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Terre des Éléments

Sur les traces du peuple de Sirath : Histoire d'un aller-retour


Kiwae
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[HRP: Avant de commencer à lire ce RP je vous conseille d'aller voir l'histoire du peuple de Sirath (https://terre-des-elements.jimdofree.com/histoire/peuple-de-sirath/) pour avoir quelques informations dessus car je vais m'appuyer des textes pour le RP de même vous pouvez regarder les différentes mappemondes (https://terre-des-elements.jimdofree.com/g%C3%A9ographie/cartes-du-monde-connu/) pour vous situer tout au long du périple. Le RP commence en +111AC donc il y a un peu plus de 2 ans pour couvrir mon absence du jeu en quelques sortes à ce moment là. Le RP aura plusieurs allusions à des sujets sensibles (traumatisme, attaque de panique, auto-mutilation) je ne sais pas encore à quel point certains de ces sujets seront décrits mais je préfère vous prévenir. Merci beaucoup à Tigrrr qui m'aide en répondant à toutes les questions que je pose sur les Sirathiens.]

 

Sur les traces du peuple de Sirath : Histoire d'un aller-retour

 

 

Introduction :

 

Période Uniqua, le 15 [+111 AC], heure solaire 26h :30min

 

Du mélèze brûlé. Une odeur au départ douce et rassurante devenue suffocante me poursuivant même dans les tréfonds de mon inconscience. Cette odeur comme signe prémonitoire de son arrivée.

 

J'étais en train de rajouter des bûches de mélèzes dans la cheminée pour alimenter le feu quand j'entendis des bruits de pas dans mon dos. Me retournant j’aperçus ma mère se rapprocher et s’asseoir dans un siège. Elle me dévisageait, impassible. Je lui adressai un sourire serein.

 

« Je veux que tu partes d'ici. », m'adressa-t-elle d'un ton détaché tout en détournant son regard en prononçant ses mots.

 

Mon sourire s'effaça et mes sourcils se froncèrent.

 

« Quoi ? Je ne comprends pas… », lui répondis-je confuse.

 

« Tu partiras demain. Je ne veux plus de toi ici. »

 

La réplique fusa comme l'une de mes flèches atteignant sa cible en plein cœur.

 

« Pourquoi ? Je viens à peine de vous retrouver ce n'est pas pour partir au bout d'une semaine. Je pensais qu'on commençait à renouer des liens. Qu'on pourrait redevenir une famille.

- Tu ne fais pas partie de la famille. Ta place n'est pas ici. »

 

Chacune de ses paroles était une nouvelle flèche s'enfonçant dans une plaie déjà ouverte. Une colère froide m'envahit, un sentiment avec lequel j'étais très familière. Trop familière.

 

« Je suis revenue justement pour faire partie de cette famille. Je sais que tu as refait ta vie, que tu a dis à ton nouveau mari que j'étais une enfant difficile et que soit disant ça avait été dur pour toi… »

 

Je me levai pour m'approcher de ma mère.

 

« Qu'est-ce que tu vas faire maintenant ? M’emmener à un temple d'Eolia comme quand j'étais gamine ? J'espère que tu t'es sentie minable de m'avoir abandonnée. »

 

Ma mère se leva à son tour pour être à la même hauteur que moi.

 

« Ne prétends pas que tu étais une petite fille sans problèmes.

- Et toi, une mère aimante… Ou une épouse. »

 

A ces mots, ma mère m'attrapa la mâchoire. Sa main me tenant le visage d'une poigne ferme.

 

« Je ne veux pas de ta noirceur dans cette maison. »

 

Je me dégageai de son emprise la dévisageant tout du long. Laissant un long soupir, je me décidai à la confronter.

 

« C'est toi, la noirceur… Depuis toujours. »

 

Je reculai dans la pièce pour être hors de son atteinte.

 

« Tu m'as rejeté parce que je te voyais telle que tu es. », lui dis-je avec férocité.

 

Elle continuait de me fixer de son regard froid, les sourcils levés. Elle paraissait tout d'un coup très intéressée par ce que j'affirmais.

 

« C'est à dire ?

- Comme moi. »

 

Le sourire en coin, elle pouffa de rire. J'étais prise au dépourvu par sa réaction. Je sentais les larmes me monter aux yeux, je n'arrivais pas à contrôler les réactions physiques de mon corps face à ma mère. Je serrais les poings si fort que je sentais mes ongles s'enfoncer dans mes paumes.

 

« Ce n'est pas marrant. »

 

M'ignorant, elle roula des yeux.

 

« Tu es mauvaise depuis le début. Tu étais exécrable avec ton frère et moi et ton père ne le voyait pas.

- Arrête. Tu inventes des conneries pour te donner bonne conscience ? Il m'a poussé à bout jusqu'à avoir envie de le tuer et toi tu étais jalouse que papa me défende.

- Tu as foutu m'a vie en l'air… Tu m'as tout pris. Tu me l'a pris. Tu le contrôlais… Il aurait fait n'importe quoi pour toi à cause de ta noirceur… Cette noirceur ! »

 

Ma mère c'était rapprochée de moi au fur et à mesure de sa tirade et à ces derniers mots, elle me frappa au niveau du torse. Elle battaient ses mains comme pour chasser cette soit disant noirceur de mon corps puis elle retourna s’asseoir comme si rien ne s'était passé.

 

« Ton père pensait que tu t'en prendrais à nous. A moi. »

 

Toutes ses paroles sur mon père me mirent le doute. Cela me déstabilisa encore plus, tout mon corps tremblait. Ma respiration s’accéléra, mes yeux s'embuèrent de nouveau. Je pris une grande inspiration avant de me lancer une dernière fois. Car oui, je sentais que je me rapprochais de la ligne. Cette ligne qui allait me faire passer à l'acte.

 

« Ça ne me gène pas que tu m'aies abandonné. Que tu soies jamais revenue me chercher. Ce qui me gène… C'est que tu nies qui tu es… », lui dis-je tout en me rapprochant d'elle, la gorge nouée sous le coup de l'émotion.

 

Une seule larme s'échappa de mon œil pour couler le long de ma joue droite alors que je m’agenouillai devant elle comme pour la supplier.

 

« …Que je suis la fille de ma mère. »

 

Elle pencha imperceptiblement sa tête vers moi, les yeux brillant de larmes qui ne couleront jamais. Elle me regarda dans les yeux au moment d'assener le dernier coup.

 

« Sors de ma maison. »

 

Un long silence s'en suivit. Je baissai les yeux et commençai à hyperventiler. J'ouvrai la bouche pour dire quelque chose mais je n'y arrivais pas.

 

« Pfiou. »

 

Je fermai alors les yeux, inspirant lentement. J'ouvris mes yeux au moment de l'expiration et la dévisagea.

 

« Je n'aurais jamais dû revenir. Je pensais être capable de le faire. J'ai passé tellement d'années à essayer de comprendre pourquoi j'étais comme je suis. Tout ce mal être. D'où ça venait. Mais au final, j'ai juste accepté que ça fait partie de moi. Et toi… Tu as entretenu ce mal être en sachant pertinemment qu'un jours quelque chose de mal arriverai. Tu es aussi coupable que moi. Je...Je crois »

 

Je pris une dernière inspiration mon regard vide de toutes émotions.

 

« Fff, je crois que je dois te tuer… Maman. »

 

Elle me regardait. Elle ne faisait que me regarder. Son visage ne trahissant aucune émotions. Elle attendait.

 

Soudain je me retrouvai à l'extérieur de la maison. Enfin ce qu'il en restait. La chaleur de l'énorme brasier était rassurante mais l'odeur forte de mélèze brûlé suffoquait mes poumons. Mes mains étaient moites non pas de sueur mais de sang. Beaucoup de sang. Je pouvais même sentir les gouttes des éclaboussures sur mon visage. Tout était flou autour de moi et j'avais l'impression de ne plus être consciente de ce qui m'entourait.

 

Puis un cri. Un cri déchirant. De rage, de tristesse. De tout

 

Mon corps s'effondra, mes genoux frappant le sol sous l'effet de mon propre poids. Je me voyais comme si mon esprit était séparé de mon corps. Mon corps agenouillé sur le sol, mon visage tourné vers le ciel étoilé et déformé par ce cri… Ce cri que je n'entendais pas mais qui résonnait en moi.

 

Soudain, je sentis une source de chaleur sur mon épaule. Douce, réconfortante. Ce contact fut comme un choc électrique, d'un spasme mon esprit retourna dans mon corps.

 

« Aaaaahhhhh… », la fin du cri fut coupé par le retour de ma conscience.

 

Cette source de chaleur sur mon épaule droite se transforma en une main qui me serrait l'épaule. Je réagis par réflexe en attrapant cette présence inconnue qui se tenait derrière moi au niveau de son poignet avec ma main gauche. Puis je me mis à tirer pour amener le bras en avant de mon buste. Sentant un corps contre mon dos, je poussai alors sur mes jambes pour me relever tout en m'aidant de mon bras droit pour faire basculer le corps par dessus mon épaule.

