Un hiver trop long

[Darkfox]

Une, deux, puis trois... 

Il semblait pleuvoir à entendre le rythme des gouttes s'écraser sur les briques froides et fraîches de la forteresse. 

 

L'humidité était palpable au plus profond de son corps, ses articulations lui faisaient souffrir le martyre, et ses muscles autrefois si puissants semblaient avoir fondu au soleil.

 

Combien de temps cela pouvait-il faire ? Son sommeil lui avait paru infini... Etait ce un sortilège ? Ou peut être un hiver trop long ? Il n'en savait rien et n'en avait que faire. La seule chose qui le préoccupait à cet instant était de sortir de cette bâtisse qui ne lui évoquait plus grand chose, pour prendre un grand bol d'air frais.

Le renard avança d'un pas décidé en dehors de la forteresse, espérant un pas après l'autre que ses jambes ne s'effondreraient pas d'elles même. 

 

Il lui fallut bien cinq minutes pour s'extraire du bâtiment, mais c'était maintenant chose faite et s'offrait à présent devant lui un bien triste paysage. 

La pluie ne cessait de tomber sur les marécages, les rendant encore plus dégoûtant que ce qu'ils ne sont déjà. Mais l'air frais lui faisait du bien, il sentait ses poumons revivre et peu à peu il retrouvait un peu de vigueur dans son corps, sortant progressivement de sa léthargie. 

La fourrure épaisse de poils roux qu'il portait autour de sa tunique commençait à se gorger d'eau, mais cela ne semblait pas le gêner. Cela faisait si longtemps qu'il n'avait pas humé l'air extérieur qu'il aurait certainement pu y rester une vie entière. 

 

Le renard parti alors en quête d'un arbre qui saurait le protéger de la pluie. Tout semblait étranger autour de lui, ses souvenirs lui semblaient si loin, et pourtant certains lieux lui évoquaient énormément de choses. L'émotion commençait à monter en lui au fur et à mesure qu'il avançait dans les marécages, jusqu'à ce qu'il trouve un magnifique saule pleureur qui avait du abriter bon nombre d'aventurier avant lui. C'est à croire que quelqu'un l'avait planté là, sachant très bien qu'il servirait à certaines âmes égarées.

 

La pluie cessa quelques minutes plus tard, et les nuages une fois dissipés offrir aux étoiles une immense scène où elles purent s'offrir en spectacle. 
Levant les yeux au ciel il contempla quelques instants le scintillement de ses âmes figées dans la galaxie.

 

Avait-il connu certaines de ces étoiles ? Certainement... A vrai dire il n'en savait plus grand chose, trop de question lui venait depuis son réveil.

Qu'étaient devenus ses anciens compagnons d'armes ? Etaient-ils simplement encore vivant ? Ou bien peut être étaient-ils passés à l'ennemi ?

Quel nouveau mal pouvait bien tirailler une fois de plus ces terres ? Et qui sait si personne n'avait pas eu la folle idée d'instaurer une paix durable ?

 

Le guerrier sentait son esprit bouillonné et plutôt que de rentrer dans la forteresse qui semblait toujours lui ouvrir ses portes après tant d'année, il préféra rester sous le saule. 

 

Après tout quelqu'un passerait certainement dans le secteur un jour ou l'autre, il ne savait pas qui, quand, ni pourquoi ? Mais la patiente récompense toujours et peut être cette personne saura lui apporter des réponses ou tout simplement saura-t-elle lui faire oublier la douleur qu'il ressentait au plus profond de lui...

 

 

 

 

 

[Suyvel]

La pluie tombait sans discontinuer sur l'ample capuche de la cape de la magicienne. Ce n'était pas un temps qui l'incitait à sortir de sa douillette chaumière, et pourtant...

 

Même par beau temps, le marais reste un endroit peu avenant.

 

Partant de là, à quoi bon laisser de futiles considérations météorologiques remettre en question ses plans du jour ? Elle avait prévu de récolter de la valériane, elle se tiendrait à son programme. Le ciel pouvait bien lui faire grise mine, elle n'y prêterait pas attention, et voilà tout. Elle s'était donc armée d'une paire de ciseaux au tranchant chirurgical et mise en route vers IssCaNak.

Suyvel se consolait en se disant qu'une mauvaise rencontre en serait d'autant plus improbable.

 

Pas un temps à mettre un tueur fou dehors.

 

Et de fait, elle n'avait vu âme qui vive.

 

Jusqu'à ce qu'elle s'approche de ce saule pleureur.

 

Il fallait dire que l'homme assis dessous se tenait immobile. Dans la grisaille environnante, il était donc peu repérable. L'elfe noire eut un geste de surprise et fronça les sourcils.

 

Qui cela peut-il être ? Et que fait-il donc sous cet arbre ?

 

En tout cas, il ne semblait pas se cacher, et ne montrait aucune hostilité "“  à supposer qu'il l'ait seulement vue.

