Régence: un candidat fou des messes

[Suyvel]

La nouvelle faisait du bruit dans toute la région. Elle ne mit pas longtemps à atteindre les oreilles pointues d'une certaine elfe noire, qui eut du mal à les croire: Elessar Din se présentait aux élections pour le poste de régent!

 

Mieux vaut entendre ça que d'être sourd.

 

Au premier abord, Suyvel avait cru à une plaisanterie. Une bonne blague. Enfin, plutôt de mauvais goût, la blague. Mais elle avait rapidement eu confirmation de la véracité de la nouvelle par de multiples sources. Alors elle avait dû faire face à l'énormité de la chose.

 

Le culot de ce type!

 

Maintenant, la magicienne tournait en rond, hésitant sur la marche à suivre. L'ignorer? Sans doute la voie la plus sage. Mais c'était aussi lui laisser le champ libre. Et il ne fallait pas ignorer la popularité croissante du culte de Niue.

 

Il ne manquerait plus que cet énergumène soit élu démocratiquement!

 

Cela semblait peu probable. Impossible, même, il y a encore peu de temps... mais plus maintenant. Le doute était permis.

 

Bah... si vraiment les citoyens de Melrath Zorac sont assez crétins pour prendre comme régent un tel individu, alors ils n'auront que ce qu'ils méritent!

 

Ce qui était probablement vrai, à condition d'admettre que les idiots méritaient un sort sans doute pire que la mort. Et que ceux qui n'auraient pas voté pour lui en subiraient également les conséquences. Car il ne fallait pas se leurrer: l'homme - si on tenait à l'appeler ainsi - n'avait rien d'un enfant de chœur.

 

Ils ne vont tout de même pas voter pour un olibrius qui se fait appeler l'Inquisiteur?!

 

Cela lui paraissait aussi sensé que d'aller taquiner les testicules d'un dragon adulte à la masse d'armes - à peu près. Inquisiteur... le nom était lourd de sens. Suyvel n'imaginait que trop aisément ce à quoi pourrait ressembler le règne d'Elessar Din: les conversions forcées au culte de Niue, les croix et les bûchers érigés pour ceux qui auraient le malheur d'être proclamés hérétiques envers Niue, et les écartèlements en place centrale pour les rebelles à l'autorité du régent. Et lorsqu'il aurait mis la région au pas, Melratth Zorac serait-elle encore en mesure de résister à un nouvel assaut des orques? D'ailleurs, le nouveau régent essaierait-il seulement de résister, ou bien les accueillerait-il les bras ouverts?

 

On pouvait dire ce que l'on voulait des co-régentes actuelles, critiquer leur manque de présence actuelle, il n'en était pas moins que Tapate et Shorion ne prônaient pas l'intolérance et surtout étaient dévouées à la sauvegarde de la région et de ses habitants.

 

Qu'est-ce qui est préférable? Des régentes bienveillantes mais peu présentes? Ou un individu dévoué à sa tâche mais parano et totalement givré?

 

Non, décidément, Suyvel ne pouvait pas se résigner à laisser ceci arriver. Ou tout du moins, si vraiment cela devait se produire, elle voulait pouvoir se dire qu'elle avait tout fait pour l'éviter. Aussi se mit-elle en route pour la ville, avec une idée en tête.

 

Melrath Zorac. Place de la fontaine.

 

Arrivée en ce lieu de passage, Suyvel s'adressa à la faune bigarrée des marchands, aventuriers et autres badauds. Elle avait pris soin de se faire accompagner par quelques élémentaux de l'Air, et les sylphes portèrent ses mots sur les ailes du vent, partout dans les murs de la ville. Ce jour-là, ils furent bien peu, ceux qui ne purent entendre les mots de la magicienne.