 

Le choc fut rude et j'entendis le corps exhaler sous moi. Sans m'en rendre compte, je m'étais assise sur les hanches de l'inconnu et ma main avait trouvé son cou sans pour autant le serrer. Le contact était chaud. Très chaud. Comme si le corps en-dessous de moi brûlait de l'intérieur. Inconsciemment mon pouce caressa la longueur du cou de l'inconnu au niveau de sa carotide sentant son pouls extrêmement lent.

 

Ma vision revenait doucement, l'état secondaire dans lequel je me trouvais plus tôt se dissipant. Étant à terre, la capuche que portait l'inconnu ne lui couvrait plus la tête révélant un visage féminin. Les traits émaciés mais délicats étaient accentués par des craquellements, présents aussi le long de son cou, laissant apparaître ce qui faisait penser à de la lave circulant sous la peau qui contrastait avec son teint gris comme la cendre. De longs cheveux noir de jais encadraient son fin visage, ils semblaient frémir et onduler comme une flamme en mouvement. J'avais presque envie d'enfoncer mes doigts dans sa chevelure pour sentir le frémissement.

 

Malgré ses oreilles pointues j'étais sûre qu'il ne s'agissait pas d'une elfe sombre. Côtoyant Suyvel Ayflesh et ayant eu affaire à d'autres elfes sombres au cours des dernières années, cette inconnue était une toute autre créature, presque démoniaque.

 

Lorsque que mes yeux croisèrent enfin son regard je ne pus détourner mes yeux tant j'étais hypnotisée par leur flamboiement. Ses yeux de la couleur de la lave me fixaient intensément et inconsciemment mon corps se pencha sur son buste au point que mon visage se retrouva à quelques centimètres du sien. Je pouvais sentir une légère odeur de soufre provenant de l'inconnue.

 

Soudain je fus surprise par une voix qui résonna dans ma tête, comme un crépitement dans une langue archaïque que je ne comprenais pas. Toujours penchée au-dessus de l'inconnue, je me redressai, confuse.

 

« Je… Je ne comprends pas, désolé. »

 

Son regard lourd me fixa et semblait chatoyer plus fortement. Sa voix résonna de nouveau, le crépitement des mots plus prononcés.

 

« Je suis désolé mais je ne parle pas votre langue », lui dis-je.

 

La main de l'inconnue remonta vers sa poitrine et se désigna de l'index.

 

« Iltiah. », dit-elle d'une voix douce.

 

Ce nom. Ce nom me disait quelque chose. Je n'ai jamais rencontré une personne ayant ce nom mais je suis certaine de l'avoir entendu dans des conversations ou peut-être écrit dans des livres d'histoires. Faisant de même, je posai ma main droite au-dessus de ma poitrine.

 

« Kiwae.»

 

Les coins de ses lèvres se levèrent légèrement comme pour esquisser un sourire mais se fut si bref que je pouvais tout aussi bien l'avoir imaginé. L'intensité dans son regard diminua, le reflet orangé moins flamboyant. Le frémissement de ses cheveux s'était arrêté. Comme un feu qui commençait à s'éteindre. Puis la voix douce de l'inconnue s'insinua de nouveau dans ma tête.

 

« A une prochaine nuit peut-être ? »

 

J’eus à peine le temps de prendre conscience que ses dernières paroles étaient dans la langue commune qu'Iltiah me repoussa violemment me faisant basculer en arrière et la dernière vision que j'eus d'elle fut son sourire en coin et une lueur d'amusement dans ses yeux probablement à la vue de l'expression choqué que je devais afficher.

 

Je me réveillai alors en sursaut, pleine de sueur et haletante. Je posai ma main droite sur mon cœur et le sentis battre la chamade. Je tentai tant bien que mal de le calmer en prenant de grandes inspirations puis en expirant doucement. Je pouvais sentir que ma gorge était irritée comme si le cri dans le rêve avait été réel.

 

Encore une nuit, encore un cauchemar bien que celui-ci avait pris une tournure inattendue.

 

Ce n'était qu'un rêve. Elle est morte… Je l'ai tué.

 

Je me répétai ces phrases dans ma tête pour me rassurer tout en continuant de contrôler ma respiration pour tenter de stopper mon attaque de panique. J'inspirais pendant quelques secondes, je retenais mon souffle avant d'expirer pendant plusieurs secondes, je retenais à nouveau ma respiration avant de reprendre le cycle au début. Mon corps recroquevillé se balançait d'avant en arrière. Je regardais mon avant-bras droit dont la plus récente entaille était encore rougeâtre et commençait à peine à cicatriser. Posant ma main dessus je me mis à tirer sur la peau rouvrant la plaie à certains endroits laissant du sang en sortir.

 

Complètement absorbée parce ce que je m'infligeais, je fus surprise d'entendre quelqu'un toquer à la porte de ma chambre. Sortant du lit, je pris le temps d'essuyer les gouttes de sueur de mon visage pour cacher tout signes pouvant me trahir. J’entrebâillai la porte tout en cachant mon bras droit derrière mon dos. Tigrrr se trouvait à l'entrée l'air inquiet.

 

« Tout va bien Kiwae ? »

- Euh… Oui, très bien.

- Tu es sûre ? Je t'ai entendu crier et j'ai le sommeil lourd pour te dire à quel point ça devait fort. »

 

Je ne répondis pas, ne sachant pas quoi dire pour éviter la question de Tigrrr.

 

Je suis si fatiguée.

 

Ne me voyant pas répondre Tigrrr continua.

 

« Tu sais qu'on s'inquiète pour toi. Depuis que tu es revenue de ton voyage à Suspendia le mois dernier on a remarqué que tu es différente. Tu es complètement renfermée sur toi-même et quand tu es présente c'est comme si ton esprit est ailleurs. Ce n'est pas la première fois qu'on est réveillé par tes cris en plein milieu de la nuit. Qu'est-ce qu'il s'est passé là-bas ? On voudrait t'aider mais si tu ne nous dis pas ce qui ne va pas on ne peut rien faire. Et si tu ne veux pas nous en parler peut-être qu'il y a d'autres personnes à qui tu pourrais te confier. »

 

Les larmes me montaient aux yeux tellement j'étais touchée par les mots de Tigrrr mais aussi par le fait que je n'avais pas réussi à cacher mon mal être aussi bien que je le pensais.

 

« C'est juste des cauchemars Tigrrr, pas besoin de t'inquiéter. », lui dis-je la gorge nouée.

 

Je raclai ma gorge pour essayer de me contenir mais je pouvais voir qu'il n'était pas convaincu. Le silence commençait à s'éterniser entre nous puis Tigrrr sembla concéder, il baissa la tête.

 

« Suyvel a concocté des élixirs de sommeil si jamais tu souhaites dormir plus paisiblement… », dit-il un peu gêné en passant la main sur son cou.

 

« J'essayerai de penser à en prendre les prochaines nuits.

- D'accord, je te laisse alors… J'espère que tu arriveras à te rendormir sans soucis. »

 

Il tendis son bras pour me toucher l’épaule et inconsciemment je me reculai pour éviter son contact. Je pouvais voir à son regard que ma réaction l'avait blessé mais il ne dit rien. Il m'adressa un signe de tête et commença à se retourner, juste avant que Tigrrr ne se retourne complètement je l'interpellai.

 

« Est-ce que le nom d'Iltiah te dis quelque chose ? »

 

Il semblait surpris par ma demande, les sourcils froncés il se tourna de nouveau vers moi.

 

« Hum, à part la princesse Iltiah je ne crois pas connaître d'autres personnes ayant ce nom. »

- La princesse Iltiah ? », lui demandais-je intéressée par cette information.

 

« Elle faisait partie des derniers représentants du peuple de Sirath. »

- Elle est morte ?

- Hum… C'est ce qui ce dit.

- Comment ça ? », soudain très intriguée par les paroles de Tigrrr concernant Iltiah.

 

Le guerrier aéride croisa ses bras sur son buste, le regard perdu dans le vide probablement plongé dans ses souvenirs.

 

« La princesse Iltiah a eu un rôle très important lors de l'invasion massive des orcs à Irliscia en l'an 105. Elle a prévenu et mené les hommes au combat vers les remparts crée par les orcs. Une brèche fut percée et il semblerait qu'elle ait perdu la vie peu après. Son corps n'a pas été retrouvé et beaucoup de rumeurs ont circulé concernant ce qui ce serait passé.

- Et toi, tu en penses quoi ?

- J'en pense que c'était une rôdeuse d’exception et je suis honoré d'avoir pu combattre aux côtés des légendaires démons de Sirath . Qu'elle soit morte ou non ce jours là sur le champ de bataille ne changera pas au fait que nous lui sommes redevable. »

 

Tigrrr me regarda alors curieusement, sa tête penché un peu sur le côté.