Suyvel prit quelques instants pour le détailler quelque peu. L'homme, en définitive, ne semblait rien faire de plus que d'essayer de se préserver de la pluie, ce que tout être sensé ferait. Il avait l'air d'un guerrier, à en juger par sa tenue et les épées qu'il portait au côté. Sa tête était couverte d'une fourrure "“ du renard, à en juger par la couleur. Un détail qui pouvait avoir son importance, ou peut-être pas. Après tout, ce n'étaient pas les amateurs de fourrure ou de trophées animaux qui manquaient dans la région, y compris au sein du Souffle d'Eolia. Suyvel pensa à son général, Tigrrr, et à son éternel casque félin. Ou mieux encore, à un certain nécromant Aéride.

 

Siiix et sa peau de toutou vissée sur le crâne !

 

L'image la fit sourire sous sa capuche. Ce fut à cet instant qu'elle remarqua le blason sur l'armure.

 

Les armes de l'Alliance !

 

Alors le guerrier faisait partie de cette grande faction amie ?

 

Pourtant, je ne l'ai jamais vu...

 

Ce n'était pas impossible pour autant. L'Alliance comptait beaucoup de membres, et elle était encore loin de les connaître tous.

 

Hé bien voici une occasion d'y remédier, même partiellement.

 

Elle s'avança donc droit vers l'homme, jusqu'à ce qu'il lève les yeux dans sa direction. Alors elle s'immobilisa et leva la main en un salut amical.

 

« Je vous souhaite le bonjour, messire. »

 

Elle lui laissa un instant avant de se présenter :

« Suyvel Ayflesh, magicienne d'Aéris et membre du Souffle d'Eolia. Toujours ravie de rencontrer un de nos alliés. »

 

Tout en disant cela, elle tenait entre deux doigts la broche qui fermait son manteau "“ marquée du blason de sa faction.

 

« Je ne crois pas que nous ayons déjà eu le plaisir de nous croiser. Puis-je vous être d'une aide quelconque ? »

 

Prise d'un doute, elle jeta un regard de part et d'autre.

 

« Mais peut-être attendez-vous quelqu'un... ? »

[Darkfox]

L'humidité des lieux commençait à lui attaquer sévèrement le moral. Rien ici ne semblait enclin à redonner le sourire et encore moins par tant de pluie...

C'est à croire que les goûtes ne s'arrêtaient de pleuvoir que pour laisser place au brouillard.

 

Pluie, brouillard, pluie, brouillard, pluie, grêle, brouillard, pluie... Tout cela était d'une monotonie à en mourir d'ennui.

Le guerrier attendait de voir si un jour le soleil sortirait de derrière ces épais nuages, pour venir sécher sa fourrure et réchauffer son corps.

 

Mais le soleil ne vint pas, cependant il fut remplacé par la venue d'une magicienne. Le guerrier avait fini par croire que les marais avait été abandonné par tout être vivant et qu'il était voué à moisir sous ce saule jusqu'à en mourir, mais cette venu impromptue le fit mentir.

 

Une magicienne donc, et membre du Souffle d'Eolia en plus. Voila qui devenait intéressant, il avait fut un temps fait parti de cette grande famille de pacifiste, mais sa soif de combat et de justice l'avait mené au sein de l'Alliance. Néanmoins il n'avait jamais oublié son passage là bas, et estimait énormément ses sympathisants. Plus que tous il avait su se lier d'amitié avec le Tigrrr et le considérait comme son frère d'arme.

 

"Suyvel Ayflesh"

 

Voila un nom qui ne lui disait rien. Guère surprenant, après tant d'années d'absence il ne fallait pas s'attendre à ce que le temps se mette en pause. Et la magicienne ne semblait d'ailleurs pas vouloir le perdre, son temps, puisqu'elle enchaîna rapidement :

 

« Je ne crois pas que nous ayons déjà eu le plaisir de nous croiser. Puis-je vous être d'une aide quelconque ? Mais peut-être attendez-vous quelqu'un... ? » 

 

- Si j'attends quelqu'un ? Et bien il semblerait que ce soit vous, ces terres me sont devenues étrangères tout comme ses habitants, alors je peux toujours remercier les dieux de ne pas m'avoir envoyer une de ses brutes sanguinaires qui tuent par plaisir d'étaler sang et boyaux à même le sol. 

 

Mais laissez moi me présenter. Je suis Darkfox ! Mes épées sont au service de l'Alliance comme vous avez pu le remarquer mais en tant que fidèle alliée elles le sont aussi au votre. Si vous ne m'avez jamais vu c'est tout simplement parce que le sommeil à engourdi mes sens et que j'ai passé les trois dernières années de ma vie à me prendre pour un renard et à hiberner pour rattraper le temps perdu. 

 

Le guerrier commençait à se demander si ce sommeil censé être réparateur ne lui avait pas causé quelques maux au cerveau...

 

- Sauriez vous où je pourrai trouver un peu de chaleur ? La pluie me glace les os, et je ne souhaite pas retourner tout de suite dans ma demeure, les histoires de guerres et tous ces récits divins m'embrument le cerveau ...