 

"Citoyens et aventuriers! Peuple libre de Melrath Zorac! Aujourd'hui, nous faisons face à l'incroyable: un haut dignitaire du culte de Niue se présente devant vous et demande à ce que vous le choisissiez comme régent! Inconcevable. Oui, vraiment inconcevable... car il y a peu encore, une telle déclaration n'aurait valu à son auteur que rires et quolibets - ou au mieux une rafale de tomates pourries!"

 

Une petite pause le temps de laisser l'auditoire réaliser à quel point les choses avaient effectivement changé ici, et en bien peu de temps.

 

"Niue, le chantre de l'apocalypse! Est-ce sa voie que vous désirez suivre? Et son représentant, celui qui se fait appeler l'Inquisiteur! Est-ce à lui que vous souhaitez confier votre avenir? Votre sécurité? Vos enfants? Car n'en doutez pas, s'il venait à être élu, la religion de Niue serait imposée à tous, de gré ou de force!"

 

Grognements de mécontentement dans la foule. Certains en accord avec les propos de la magicienne, d'autres pas. Des voix s'élevèrent de la foule.

 

"... facile de médire sur un candidat..."

 

"... elle croit qu'elle ferait mieux, sans doute..."

 

"... je voterai jamais pour une saleté d'elfe noire..."

 

"... elle essaie juste de trainer le Din dans la boue pour se faire élire."

 

Suyvel avait laissé les contestataires s'exprimer, il était temps de leur couper l'herbe sous le pied. Prenant une bonne inspiration, elle lança une déclaration inattendue:

 

"Sachez bien une chose: je ne suis PAS candidate!"

 

Surprise générale.

 

Sentant que tous attendaient désormais la suite, la magicienne profita de cette attention accrue pour marteler son message:

 

"Je suis générale du Souffle, j'ai déjà bien assez à faire comme cela. Pour autant, vous connaissez ma faction, vous savez qu'elle s'est toujours totalement impliquée dans la défense de cette région. Alors je vous le dis, du fond du cœur: ne placez pas un représentant  du culte de Niue aux commandes de notre destinée. Tous les chefs religieux connus dans l'histoire ont été de véritables fléaux, mais ils passeraient pour de petits saints à côté de l'Inquisiteur de Niue!"

 

Si, dans la foule, certains opinaient, d'autres hésitaient encore, et d'aucuns grognaient leur réprobation envers l'oratrice.

 

"... le Din a dit qu'il ne gouvernerait pas seul..."

 

"... il a dit qu'il s'entourerait de trois personnes qui ne seraient ni de sa faction, ni du culte de Niue..."

 

Suyvel secoua tristement la tête et répondit aux naïfs:

 

"Et lorsqu'il serait élu, croyez-vous qu'il tiendrait un engagement pareil? Et sinon, comment compteriez-vous l'obliger à respecter sa parole? D'ailleurs, il pourrait fort bien la tenir: il lui suffirait de nommer trois hommes de paille, trois marionnettes dansant entre ses mains... et, sous couvert de respectabilité, il régnerait en fait sans partage!"

 

Cette fois, un murmure réprobateur s'éleva de l'assemblée.

 

"L'Histoire nous l'apprend: en temps de troubles, nombreux sont les peuples à s'être fourvoyés en se dotant d'un chef opportuniste, plus intéressé par le pouvoir que par le sort de ses sujets. Ne vous laissez pas berner par l'Inquisiteur! Sachez voir le loup sous le masque de l'agneau! Le fanatisme sous les habits du devoir! L'intolérance derrière la façade de droiture!

Tous, nous avons souffert des évènements récents, et l'avenir n'est certainement pas exempt de menaces... mais la pire est celle qui vient de l'intérieur! Braves gens, citoyens de Melrath Zorac! Trouvez-vous un régent dans vos rangs, un homme ou une femme connu de tous et depuis longtemps, une personne dont la loyauté et le dévouement équivaudront à ceux de nos régentes actuelles! Nos bien-aimées Tapate et Shorion!"