 

« Est-ce que ça répond à ta question ?

- Euh… Je crois que oui. Merci pour tes réponses, je devrais essayer de dormir un peu… »

 

Je commençai à retourner dans ma chambre et Tigrrr m'interpella.

 

« Si jamais tu es intéressée par l'histoire de la princesse Iltiah et du peuple de Sirath je suis sûr que tu trouveras des livres d'histoires à leur sujet à la bibliothèque de l'Académie, tu devrais y faire un tour.

- D'accord, je ferai ça. Bonne nuit Tigrrr.

- Bonne nuit Kiwi. »

 

Je ne pus empêcher un sourire aux coins de mes lèvres d'apparaître, je pouvais voir que Tigrrr semblait inquiet pour moi mais essayait de ne pas me brusquer de peur que je me renferme encore plus sur moi-même. Je lui adressai un signe de tête avant de fermer la porte derrière moi puis j'appuyai mon dos contre elle, ma tête se penchant en arrière jusqu'à ce qu'elle touche à son tour la porte. J'attendais d'être sûre que Tigrrr soit reparti avant de me laisser glisser au sol, je pliai mes genoux puis posai ma tête dessus fermant mes yeux et laissant un long soupir.

 

Soit c'était bien la princesse Iltiah qui était dans mon cauchemar soit je commence vraiment à perdre la tête

 

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Chapitre 1 :

 

Période Laboria, le 28 [+111 AC], heure solaire 04h :15min

 

La nuit était paisible sur le marais d'Iss Canak, il ne semblait pas y avoir âmes qui vivent, le moment idéal pour partir. Je vérifiai une dernière fois le contenu de mon sac, je n'avais pas besoin de prendre de provisions étant donné que tout était pris en charge par les itinérants qui accompagnaient l'expédition organisée par des érudits de l'Académie.

 

Cependant je prévoyais bien plus qu'un aller à Sildi Han et pour cela je devais emporter avec moi des choses plus spécifiques comme des vêtements chauds en prévision de la traversée de la chaîne des Kalahs. Le sac comprenait en plus des ustensiles de cuisine, des outres à eau, une sacoche de premiers soins, des torches avec un briquet à amadou. A l'extérieur du sac une corde de chanvre d'une quinzaine de mètres était sanglée sur le côté du sac de même qu'un tapis de couchage attaché en-dessous.

 

Un frisson me parcourut alors que je vérifiais que je n'avais rien oublié et je fus envahi par une odeur. Cette odeur… Du mélèze brûlé… Mon cœur s'accéléra et ma gorge se serra avec le sentiment qu'on m'étranglait tant l'odeur était étouffante. Je fermai mes yeux tentant de refouler le flash de souvenir qui s'insinuait dans ma tête.

 

Tu as foutu m'a vie en l'air. Tu m'as tout pris. Tu me l'a pris. Tu le contrôlais… Il aurait fait n'importe quoi pour toi à cause de ta noirceur… Cette noirceur !

 

Je pouvais encore ressentir la force de ses mains me frapper.

 

Je veux que tu sortes de ma maison...Tu n'as pas ta place ici.

 

Pfiou…Je...Je crois...Fff, je crois que je dois te tuer… Maman.

 

Ma main gauche se posa sur mon avant-bras droit et le brassard de cuir avec la plaque de laiton gravé qui le couvrait puis je me mis à le serrer fort avec ma main gauche. Je pouvais sentir la pression exercée sur ma peau et des picotements sur les entailles qui se trouvaient le long de mes veines. Si je l'avais voulu j'aurais pu faire disparaître toutes traces de ces scarifications avec un simple soin mineur mais les voix dans ma tête devenaient difficiles à ignorer depuis quelques temps et le fait de voir ces cicatrices était un moyen de me raccrocher à la réalité.

 

Ayant pris l'habitude soit de rester éveillée jusqu'à épuisement soit de prendre un élixir de sommeil pour être sûre de dormir sans perturbations – sauf pour les régulières crises de panique dont je n'arrivais pas encore à me débarrasser – les cauchemars s'étaient alors insinués dans mon quotidien. Des flashs de souvenirs venaient me hanter de plus en plus souvent pendant la journée.

 

Je continuai de serrer jusqu'à sentir la circulation de mon sang diminuer, une rougeur commençait à apparaître au niveau de ma main. J'inspirai profondément pour essayer de calmer mon cœur qui battait la chamade et me vider la tête.

 

« Tu croyais vraiment partir sans me dire au revoir ? »

 

Je relâchai la prise que j'avais sur mon bras avant de me retourner en direction de mon Général avec un sourire aux lèvres malgré le tourment qui m'avait envahi quelques instants plus tôt.

 

« Mince, moi qui pensais filer en douce », répondis-je à Tigrrr d'un ton amusé.

 

Tigrrr rigola doucement tout en s'approchant de moi.

 

« Je t'apporte ce que tu m'as demandé de te fabriquer. Ysabeau et moi y avons mis tout notre cœur et on est pas peu fier du résultat. Suyvel a aussi concocté quelques élixirs de sommeil pour te soulager si jamais les cauchemars reviennent. »

 

Il me tendit alors une paire de crampons et deux piolets tout droit sorti de la forge, je ne pouvais qu’admirer le temps travail qui avait dû être passé à forger ces objets tant la qualité des finissions semblait irréprochable. Les piolets étaient parfaitement équilibrés et étaient beaucoup plus léger qu'il n'y paraissait. Je les manipulai puis jonglai avec sans les changer de main pour tester la prise en main. Satisfaite, je les accrochai au sac sur le côté opposé à la corde. Puis avant de ranger les crampons je les essayai pour vérifier que la taille par rapport à mes chausses était la bonne et que les sangles avaient la longueur adéquate. Non pas que je doutais du travail des forgerons mais c'était une manière de me rassurer. Ce n'est pas au moment de gravir un col enneigé des Kalahs qu'il fallait avoir des doutes sur ce genre d'équipements. Une fois les crampons et les élixirs rangés, je me tournai vers Tigrrr.

 

« Merci pour tout, c'est parfait ! Tu remercieras Ysabeau et Suyvel de ma part. Même si j'ai tendance à ne pas le montrer ça me touche beaucoup le soutien que vous m'avez apporté et que vous continuez de m'apporter. »

 

Le guerrier Aéride posa sa main sur mon épaule et mon corps se raidit quelques instants avant de se relaxer de nouveau. Je voyais qu'il faisait semblant de ne pas avoir senti mes muscles se contracter sous sa main mais il ne dis rien, soulager de voir que je n'évitais plus son contact après plus de trois mois à faire attention de ne pas faire des gestes qui auraient pu me contrarier. Son regard perçant me dévisagea pendant de longue secondes comme si il pouvait lire les tourments qui m'habitaient. D'un signe de tête résolu, il retira sa main de mon épaule non sans donner une tape sur mon bras. Tigrrr était ce qui se rapprochait le plus d'une figure paternel même si le sujet n'avait jamais été abordé il y avait un respect mutuel et ce qui était au début une relation plus de mentorat au fil des années s'était développé en relation filial.

 

« Et dire que tout est partie d'une conversation en plein milieu de la nuit à propos d'Iltiah et maintenant tu vas partir à l'aventure pour retracer le périple des Sirathiens jusqu'à Leiden… J'espère que tu trouveras les réponses aux questions qui occupent ton esprit et que tu reviendras de ce voyage en paix avec toi-même. »

 

Le ton solennelle de Tigrrr était déstabilisant, une certaine tension était présente et je pouvais le voir serrer les dents. Il se doutait que ce voyage était aussi une fuite, que je ne pouvais pas rester ici avec mes démons qui me tournaient autour. Il fallait que je parte et les mystérieuses apparitions d'Iltiah dans mes cauchemars –  bien que la dernière fois ait mal tourné –  m'ont poussé à chercher la raison de sa présence dans mon inconscient alors que je ne savais même pas qui elle était et pour cela je m'étais décidée à retourner au début de son histoire, à Sildi Han.

 

« Ne t'inquiètes pas je sens qu'Ysabeau serait bien capable de me ramener par la peau des fesses si je ne suis pas revenue d'ici l'année prochaine. »

 

La tension s’apaisa dès que Tigrrr se mit à rigoler.

 

« La connaissant c'est tout à fait possible ! Je ne te retiens pas plus longtemps, ce serait mal venu pour toi d'être en retard pour le départ de l'expédition vu ton statut de Lieutenante de l'Alliance et ton rôle de soutien à la Garde.