Modifié (le) 2 févier 2014 par Darkfox

[Suyvel]

La magicienne écoutait le guerrier se présenter.

 

« ...j'ai passé les trois dernières années de ma vie à me prendre pour un renard et à hiberner... »

 

Cette phrase en particulier retint son attention.

 

Trois ans... ? Mais comment est-ce possible ?

 

Elle modéra son étonnement. En tant que magicienne et hermésiste, elle était bien placée pour savoir que ce n'étaient pas les moyens qui manquaient pour piquer un petit roupillon quatre étoiles. Quant aux raisons qui avaient poussé le guerrier à si long sommeil, hé bien... cela le regardait. Si jamais il voulait s'en ouvrir à elle, il le ferait de lui-même. Et dans le cas contraire, elle n'en prendrait pas ombrage. Ils étaient de parfaits inconnus l'un pour l'autre, elle n'irait pas lui reprocher de ne pas se confier à elle. Cela n'aurait guère de sens...

 

Alors qu'elle l'écoutait, son regard allait et venait, papillonnant distraitement, semblant ne rien fixer de précis... puis se figea d'un coup. Et se durcit.

 

Le guerrier n'avait pas fini sa présentation que l'elfe noire passa à l'action.

 

Sa main droite jaillit de sous son manteau, et l'éclat froid de l'acier y brilla fugacement. Suyvel brandissait son katar, une lame courte mais large et meurtrière dans les mains de qui savait l'utiliser. Elle frappa droit devant elle, en direction de Darkfox, avec toute la vivacité propre à sa race. Ce dernier, surpris et probablement encore ankylosé par son long sommeil, ne put réagir à temps. La lame du katar s'enfonça dans la gorge, tranchant les muscles et répandant un flot de sang.

 

La vie le quitta promptement. Tout ce que sa gorge ouverte laissa entendre, ce fut un râle d'agonie, qui tenait davantage du gargouillis.

 

Médusé, Darkfox fixait Suyvel du regard. Contrairement à ce qu'il avait cru un instant, elle ne l'avait pas frappé. Elle s'était engouffrée sur son flanc gauche et avait foudroyé d'un coup le gobelin qui, profitant de son inattention, s'était subrepticement glissé derrière lui.

 

L'elfe noire essuya sa lame dans des hautes herbes du marais et la fit disparaître sous sa cape.

 

« Maudite engeance ! » gronda-t-elle.

 

Puis elle songea que le guerrier, au vu de sa longue inactivité, ne devait guère être informé de ce qui se produisait désormais couramment dans la région. Elle commenta donc brièvement l'incident :

« Rebom a levé de vastes armées de peaux-vertes. Les orques ont tenté de prendre ces terres par le sud. Ils ont été repoussés mais pas chassés... Ils ont établi un campement fortifié. Les gobelins servent d'éclaireurs et d'espions. Et avec le temps, ils s'enhardissent. Même ici, au marais, nul n'est à l'abri d'une embuscade... »

 

Revenu de sa surprise, le guerrier finit de se présenter et lui posa une question à laquelle elle ne s'attendait pas.

« Sauriez-vous où je pourrais trouver un peu de chaleur ? »

 

Suyvel prit quelques instants pour y songer.

« A vrai dire, ce ne sont pas les endroits ensoleillés qui manquent dans la région... je dirais que tout dépend de la distance que vous vous sentez prêt à parcourir ! Ce qui est sûr, c'est que, pour trouver le soleil, il nous faudra quitter le marais et nous diriger vers Melrath Zorac... Il y a bien le désert au nord de la ville : il y fait beau et sec la plupart du temps. Sinon, nous pouvons aussi partir vers des régions nouvellement explorées qui ne doivent pas vous être familières. Les ruines de Til'Ra, par exemple. Il faut franchir les catacombes de la ville mais ça peut valoir le coup. Plus loin, au sud, s'étend Irliscia avec ses plages ensoleillées. Si le péril des orques ne vous rebute pas, bien sûr... Et pour finir, nous pourrions trouver un bateau au port d'Irlisica qui nous ferait traverser la mer jusqu'à l'île d'Eewa. Un petit paradis que la guerre a pour l'heure épargné, même si la faune locale n'est pas sans danger... »

 

La magicienne ne s'était pas attendue à ce que cette sortie puisse l'emmener si loin mais, après tout, une petite expédition à l'improviste n'était pas pour lui déplaire. Elle laissa le guerrier songer à tout ce qu'elle venait de lui proposer, puis ajouta :

« Ou alors, plus prosaïquement, si la chaleur d'un bon feu était de nature à vous contenter, nous pourrions marcher jusqu'au village du marais. Contre quelque monnaie, l'auberge nous fournirait un âtre accueillant et nous y trouverions bonne chère et boissons chaudes. »

 

Suyvel dévisageait Darkfox avec curiosité, se demandant quelle préférence il allait exprimer...