 

Des applaudissements fusèrent à l'évocation des deux noms illustres. Les régentes, même peu présentes, avaient toujours la faveur de la populace. Suyvel avait volontairement terminé son discours sur cette note positive, et elle espérait que l''enthousiasme suscité secouerait un peu l'inertie ambiante et galvaniserait les citoyens de Melrath Zorac.

 

Si seulement un candidat valable pouvait se présenter... un candidat que je puisse soutenir sans réserve...

 

Alors il serait bien plus aisé de se prémunir contre l'ascension du Din. Mais dans le cas contraire, si le pire survenait, si l'Inquisiteur venait à être élu... que pourrait-elle bien faire pour sauver la population? D'ailleurs, serait-elle seulement légitime pour agir?

 

Machinalement, elle tira son katar de sa manche, et s'abîma dans la contemplation de la lame, comme si elle espérait y trouver une réponse.

 

Mais l'acier, inerte, se contentait de lui adresser son regard à l'éclat froid.

 

[Noeleroi]

Ho là là! On disait du mal de Tré! Je m'apprêtais à dire quelque chose comme "nan, il est gentil tout plein!", puis une idée me vint. Vu que j'étais candidat... J'allais en profiter pour montrer que je savais être serre-yeux. Même si c'était dur. Même si c'était renié tout ce que j'étais, tout ce en quoi je croyais. Et bien voilà! je devenais sérieux! Je disais des trucs tout pas chouettes et qui font classe!

Hum... chassez le naturel...

 

<<  - Bonjour, Suyvel! Vu que ce n'est pas pour te faire élire que tu prends la parole , mais plutôt pour présenter ton avis, je me permets de répondre.

Il est vrai qu'il est difficile de croire qu'Elessar va tenter de redresser la situation sans passer par la case "destruction"; c'est ce que sa religion prône. Néanmoins, c'est bien pour cela qu'il a proposé de régner avec trois égaux.

 

Si j'ai vu le Dîn tuer, si je l'ai vu avoir recours à des solutions... radicales, jamais je ne l'ai entendu mentir. De ce fait, je suis sûr qu'il tiendra sa promesse... et, au pire, il acceptera sûrement de signer un contrat stipulant que la régence et le pouvoir qui va avec ne lui reviendra qu'en même temps des trois "accompagnateurs".

Quant à la crainte qu'ils soient des pantins, elle peut facilement être évitée: un autre contrat stipulerait que le autres candidats (par exemple) aient droit de veto sur les personnes choisies pas Elessar. (50% doivent s'y opposer, par exemple).

 

 

Chaque élection comporte le risque de faire le mauvais choix, et celle-ci ne déroge pas à la règle.

Mais un loup ne serait-il pas plus à même de tenir cette lourde fonction et de faire régner la justice qu'un agneau?

Ce fanatisme n'est-il pas une force implacable, capable de surmonter les plus ardus des obstacles auxquels est constamment confronté un régent?

Le Dîn est-il vraiment plus intolérant qu'un autre? N'est-ce pas une preuve flagrante d'intolérance que de s'opposer en place publique à l'élection d'un candidat sous prétexte que ses idées et sa philosophie sont différentes des mœurs actuels? (Mais n'y voit pas d'insulte: c'est compréhensible, vos idéologies sont radicalement différentes)

 

Mais il est vrai qu'une telle volonté doit parfois être freinée...

D'où la proposition des trois autres régents.

S'il est finalement élu, pourquoi ne pas te proposer, Suyvel? Ou proposer quelqu'un de ta faction.>>

 

Et je finis ainsi mon discours, sous les yeux ronds comme des billes des badaud qui ne s'attendaient pas à une telle tirade de ma bouche...

 

Ou étais-ce parce que, étant candidat et donc concurrent de Tré, je venais de me tirer une balle dans le pied? °o°

Modifié (le) 24 mai 2014 par noeleFNous