- Je crois que tu en fais un peu trop Tigrrr… L'essentiel c'est que j'ai réussi à convaincre le chef de l'expédition de mon utilité peu importe ma position au sein de la caravane. Sachant qu'ils n'y vont qu'une fois par an pour continuer leurs travaux de recherches c'est l’opportunité parfaite pour me rendre à Sildi Han avec des érudits de l'Académie. Et puis si je peux apporter un peu de finesse au milieu de ces brutes de la Garde de Melrath Zorac que demander de mieux ! »

 

Prenant mon carquois et mon sac par leurs lanières je les passai autour de mes épaules puis me tournai vers Tigrrr.

 

« Ne fais pas de bêtises en mon absence ! »

 

Le guerrier Aéride secoua sa tête d'un air amusé et tendit son bras droit, j’attrapais son avant bras et le serrais puis de son autre main Tigrrr m'attira à lui pour me serrer dans ses bras. Mes yeux se fermèrent un instant, savourant sa présence rassurante ne sachant pas quand je le reverrai, avant de me dégager de son étreinte. Avec signe de tête décidé je partis en direction de l'entrée attrapant mon fidèle arc au passage et d'un pas vif et léger je franchis la porte de la forteresse en direction de Melrath Zorac.

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Chapitre 2 :

 

Alors que le chant des oiseaux m'avait accompagné pendant une partie du trajet jusqu'à Melrath Zorac, à l’approche de la ville je commençais à distinguer un changement de coloration dans le ciel signalant le début de l'heure dorée. Je me dirigeai vers la porte d'entrée Ouest qui fourmillait d'activité, une vingtaine de chariots étaient présents et des hommes se dépêchaient de charger diverses cargaisons que ce soit des provisions ou de lourdes caisses estampillées du blason de l'Académie, certaines plus sensible que d'autres étaient sanglées et bâchées puis un maître charretier venait vérifier l'attelage des bœufs.

 

Plus en retrait un petit groupe de soldats s'affairait à seller des chevaux venant probablement des écuries aux sud de Melrath Zorac tandis que d'autres surveillaient les alentours de la caravane,  je pouvais en compter une vingtaine.

 

Cette expédition est sous haute surveillance.

 

Je m'approchai d'un petit attroupement de personnes qui s'était formé autour d'un homme à la peau d'ébène qui distribuait des directives au groupe d'itinérants. Au moment où j'arrivai à leur hauteur tout le monde se dispersa pour vaquer à leur tâches. La trépidation qui parcourait le groupe semblait indiquer un départ imminent.

 

Soudain un soldat remarqua ma présence et m'interpella. Le guerrier était aussi grand que moi mais très musclé et son armure d'acier rendait sa carrure encore plus imposante. Ces cheveux étaient coupés à ras et sa barbe courte. Sa main était posé sur le pommeau de son épée attaché à sa ceinture et il me dévisagea avec un air hostile.

 

« Veuillez m'excuser Mademoiselle, si vous n'êtes pas autorisée à être ici je vais devoir vous demander de vous éloigner de ce périmètre. »

 

Je ne pus m'empêcher de rouler des yeux avant de me tourner dans sa direction.

 

« J'ai été engagée par Maître Ektor Strochnis pour me joindre à la Garde pour la durée de l'expédition. »

 

Le guerrier croisa ses bras sur son torse, il semblait dubitatif.

 

« Une jeune fille comme toi pour aider la Garde ?

- Si vous ne me croyez pas, laissez-moi parler au Capitaine de la Garde

- Désolé mais sans autorisation, je ne peux pas vous laisser passer. »

 

Je commençais à m'impatienter lorsque que je vis du coin de l’œil l'homme que j'avais aperçu donné des ordres aux itinérants s'approcher.

 

« Est-ce qu'il y a un problème ici ? », demanda l'homme à la peau d'ébène.

 

« J'expliquais à cette jeune demoiselle qu'elle n'a rien à faire ici, n'est-ce pas ? », répondit le soldat en se tournant vers moi.

 

Je le regardai en levant me sourcils sans rien dire. L'homme qui venait d'arriver se tourna alors vers moi.

 

« Je crois qu'on ne s'est pas présenté, Norlak Tan'Dar, Chef de la caravane d'itinérants. »

 

De près je pouvais voir ses yeux d'un bleu clair, ses cheveux tressés étaient regroupés en un chignon à l'arrière de sa tête. Il me tendit sa main et je lui répondis tout en la serrant.

 

« Ravie de vous rencontrer, je suis ici en mission spéciale. Je serais rattachée à la Garde melrathienne au service des Académiciens et je resterai pour la durée de l'expédition avant de continuer mon périple seule. »

 

Le maître caravanier me sourit et claqua ses doigts comme si il venait juste de se rappeler de quelque chose.

 

« Ah oui ! Maître Strochnis m'en a touché deux mots. Ton aide sera très appréciée pendant le trajet jusqu'à Sildi Han. On ne peut jamais être trop prudent avec les hordes d'Orcs ou les groupes de brigands qui peuvent rodées aux alentours. Talweg est en train de seller un cheval spécialement pour toi, les chariots sont prêts, on attend plus que Maître Strochnis et sa troupe d'Académiciens pour partir. Je crains qu'il soit en retard… Un comble pour un magicien ! »

 

Norlak Tan'Dar s’esclaffa de la remarque qu'il venait de faire mais fut vite coupé par une voix amusé venant de son dos.

 

« Un magicien n'est jamais en retard, ni en avance d'ailleurs. Il arrive précisément à l'heure prévue. Je vois que vous êtes en charmante compagnie Norlak, ce serait dommage de vous laisser distraire alors que le départ de la caravane est imminent. »

 

« Maître Strochnis ! », s'écria Norlak Tan'Dar en s'adressant à un homme de grande taille ayant ses cheveux gris brossé en arrière et une longue barbe grise, son visage était marqué par des rides.

 

Les deux hommes se regardèrent un sourire au coin de leurs lèvres avant de rigoler.

 

« Vous commencez à me connaître depuis le temps qu'on fait des expéditions ensemble, vous savez que je reste professionnel en toute circonstance. Il s'agit de la demoiselle dont vous m'avez parlé qui aidera la Garde de façon indépendante. », expliqua le Chef de la caravane en me désignant.

 

Maître Stochnis me dévisagea avec beaucoup d’intérêt avant de m'adresser la parole.

 

« La jeune rôdeuse de l'Alliance… Ylunis m'a beaucoup parlé de toi et de ton intérêt pour l'histoire du peuple de Sirath et en particulier la très fascinante princesse Iltiah. Je dois avouer que quand il m'a approché pour plaider votre cause pour rejoindre notre expédition j'ai été un peu dubitatif. Ce n'est pas tous les jours que quelqu'un s'intéresse au travail des archéologues.

- Je suis ravie de pouvoir vous prouver le contraire quant à mon intérêt pour les Sirathiens et comme je l'ai souligné à Ylunis je me tiens à disposition pour vous prêter main forte pour toutes sortes de travaux une fois arrivée à Sildi Han ! »

 

Maître Strochnis me sourit, il semblait satisfait de ma réponse. Le guerrier qui avait assisté à cet échange se racla alors la gorge pour signaler sa présence.

 

« L'affaire étant résolu, je vais rejoindre les autres soldats pour entourer le départ de la caravane. »

 

Norlak Tan'Dar l'arrêta d'un geste avant que le guerrier puisse partir.

 

« Si ça ne vous dérange pas de diriger… », dit-il en se tournant vers moi et s'arrêta avec un air confus.

 

Ne lui ayant pas décliner mon identité, je compris qu'il cherchait à se souvenir de mon nom.

 

« Kiwae Sil Tâ.

- … Diriger Dame Sil Tâ jusqu'à Talweg pour qu'il lui montre sa monture. »

 

Le guerrier opina du chef, salua Norlak Tan'Dar et Maître Ektor Strochnis et commença à se tourner sans regarder si je le suivais. Je pris congé de mes interlocuteurs et rattrapa le soldat. Il ne m'adressa pas la parole pendant qu'il me guidait entre les différents chariots prêts au départ. Une fois à l'arrière de la caravane je vis que de nombreux soldats étaient déjà à cheval, je sentis une main me stopper et le guerrier m'indiqua une jeune garçon, probablement le dénommé Talweg. J'allais commencer à suivre la direction qu'il m'indiquait quand je l'entendis parler d'un ton hésitant.

 

« Je tiens à m'excuser pour mon attitude tout à l'heure mais je me devais de vérifier ton identité. Il y a quelques années de cela un orphelin de Melrath Zorac s'est introduit dans un des chariots, on l'a trouvé cinq jours après notre départ et ce n'était pas envisageable de faire demi-tour ou qu'un soldat le raccompagne à ce stade de l'expédition. Le petit était trop gringalet pour aider sur le chantier archéologique du coup le cuistot l'a pris sous son aile, il est devenu son apprenti et maintenant il est présent à chaque expédition. Malheureusement on peut pas se permettre de faire des exceptions pour tous les gamins qui traînent dans les rues de Melrath Zorac alors on est beaucoup plus nombreux pour surveiller les chariots avant le départ sans compter que certaines caisses contiennent des outils de valeurs… », m'expliqua-t-il tout en passant la main sur sa nuque d'un signe de gêne.

