Akaresh Posté(e) 5 janvier 2014 Signaler Share Posté(e) 5 janvier 2014 Je les observe, assis dans une sombre chambre de l'auberge de Melrath Zorac, grouillant tels les insectes qu'ils auraient du rester, esclaves de ce monde au lieu d'en devenir les maîtres. Leur insouciance, leur incompréhension et leurs sentiments me donnent presque envie de vomir. Ils aiment, ils haïssent. Ils ne voient que la vie que comme deux rives, séparées par un fleuve infranchissable. Le Bien, le Mal, chacun de son côté, s'excusant des mêmes niaiseries, s'arque boutant sur ces fondations branlantes pour construire les cathédrales de leur âme. J'entends la rumeur qui fait de moi un dévot de Niue, jurant de précipiter ce monde dans l'abîme pour accomplir la pieuse volonté de l'Unique. Foutaises. Ces fanatiques et tous ces moinillons théologiens à leurs heures perdues n'arpentent pas plus les sentiers de la réalité que les moutons dont ils essayent piteusement d'être les bergers. Je ne descends d'aucune Autorité, et aucun dieu ne me fera courber l'échine pour me forcer à m'agenouiller sur l'autel d'une quelconque moralité. Pas après tout ce qu'ils m'ont fait. D'ailleurs, je n'ai pas besoin d'eux. Les temps arrivent où ma vengeance implacable les frappera de plein fouet, un coup dont la violence n'aura d'égale que leur traîtrise sans limites. Je vais m'évertuer à détruire chaque parcelle de vie qu'ils ont créé, à anéantir la moindre idée qu'ils ont instillée. Tous, sans exception, récolteront ce qu'ils ont semé, voici tant d'années. D'ici peu de temps, un seul Sbire, parmi tous ceux que j'ai engagé, reviendra. En effet, l'un des Sbires dépêchés sur Melrath Zorac s'est vu tomber dans un piège creusé par celui que j'avais envoyé à Terra. Ce dernier est mort peu de temps après, malencontreusement poussé dans un précipice par le Sbire Aéride, brûlé vif quelques instants plus tard par mon envoyé sur Ignis. Enfin, le Sbire pyromane, bien que proche d'atteindre son but, avait été noyé dans l'Oasis Orientale par mon agent d'Aqua, lequel serait bientôt éliminé, sitôt qu'il atteindrait le point de rendez-vous, par le dernier Sbire de Melrath Zorac. Qui, lorsqu'il frappera à ma porte, sera accueilli comme il le mérite. Avec un sort de glace qui ne lui laissera aucune chance. Car telle est la récompense de ceux qui me servent : une mort rapide, une confirmation de cette incompréhension qui caractérise leur race. Un rouage dans un engrenage dont les tenants et les aboutissants sont soigneusement dissimulés sous un écran de fumée. Je n'ai pas besoin d'entendre leur rapport. Je sais déjà ce qu'ils vont me dire. Bien qu'une partie des Humains n'ont pas pu ou voulu se mettre au service de cette quête pour retrouver les descendants d'Aí«stys ou que d'autres ont préféré garder le Sceptre pour leur usage personnel, croyant que leur décision héroïque, qui intervient d'ailleurs bien trop tard, peut encore sauver la face du monde, la plupart a tout de même succombé à l'appât du gain double : la promesse d'une bourse remplie, ainsi qu'une notoriété grandissante dans ce monde qu'ils estiment si fabuleux. Je connais leur avarice, leur principal point faible : cette porte ouverte à tous les caprices, cette soif inextinguible d'or et de reconnaissance. Depuis le début, depuis la Caserne, je manie ce défaut qu'ils ont en eux, les poussant à agir parfois, souvent, contre leur nature. Ils se sentent obligés d'aller au bout, de découvrir la prochaine étape de ce voyage jusqu'à la fin de toute chose dont je suis l'organisateur. Et si l'Homme doute encore de son avarice insatiable, qu'il constate qu'il porte en lui les germes de cette destruction proche. La Relique est mienne, le Sceptre sera bientôt entre mes mains. Il ne me manque plus qu'un dernier ingrédient, quelque chose que j'instille en chacun depuis la mutinerie. Les Sept sont maintenant éparpillés sur ce monde, et leurs porteurs inconscients sont les repères du cataclysme qui s'abattra sur le monde des Éléments. Tous chercheront les coupables de leur extinction imminente, et aucun ne reconnaîtra sa faute. Car l'Homme est ainsi fait : se croyant si parfait, préférant user de tous les prétextes pour changer et façonner le monde à sa façon, plutôt que se remettre en question pour épouser la forme du monde. Je ferai de leur capitale le théâtre de mon apothéose. Une tragédie à l'antique, où tous sentiront la honte fleurir sous leur épiderme, cherchant aussitôt à camoufler cette gêne dans l'euphorie d'un combat dont les motivations ne seront, comme à l'habitude, qu'une rude illusion manichéenne. Dans le sang et les pleurs, tous célèbreront l'avènement de cette nouvelle ère. Mes préparatifs touchent à leur fin, et je leur réserve une surprise de taille. J'entends des pas dans les escaliers, qui me sortent de cette prophétie apocalyptique. Je cligne des yeux, toujours installé dans mon fauteuil pivotant, seule touche de luxe dans cette chambre maussade. Le Sbire arrive, à l'heure prévue. Parfait. Il doit porter le Sceptre. Je l'entends toquer à la porte qui est dans mon dos. Sans répondre, j'invoque la force du vent pour ouvrir la porte. Je l'entends qui s'avance. Un seul mot, une seule intonation, grave, puissante, sort de ma gorge, un mot en langue morte. Le Sbire s'arrête net, il ne comprend pas. Tout se passe alors très vite, le vent invoqué précédemment faisant pivoter le fauteuil, me permettant de voir mon agent. Puis, de mes mains tendues jaillit une pointe glacée qui vient se planter droit dans le cœur du malheureux. Je reste quelques instants à voir la glace fondre dans le corps de cet Humain, plongeant mon regard dans le sien agonisant. Je n'y décèle aucune haine... juste de l'incompréhension. Encore et toujours. Alors, lentement, je m'arrache à ce regard mourant pour sortir de la pièce. La porte se referme derrière moi, dans un grincement sinistre, tandis que je sors dans la nuit noire, profitant de l'obscurité pour être inaperçu, prenant la route vers mon prochain objectif. Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
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