette saleté de portail elfique. Vos petits complots ont pris fin en même temps ! Je savais bien qu'il fallait être fou pour vous faire confiance... » Devant eux, dans sa tenue rituelle de combat, se dressait le shaman Ylessor. « Je le savais ! Tout comme je sentais bien que nous nous retrouverions face à face, sans Shin pour écouter vos calembredaines et vous protéger de la colère des orques ! Vous voilà seule, maudite drow, et je "“ - Elle n'est pas seule, » objecta catégoriquement Gyu en se dressant de toute sa taille entre le shaman et Suyvel. Ylesssor grogna de contrariété d'être interrompu de la sorte et lança un projectile magique vers le jeune mage. Celui-ci activa aussitôt ses défenses magiques et le sortilège explosa en les percutant. Le souffle fut si violent que Gyu fut balayé et vola quelques mètres plus loin, inconscient... ou mort. « Je disais donc... vous voilà seule et entièrement à ma merci, perfide traîtresse, » grogna Ylessor d'un air satisfait. Suyvel se releva lentement. Son sang circulait plus vite dans ses veines alors que l'excitation du combat qui s'annonçait grandissait en elle. En temps normal, elle aurait déjà été en train d'élaborer quelque stratagème pour tromper l'ennemi et l'amener à la faute, pour mieux le terrasser. Mais une chose occupait son esprit à ce moment-là, et une seule : la vision du corps désarticulé de Gyu qui s'écrasait au sol. Dans un grondement de fureur, la drow incanta un sort offensif et frappa de toute la puissance dont elle était capable, décidée à anéantir celui qui avait osé s'en prendre à son disciple. Ylessor l'encaissa par l'entremise d'une barrière défensive. En fait, il ne fut pas touché. Ce fut le premier assaut d'un interminable combat. Les assauts tantôt brutaux, tantôt vicieux de la magicienne furent systématiquement mis en échec par l'efficacité des défenses du shaman. Les sortilèges dévastateurs mais lents de l'orque furent l'un après l'autre déjoués par la vivacité de la drow et sa science de l'illusion. Tant et si bien qu'il devint assez vite évident que le plus endurant des deux aurait un sérieux avantage, pour ne pas dire la victoire à portée de main. Et à ce jeu, l'un des deux était clairement supérieur à l'autre. Suyvel sentait ses ressources ne mana s'amenuiser et elle se doutait que son ennemi ne lui laisserait pas consommer tranquillement une potion régénérante. Ou alors il en profiterait pour faire de même et cela ne changerait rien à la donne. L'orque était indubitablement plus puissant, son aura plus vaste. Contre un tel adversaire, jouer l'usure revenait à courir à l'échec. Il fallait donc l'attaquer sur un autre terrain. Rassemblant ses dernières forces, la magicienne lança une sphère de ténèbres sur le shaman. Le temps qu'il lutte pour la désagréger, elle courut droit sur lui en tirant son katar. Puisque la magie ne suffisait pas, elle avait d'autres arguments à faire valoir ! Hélas, elle avait sous-estimé Ylessor. Celui-ci annula rapidement le sort incapacitant et frappa de nouveau, presque à bout portant, Suyvel qui ne put arriver à temps au contact. Le choc du sort offensif sur les défenses amoindries de la drow fut rude. Secouée, à bout de forces, elle tomba à genoux. Ylessor en profita pour lui saisir les cheveux et la déséquilibra. Alors que Suyvel tentait vainement de se dégager, il tira un sinistre poignard en os. « Rebom ! clama le shaman. Ombre Suprême ! Je t'offre en ce jour le sang de ton ennemie. Donne la victoire à mon peuple ! » Il leva son poignard en un dernier geste. L'ultime. Car il n'eut pas l'opportunité d'en faire un autre. BONNNK ! Le bruit d'un objet dur heurtant l'os d'un crâne. Ylessor émit un léger grognement et glissa lentement au sol, en s'affaissant sur lui-même. Derrière lui, le bourdon de mage fortement serré à deux mains, se tenait Gyu. « Je disais donc : elle n'est pas seule. » Suyvel leva les yeux sur son disciple. Bien que sa tenue fût partiellement déchirée, il semblait encore en bonne forme. A cette vision, elle se jeta sur lui et le serra dans ses bras. « Gyu ! Tu es en vie ! » Presque aussitôt, elle le lâcha et s'en écarta, quelque peu gênée par sa propre réaction. Elle avait toujours gardé une certaine distance avec le jeune homme. Elle estimait que ce genre d'effusion n'avait pas sa place dans une relation maître-élève. Elle finit quand même par lui dire : « Je savais bien que j'avais une bonne raison de t'emmener ! » Avec un petit sourire entendu. Pour autant, tout n'était pas pour le mieux. Ylessor avait ruiné ses plans pour l'invasion da la base orque en abattant le portail. Et elle se trouvait dans l'incapacité d'aller tuer Shin, désormais. La colère la prit. Et comme le responsable de cet état de choses se trouvait allongé devant elle, inconscient, l'exutoire était tout trouvé. Elle prit le temps de le désarmer, de bien l'entraver et de le bâillonner. Puis elle le réveilla et agita sa lame sous son nez. « Puisque tu n'aimes pas les drows, je vais te montrer comment mes semblables traitent ceux de ton espèce ! » Ce fut une longue mise à mort. Une vengeance sadique et cruelle. Suyvel n'hésita pas à prodiguer des sorts de soin au shaman pour le maintenir en vie plus longtemps. L'orque mit plus d'une heure à mourir. Et encore fut-ce parce qu'à la fin, Gyu supplia la drow d'en finir promptement. Epilogue Beliondel considérait en silence les ruines du monolithe. En retrait, Suyvel et Gyu attendaient anxieusement ses conclusions. Lorsque le guerrier se tourna vers eux, ils purent voir que la colère n'habitait pas ses yeux. Plutôt la tristesse de découvrir une relique ancestrale de son peuple, balayée par la dévastation orque. « Je transmettrai au haut Conseil ce qui s'est passé ici, magicienne. Mes hommes ont constaté la véracité de vos dires, ces évènements ne sont pas de votre fait. Bien que vous n'ayez pu tenir vos engagements, je doute que les conseillers vous en tiendront rigueur... Quant au monolithe... » Suyvel termina d'une voix hésitante : « Il n'y a plus rien à faire, n'est-ce pas... ? » Curieusement, Beliondel eut un pâle sourire. « Qui sait, magicienne, qui sait... » Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
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