 

« Il n'y a pas de mal, j'ai moi aussi eu une mauvaise attitude envers toi… Merci de m'avoir accompagnée, je suis sûre qu'on aura l'occasion de faire plus ample connaissance pendant le trajet jusqu'à Sildi Han.

- Ça me ferait plaisir ! Je crois que notre Capitaine a déjà donné ses ordres pour les éclaireurs donc si tu as des questions concernant les rondes qui seront faites pour l'avant et l'arrière de la caravane il vaudrait mieux que tu en discutes avec lui, même si techniquement tu n'as pas d'ordres à recevoir de sa part vu que tu ne fais pas partie officiellement de la Garde

- Merci, je tâcherai de me renseigner pour qu'il n'y ait pas de malentendus. Ah et aussi ça m'aiderai de connaître ton identité, au cas où j'ai des problèmes et que je puisse rejeter la faute sur toi… », lui dis-je tout en lui adressant un clin d’œil.

 

Le guerrier rigola puis fit un salut militaire.

 

« Emak Tulan au rapport ! », s'exclama Emak en essayant de garder son sérieux, avant de pouffer de rire et je ne pus m'empêcher de rigoler avec lui.

 

« Finalement je pense qu'on va bien s'entendre. »

 

On se salua et je partis rejoindre Talweg.

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Chapitre 3 :

 

L'aube se levait à peine lorsque la caravane s'ébranla, j'étais juchée sur la jument alezane que Talweg m'avait confié et j'observais la colonne de chariots abritant la trentaine de personnes qui serait sous ma protection durant les trois prochains mois. Après m'être présentée à Julyan Kroft, le Capitaine de la Garde, je pris position en tête du convoi.

 

Parmi les premiers chariots, se trouvait celui de Norlak Tan'Dar. En m’apercevant, il m'interpella :

 

« Ah, voilà notre chère rôdeuse ! J'espère que tout malentendu avec la Garde a été résolu.

– Oui, le problème est réglé. Je peux faire comme bon me semble au sein de la caravane à partir du moment que sa protection n'est pas remise en cause.

– Parfait alors ! Je tiens à te présenter ma femme Aeva qui est l'intendante de la caravane si jamais tu as besoin de quelque chose n'hésite pas à lui demander. », me dit-il en posant affectueusement sa main sur l'épaule de sa femme qui se trouvait à côté de lui.

 

Celle-ci était concentrée sur son livre dans lequel elle écrivait, elle leva la tête pour me regarder. Elle me sourit, le visage rayonnant, ses cheveux bruns étaient tressés en une couronne qui faisait le tour de sa tête et complimentait la forme de son visage. Elle m'adressa un signe de tête avant de retourner à son livre. Mon attention fut attirée par un mouvement juste derrière Norlak et Aeva, une jeune femme d'une vingtaine d'années avait écarté le rideau qui séparait l'espace intérieur du chariot, elle me fit un signe de la main et je la saluai de la même façon.

 

Le Chef caravanier qui avait vu notre échange m'indiqua que c'était sa fille, Mya. Elle accompagnait ses parents à chaque expédition tout en suivant des études d'histoire à l'Académie. Je pris le temps de la dévisager, elle avait le même sourire que sa mère, ses cheveux bruns et ondulés cascadaient le long de ses épaules et son teint hâlé faisait ressortir ses yeux du même bleu que son père. Elle sembla rougir sous mon regard et je détournai alors les yeux pensant l'avoir mise mal à l'aise.

 

Je pris congé du Chef de la caravane pour rejoindre les éclaireurs qui progressaient à quelques centaines de mètres en amont du convoi. Le rôle des éclaireurs était essentiel pour prévenir de tout dangers pouvant affecter la progression de la caravane. Ils évoluaient par binômes, un binôme prenant de l'avance sur le convoi et deux autres binômes qui avançaient en parallèle de la caravane à une cinquantaine de mètres de chaque côté. Ce qui laissait le gros des troupes de la Garde, environ une vingtaine, proches des chariots et prêt à réagir en cas d'attaque.

 

La caravane se dirigeait vers le nord, traversant une partie du désert occidental avant de contourner les ruines de Til'Lunis par l'est. Quelques guerriers longèrent les ruines et en profitèrent pour tuer quelques momies enragées. Devant moi se trouvait le fortin des Sentinelles de Niue dont les membres se faisaient discret ou avait-il tout bonnement disparu ? Le convoi passa à côté du fortin pour rejoindre un chemin accidenté dont la pente montait doucement pour accéder à un plateau qui donnait une vue imprenable sur les ruines. Je pris le temps de les contempler, les ombres des ruines s'allongeaient et se mouvaient tel le sable au fur et à mesure que les soleils se levaient. L'heure dorée rendait la lumière douce et chatoyante, elle sculptait magnifiquement les ruines et les enveloppait dans une ambiance éthérée.

 

Le chemin étroit obligea les chariots à se suivre les uns après les autres ce qui ralentit fortement la progression. Je me mis au niveau des chariots de tête dans le cas où l'un d'eux rencontrerait un problème qui stopperait l'avancée du reste du convoi. En continuant sur ce chemin et après une bonne heure de cheminement, on pouvait apercevoir en contrebas la forteresse des Aliénés. La route dévia un peu en direction du nord, s'enfonçant dans une forêt de conifères.

 

Le chemin reprenait du dénivelé et je décidai de partir en avant du convoi. Étant donné que nous nous trouvions à flanc de falaise il était préférable de prendre de l'avance et partir en reconnaissance, une embuscade à cet endroit pourrait être fatale. La route rocailleuse faisait des lacets, permettant de garder une pente douce et que la traction ne soit pas trop forte pour les bœufs malgré le terrain parfois accidenté.

 

Je passai une bonne partie de la journée à l'avant à faire des allers-retours entre le binôme d'éclaireurs et les chariots de tête pour relayer les informations qu'on me fournissait concernant l'état du chemin et des possibles présences hostiles mais jusque là rien de mauvais augure était annoncé. Lorsque les soleils furent à leur zénith une halte fut annoncée et le chef cuisinier, un dénommé Dassrlor, se mit au travail accompagné de trois jeunes apprentis. L'un des apprentis plus expérimenté, sûrement celui dont m'avait parlé Emak, semblait plus à l'aise que les autres avec le rythme soutenu et l'énergie déployée par leur chef. Après deux heures d'arrêt et le repas terminé, le convoi repris sa route.

 

En début d'après-midi, le chemin bifurqua en direction du sud-ouest et comme nous avions passé une bonne partie de la matinée à prendre de l'altitude nous ne nous étions pas éloignés tant que ça des terres aux alentours de Melrath Zorac que je pouvais encore apercevoir dans les quelques trouées de la forêt.

 

Alors que les soleils descendaient doucement et se rapprochaient l'horizon, Norlak Tan'Dar donna l'ordre au convoi de s'arrêter dans une grande clairière qui se situait entre la route et une falaise. Tout le monde s'affaira pour monter le campement provisoire pour la nuit, certains chariots furent déchargés pour mettre en place des tentes pour la Garde melrathienne tandis que le chef cuisinier et ses apprentis commencèrent à préparer le dîner dès lors que leur chariot fut stoppé. Je pouvais voir Maître Ektor Strochnis en dehors de la clairière créer un dôme magique tout autour du camp pour le protéger. Je pris le temps de décharger mes affaires dans la tente qui avait été gracieusement installée pour moi puis je fis un tour du campement et de ses alentours.

 

La falaise de granit qui surplombait le camp s'élevait sur une cinquantaine de mètres, le début de la paroi était une succession de rochers puis ils laissaient place à une dalle lisse sur une quinzaine de mètres après cette partie je pouvais voir des fissures mais aussi quelques décrochements avec de petites vires et une succession de plaques rocheuses. Je me décidai alors à grimper la paroi rocheuse avec l'espoir qu'arrivée en haut je puisse encore apercevoir Melrath Zorac. Je m'élançai et en quelques secondes m'élevai de plusieurs mètres. Mes gestes étaient assurés, la première portion de la falaise offrant des prises des bonnes tailles. Puis une fois la dalle atteinte, l'escalade devint plus technique et dangereuse, l'équilibre était très important. Il fallait grimper par adhérence, mes pieds en appui sur des rebords infimes, à peine des variations de la texture de la roche. Si je glissais, mes mains ne pouvaient pas me retenir. Concentrée, je marchais sur la paroi, la friction de mes chausses à la roche m'aidant à maintenir mes appuis. Après quelques minutes, j’atteins une vire à l'extrémité de la dalle puis je me dirigeai vers un dièdre où j'avais aperçu une fissure qui courrait juste à la rencontre des deux parois. Une fois le dièdre atteint, après avoir passé les trois derniers mètres collés à la paroi sur de minuscules saillies pour finir en grand écart sur la paroi opposée du dièdre, je pus glisser mes mains dans la fissure qui se trouvait entre les deux parois. Mes pieds n'avaient pas de prises spécifiques, je tirai juste sur mes mains faisant coller mes pieds à la paroi et plus la traction sur mes mains étaient importante plus mes pieds tenaient contre la parois. Je continuai à grimper de cette façon pendant plusieurs minutes qui furent éprouvantes pour mes bras. Enfin, la fissure laissa place à une portion de plaques rocheuses me permettant de progresser plus rapidement jusqu'au sommet.

 

Une fois arrivée après une bonne demi-heure de montée je m'assis sur le rebord de la falaise, me penchant un peu en arrière sur mes mains, mes pieds se balançant dans le vide. Je regardai en direction du sud-est pour voir si je pouvais apercevoir Melrath Zorac. Je suivis du regard le désert jusqu'à ce que mes yeux tombent sur les remparts de la ville qui paraissaient toutes petites à cette distance. Je restai ainsi pendant un bon moment, la luminosité diminuant je pouvais maintenant distinguer les illuminations de Melrath Zorac. Je réalisai que c'était probablement la dernière fois que je verrais la ville avant plusieurs mois et j'eus un petit pincement au cœur.

 

Tu ne sers à rien.

 

Mon corps se raidit à la voix du jeune garçon s'infiltrant dans mon esprit. A choisir je préférais entendre cette voix plutôt que celle de ma mère même si ce n'en était pas moins douloureux. Je pris une grande inspiration essayant de bloquer cette voix.

 

Il n'est pas là. Tout va bien. Je vais très bien.

 

Rouvrant les yeux je décidai de redescendre, il fallait mieux éviter d'avoir une crise de panique au sommet d'une falaise. Me relevant, je me laissai tomber dans le vide et pivotai au dernier moment pour me rattraper sur le bord d'une vire que j'avais repéré plus tôt, mes doigts se raccrochant sur le bord puis commençai à descendre rapidement la portion haute de la falaise. Je ne saisis les prises qu'une fraction de secondes me laissant tomber parfois sur plus d'un mètre. Le sentiment de danger mortel à la moindre erreur était grisant et me permis l'espace de quelques minutes de mettre de côté la voix qui me titillait.

 

Finalement la désescalade se déroula sans encombres et je revins juste à temps pour le dîner. Je sentis beaucoup de regards sur moi au moment de chercher mon plat ce qui me mis mal à l'aise surtout que la voix qui persistait dans mon esprit faisait remonter le souvenir du dernier rêve dans lequel était apparu Iltiah et qui avait mal tourné. Je préférai me mettre à l'écart pour manger et garder mes distances avec les différents groupes qui s'étaient formés. Je pris le temps de les observer et constata que l’effervescence qui avait animé les itinérants lors de la mise en place du campement s'était transformée en une ambiance conviviale et chaleureuse autour de plusieurs feux de camp. De voir Norlak Tan'Dar et sa famille entourés d’itinérants et de membres de l'Académie parler à vive voix et rigoler desserra quelque peu l'étau qui entourait mes poumons et la sensation de mal être qui m'avait envahi plus tôt. Je sentais au fond de moi que j'avais fait le bon choix, d'être ici parmi ces gens, en route pour Sildi Han.

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Chapitre 4 :

 

Alors que la nuit était tombée depuis quelques heures et que la majorité des personnes étaient parties se coucher. Je contemplais l'idée de m'endormir sans prendre un élixir de sommeil tout en sachant pertinemment que je devrais me confronter à mes démons mais c'était aussi le seul moyen de voir Iltiah. Je ne pouvais pas nier qu'elle avait attisé ma curiosité et était à l'origine du périple qui m'attendait. Là était tout le cœur du problème, j'avais cherché à en savoir plus sur la princesse mais sans succès. Elle apparaissait tel un chevalier blanc pour me sauver, pleine d'orgueil et de fierté alors que je n'avais rien demandé. Cependant, la dernière fois qu'elle m'était apparue après m'avoir sorti d'un énième cauchemar – ma frustration pour l'énigmatique Sirathienne n'ayant fait qu'empirer au fur et à mesure de ses interventions – dégénéra en une violente altercation. Depuis, j'avais tout fait pour que mes nuits soient vide de présences non désirées que ce soit mes démons ou Iltiah. Malgré tout, la tentation de la revoir était forte.

 

Rien que d'y penser, les souvenirs de cette fameuse nuit m'assaillirent.

 

Une main encerclait mon poignet droit et me tirait hors de la maison familiale laissant ma mère derrière moi. Sitôt la porte d'entrée passée, le paysage se transforma en une prairie qui se mêlait à l'immensité de la nuit étoilée sans qu'on ne sache où l'une commençait et l'autre terminait. Iltiah avait pris les reines du rêve, elle en était l'architecte et elle m'avait fait basculer dans un autre monde dont elle seule en connaissait les secrets. Des herbes hautes caressaient mes cuisses, certaines plantes semblaient être fluorescentes et nous permettaient de nous frayer un chemin sans avoir besoin d'autres sources de lumière. A chacun de nos pas la végétation semblait mourir puis disparaître laissant une marque fluorescente à sa place de la forme de nos pieds. Si j'avais été en état de regarder derrière moi, j'aurais alors remarqué deux paires de traces de pas s'entremêlant et créant un chemin lumineux sur les quelques mètres que nous venions de parcourir.

 

Elle m'arrêta après quelques minutes de marche et prit mes mains dans les siennes, ses pouces caressant le dos de mes mains pour essayer de m'inciter à desserrer mes poings. Je m'arrachai à son emprise ayant repris mes esprits mais mon corps était toujours aussi tendu, prêt à attaquer… Ou fuir je ne savais plus.

 

« Je n'ai pas besoin de ton aide. », affirmai-je d'une voix rauque.

 

Elle me dévisagea, sourire en coin.

 

« Tu en as clairement besoin, me contredit-elle.

Pas du tout.

Oh que si

Non !

Hum, hum… », elle croisa ses bras avec son sourire satisfait au bout des lèvres et son arrogance naturelle.

 

Je ne la supportais pas.

 

« Arrêtes ! Peut-être que tu n'as pas l'habitude qu'on te dise non « princesse », dis-je en mimant des guillemets avec mes mains. Que tu penses que parce que tu es l'une des dernières représentantes du peuple de Sirath on doit te respecter ou se prosterner devant toi mais on ne te doit rien. Je ne te dois rien. D'autant plus si tu es réellement morte comme on le dit… Tuée par des hommes qui ne voulaient pas te suivre. Ça devait vraiment être pitoyable… Finalement, les démons Sirathiens ne doivent pas être aussi légendaires qu'on le dit… ».

 

Sa main fusa, le contact fut brutal et le bruit de la gifle résonna dans l'espace infini autour de nous. La douleur était intense au niveau de ma mâchoire à cause du choc mais je ne m'en rendis même pas compte tant j'étais subjuguée par son regard devenu flamboyant, ses cheveux se mirent à frémir et ondulés comme des flammes.

 

Elle s'approcha de moi jusqu'à ce que quelques centimètres nous sépare et me confia d'une voix froide :

 

« Ne parle pas de moi de cette façon Kiwae. Je t'aime bien, mais pas à ce point. Tu ne me connais pas, tu ne sais pas ce que moi et mon peuple avons vécu pendant des milliers d'années. L'humiliation de devoir fuir ma cité et mon royaume, de mener mon peuple vers une mort certaine, de porter le fardeau de la survie des miens sans qu'aucun peuples ne nous viennent en aide. Les hommes ne sont que poussières sur l'échelle du temps et si tu respires ne serait-ce que de la mauvaise façon sur les humains, ils se recroquevillent et meurent… Comme des plantes mal mises en pot. Alors que nous, nous survivons. Nous endurons. Nous voyons le monde changer sans pouvoir faire quoi que ce soit et si on a le malheur de vouloir aider les autres espèces de ce monde voilà comment on est remercié… Les hommes sont des êtres vraiment méprisables. Vous ne servez à rien. »

 

Des flashs de souvenirs de la conversation avec ma mère firent surface et le décor du rêve changea de nouveau. Je sentis une odeur familière de mélèze brûlé, nous étions de retour dans la maison familiale. Comme si je me retrouvais en auto pilote, je me revoyais toute ces années auparavant avec mon frère.

 

Tu ne sers à rien.

 

Je me raidis, le corps tremblant. La mâchoire et les poings serrés.

 

Tu ne sers à rien.

 

Iltiah me dévisageait calmement.

 

« Et bien on dirait que j'ai touché une corde sensible. Je peux comprendre qu'à force d'entendre toutes ces choses tu aies fini par y croire. Toutes ces années à vouloir réprimer ce mal être, ce soit disant monstre à l'intérieur de toi. C'est normal qu'un jour tout finisse par ressortir. C'est mignon que tu pensais t'en libérer en tuant ta mère… »

 

Je commençai à hyperventiler, mon souffle coupé alors que je n'avais techniquement pas besoin de respirer.

 

« Allons, ne fait pas cette tête là… C'est toi qui a commencé. Tu croyais vraiment que j'allais te laisser cracher ton venin parce que tu es incapable de te remettre de ton traumatisme. C'est mal me connaître.

Tais-toi ! Tu n'es pas réelle. Je suis en train de rêver. Tu es juste le produit de mon imagination.

Je peux t'assurer que je suis tout à fait réelle, tout du moins par l'esprit. Et si dans le cas où je suis une projection de ton inconscient alors ça voudrait dire que je suis la voix de la raison et que je suis là pour t'aider.

Je n'ai pas besoin d'aide ! Ça va passer. Il faut juste que je range ça dans une boite et faire comme si de rien n'était. Tu n'existes pas, tu es juste dans mon rêve. Tu es morte… ».

 

La Sirathienne rigola brièvement tout en bougeant la tête de droite à gauche, c'était la première fois que je l'entendais rire. Ce n'était pas un rire de joie mais plus de mélancolie.

 

« La mort ce n'est qu'une question de point de vue. D'ailleurs, peut-être que tu aurais dû insister un peu plus sur les entailles de tes avant bras si tu voulais vraiment en finir. La prochaine fois que l'envie te prend de te tailler les veines essayes de faire ça bien comme ça on pourra vérifier ta théorie… »

 

Ses dernières paroles eurent l'effet d'une claque. Je vacillai, reculant de plusieurs pas. Le paysage autour de moi oscillait entre un salon que je ne connaissais que trop bien et une prairie inconnue. Mon champ vision diminua pour n'avoir qu'Iltiah en ligne de mire, une colère froide montait doucement en moi. J'avais envie de la tuer.

 

« Laisses ta noirceur sortir. Je suis sûre que tu en as envie. Allez vas-y… Fais-le ! »

 

D'un bond, je revins à son contact et ma main entoura son cou le serrant de toute mes forces. J'avais l'impression que le temps s'était arrêté, ma tête était vide de toutes pensées. Il n'y avait que moi et Iltiah, mon regard dans le sien et ma main serrant son cou. Je me revoyais toutes ces années auparavant, j'étais juste une gamine et à la place de la princesse Sirathienne se trouvait mon petit frère. Ce souvenir se transposa dans le rêve et je vis le visage de mon frère, si innocent et pourtant si cruel au point d'avoir voulu le tuer. Mes yeux se remplirent de larmes et j'essayai tant bien que mal de les contenir. C'était la première fois que je le voyais apparaître en rêve, mes tourments préférant prendre l'apparence de ma mère. Je ne pus retenir un sanglot et je relâchai alors la pression sur son cou, enfouissant mon visage dans mes mains comme pour me cacher de la réalité.

 

Je sentis une source de chaleur – non la main d'Iltiah – se poser sur mon épaule et la serrer.

 

« Je suis désolé. », murmura-t-elle d'une voix douce.

 

« Non, tu ne l'es pas. Tu n'es pas désolé parce que tu as raison, répondis-je en me dégageant de son emprise pour la dévisager calmement. Peut-être que toi aussi tu es perdue, que tu t'es retrouvée ici par hasard et que je suis la seule personne qui puisse t'aider. La misère aime la compagnie, n'est-ce pas ?

Audacieux de ta part de présumer que j'ai besoin de ta compagnie

Tu es juste trop fière pour l'admettre, répliquai-je avant de m’asseoir sur de sol de la prairie qui avait repris ses droits ou tout du moins Iltiah en avait repris le contrôle.

Et tu sais de quoi tu parles…», soupira la Sirathienne avant de s’asseoir à son tour.

 

Je sentais que mon sommeil filait, l'état d'éveil se rapprochant doucement mais sûrement. Je m'allongeai alors au milieu des herbes qui s'étaient désagrégées pour laisser leur place à la terre fluorescente formant un halo de lumière autour de mon corps. Je sentis toute la tension de la dispute avec Iltiah redescendre et quelques larmes coulèrent sur mes joues à mon insu. Je me tournai pour me recroqueviller sur moi-même essayant de cacher mon état de faiblesse avec mes mains. Je sentis la chaleur rassurante du corps de la princesse dans mon dos, si proche et pourtant si loin.

 

« Je préférerai rester seule… S'il-te-plaît, murmurai-je d'une voix à peine audible.

Hum… Bien sûr, si c'est ce que tu veux Kiwae … »

 

Je sentis la source de chaleur dans mon dos se rapprocher de mon épaule puis se raviser et disparaître d'un seul coup. Je me retrouvais seule. Complètement seule. Je ne pus alors retenir les sanglots que j'avais essayé de contenir.

 

C'est de cette façon que je me réveillai quelques minutes plus tard, recroquevillée dans mon lit submergée par les sanglots avec un mal de tête pour avoir tenté de ne pas craquer devant Iltiah.

 

Un frisson me parcourut le dos et la vision du souvenir laissa place à l’élixir de sommeil que je tenais toujours dans ma main. Je me sentais un peu coupable d'avoir évité le monde des songes pendant plus de deux mois. D'avoir laissé Iltiah seule. Cependant, je ne pouvais pas oublier et pardonner les paroles qu'elle avait prononcé à mon encontre même si j'essayais de me dire que j'avais cherché à la provoquer. Je contemplai l’élixir encore quelques instants avant de le reposer dans mon sac, je sortis de ma tente et me décidai à voir avec des soldats si je pouvais prendre un tour de garde histoire de rester éveillée un peu plus longtemps.

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Chapitre 5 :

 

J'approchai discrètement d'un feu de camp à l'extérieur du dôme qui m'avait été indiqué par des soldats de la Garde. Un guerrier s'y trouvait, assis sur un tronc d'arbre juste à côté. En me rapprochant, je reconnus Emak Tulan que j'avais rencontré en arrivant à Melrath Zorac. Il tenait une flasque en platine dans sa main droite et son regard balayait les alentours jusqu'à ce qu'il croise le mien. Il m'adressa un signe de tête alors que je m'asseyai ses côtés tout en lui prenant sa flasque des mains pour en boire le liquide. Liquide qui n'était autre que de l'alcool fort et je ne pus m’empêcher de grimacer un peu en l'avalant.

 

On ne parla pas pendant plusieurs minutes, on se contenta de s'échanger la flasque pour en boire une gorgée tout en surveillant les environs. Des séquoias nous surplombaient de leur immense taille, la lumière du feu projetant l'ombre des fougères se trouvant à proximité sur leur écorce rougeâtre.

 

« Tu n'arrives pas à dormir ? me demanda le guerrier à voix basse comme pour éviter de perturber la nuit qui nous entourait.

– On va dire que je préfère éviter le monde des songes depuis quelques temps.

– Hum... Je comprends, ça fait bien longtemps que les rêves m'échappent et avec toutes les choses que j'ai vu je suppose que ce n'est pas plus mal. »

 

Le silence retomba, s’insinuant entre nous et nous enveloppant tel un brouillard pour ne laisser que les crépitements du feu s'échapper. Emak se leva pour rajouter du bois sur le feu puis se tourna vers moi en me disant :

 

« C'était assez impressionnant ce que tu as fait tout à l'heure sur la falaise. Vu d'en bas on avait l'impression que la pesanteur n'avait pas de prise sur toi. Je crois que tout le camp avait les yeux rivés sur toi.

– J'ai remarqué une fois redescendue, à vrai dire j'étais un peu gênée.

– Tu n'as aucunement besoin de te sentir gêné, une bonne partie du groupe se connaît maintenant depuis plusieurs années à force de faire cette expédition tous les ans et on essaye de faire en sorte que tout le monde soit bien accueilli dans cette grande famille d'itinérants. »

 

Le guerrier retourna s’asseoir à côté de moi sur le tronc tout en reprenant sa flasque de mes mains. Emak semblant être très à l'aise parmi ce groupe tout en respectant une hiérarchie propre à la caravane comme j'avais pu en être témoin le matin même avec Norlak Tan'Dar et Maître Ektor Strochnis. Curieuse, je lui demandai :

 

« Vous vous connaissez tous depuis longtemps ? »

 

Emak pencha sa tête sur le côté et prit le temps de réfléchir à ma question avant d'y répondre.

 

« Cela doit bien faire une dizaine d'années que le même groupe d'itinérants voyage avec les Académiciens jusqu'à Sildi Han. Ce sont surtout les soldats de la Garde de Melrath Zorac qui se sont greffés à cette aventure depuis sept ou huit ans avec la recrudescence d'attaques de brigands au cours du trajet mais c'est sur la base du volontariat donc chaque année est différente de ce côté là.

– Et toi ça fait combien de temps que tu participes à cette expédition ?

– Je suis arrivé à Melrath Zorac il y a un peu plus de six ans et j'en suis à ma cinquième année de participation. C'est toujours un plaisir de venir et de pouvoir m'éloigner de Melrath Zorac pendant trois mois. La routine peut devenir pesante à force donc ça fait du bien de partir à l'aventure de temps en temps. »

 

J’acquiesçai à sa réponse, je repris sa flasque et bus une gorgée d'alcool. Étonnamment la flasque était toujours aussi lourde qu'à ma première gorgée. Je secouai la petite flasque et remarqua que le liquide était presque à ras bord.

 

Me voyant faire, Emak rigola et intervint avant que je puisse lui demander quoi que ce soit :

 

« C'est une flasque d'alcool perpétuel, je l'ai faite enchanter pour qu'elle contienne de l'alcool à l'infini. Enfin, infini dans certaines limites... En réalité elle doit contenir dans les quatre litres de whisky et une fois complètement vidée il faut attendre environ une heure avant qu'elle soit de nouveau pleine.

– Hum, ça c'est pratique. Je connais une personne à qui ça plairait d'en avoir une. Où est-ce que tu as pu l'enchanter ? »

 

Emak se mit à sourire à ma question pourtant anodine et ses yeux se mirent à briller.

 

« Je suis né à Akh-Farh sur l’île de Marlys, est-ce que tu connais ?

– Il se trouve que je connais bien Akh-Farh. J'y ai passé une partie de mon adolescence, lui répondis-je en souriant à mon tour.

– Et bien, le monde est petit ! C'est rare de croiser des personnes qui ont vécu là-bas et qui soient revenues à Melrath Zorac après. Du coup, tu dois connaître l'établissement très réputé « Le Vagabond Invulnérable » géré par la famille Orak Sal. Ils peuvent tout te faire, à condition que tu y mettes le prix bien évidemment.

– Qui ne les connaît pas, m’exclamai-je d'un ton faussement outré. Je me souviens la première fois que je suis allée dans leur boutique j'ai été très surprise de voir qu'il s'agissait en fait de quadruplés qui s'appelaient tous Orak Sal.

– Je te confirme que ça surprend tout le monde la première fois que tu les vois tous ensemble ! »

 

On rigola doucement et je pouvais voir que le guerrier était content de pouvoir parler avec quelqu'un qui connaissait Akh-Farh, il était rare de rencontrer des habitants de Melrath Zorac ayant voyagé sur l'île de Marlys. On continua de s'échanger des souvenirs d'Akh-Farh pendant une bonne heure tout en buvant du whisky de sa flasque enchantée. On commença à divaguer au fur et à mesure des anecdotes que me racontait Emak.

 

« Il y avait une femme avec qui j'avais une très bonne relation que j'ai rencontré en arrivant à Melrath Zorac, j'ai voulu l'emmener à Marlys pour lui faire découvrir Akh-Far... Et on s'est séparés », m'expliqua-t-il d'un ton très sérieux.

 

Je le regardai, interloquée parce ce qu'il venait de me dire.

 

« Attends... Vous vous êtes séparés parce que tu as voulu lui faire découvrir Akh-Farh ?

– Ah non... J'ai oublié une étape... Elle aimait pas les encornets farcies, elle trouvait ça dégueulasse.

– Elle aimait pas les encornets farcies... Elle t'a quitté à cause de ça ? », lui demandai-je perplexe.

 

Cette fois c'était au tour du guerrier de me regarder d'un air confus.

 

« Ah non pas du tout !

– Mais c'était quoi alors ?

– Euh… Je sais plus. »

 

Je me mis à rire doucement d'incrédulité par ce qu'Emak essayait de me raconter.

 

« Je crois que t'es juste bourré et tu ne sais plus ce que tu racontes. », conclus-je en secouant la tête.

 

On pouffa de rire et au même moment on entendit quelqu'un derrière nous se racler la gorge pour signaler sa présence. Je me retournai dans la direction du bruit et vis deux soldats de la Garde, ils venaient probablement d'être réveillés quelques minutes plus tôt pour le roulement dans la surveillance, le deuxième soldat essayant tant bien que mal de cacher un bâillement derrière sa main.

 

« On vient prendre la relève, expliqua d'un ton assez brusque le soldat qui s'était raclé la gorge. Tu as intérêt à être en forme demain Emak étant donné que tu as la charge de partir en éclaireur en amont de la caravane. Tu n'es pas sans savoir qu'on risque de croiser des brigands.

– Hey ! Je sais que je n'ai plus vingt ans mais quand même à trente et un ans j'arrive encore à tenir mon alcool. Tu verras demain, je ne vais rien laisser passer. Tu le sais en plus que je suis l'un des meilleurs éclaireurs du convoi !

– Ouais ouais, allez vas te coucher ! »

 

A ce moment Emak se releva, je le vis vaciller sur place et je ne pus m’empêcher de rigoler en le voyant. Je sentais que l'alcool m'étais montée aussi à la tête en me levant à mon tour pour laisser les deux soldats prendre notre place. Bien que la flasque enchantée était très pratique, c'était aussi le meilleur moyen de finir en état d'ébriété sans vraiment s'en rendre compte.

 

On prit congé des deux soldats puis on se dirigea vers le campement, vacillant quelque peu sur nos jambes. Emak me raccompagna jusqu'à ma tente, il ouvrit un des pans de toile à l'entrée pour me permettre de passer puis m'annonça d'une voix nonchalante :

 

« Bon cher binôme, je viens te réveiller dans quelques heures et on partira en éclaireurs avant le départ de la caravane histoire de couvrir assez de terrain car les brigands aiment bien tendre des embuscades dans cette zone. »

 

Ces paroles eurent l'effet d'un seau d'eau lancé en plein visage et je fis volte face pour le dévisager et m'assurer que j'avais bien entendu ce qu'il venait de me dire.

 

« De quoi ? Je ne suis pas ton binôme, je ne vois pas pourquoi je devrais t'accompagner.

– Allez, tu peux pas me laisser tomber. Sinon je vais devoir demander Evzek de venir avec moi et la journée va être très longue avec lui. En plus si on fait du bon boulot demain tu gagneras le respect de la Garde.

– Pourquoi je sens que c'est un piège, surtout que j'en ai rien à faire d'avoir le respect de la Garde étant donné que je ne suis pas rattachée à vous.

– S'il-te-plaît, me supplia le guerrier d'un ton enfantin.

– Sérieusement... Je t'accompagnerai mais c'est juste parce que j'ai pitié de toi. »

 

Emak me fit un salut de la main non content de m'avoir convaincu puis se dirigea en titubant en direction de sa tente. Je secouai la tête amusée puis après avoir refermé le pan de tissus à l'entrée de ma tente, je m'allongeai toute habillée sur mon sac de couchage. Je passai un bras sous ma tête en fixant le toit de la tente, je sentis que mon corps était détendu par les effets de l'alcool et me dis que je n'aurais aucun mal à m'endormir d'un sommeil complètement vide de rêves.

 

Déjà une journée de faite... Une journée qui me rapproche de Sildi Han... Et peut-être d'Iltiah.

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  • 1 month later...

Chapitre 6 :

 

Période Laboria, le 29 [+111 AC], heure solaire 05h : 30min

 

« Kiwae… Kiwae ! »

 

Une voix s'insinua dans mon esprit encore enivré des excès de la nuit. Je grognai me tournant sur le côté en gardant les yeux fermés.

 

« Kiwae ! »

– Laisses-moi tranquille…, murmurai-je ayant reconnu la voix d'Emak.

– Allez Kiki, on doit y aller… »

 

A ces mots une fureur m'envahit, j'ouvris mes yeux et me relevai d'un bond agile pour pousser le guerrier hors de la tente. Une seule personne osait me surnommer ainsi et autant dire je ne la portais pas dans mon cœur en ce moment.

 

« Ne t'avises pas de m'appeler Kiki. », grognai-je en continuant de le bousculer, mon manque de lucidité me faisant agir de manière irrationnelle.

 

Surpris par ma vive réaction, Emak s'écarta de moi pour se tenir hors d'atteinte tout en plaçant ses mains sur le côté en signe d'apaisement.

 

« Hey Kiwae, doucement… Je voulais pas t'offenser. »

 

Je repris mes esprits réalisant le silence qui nous entourait, heureusement le campement semblait endormi. Il faisait encore nuit noire et les lumières des braises des feux de camp apportaient un peu de luminosité.

 

« Je… Je suis désolé… Je…, bégayai-je.

– T'inquiètes pas, c'est ma faute. J'aurais pas dû être aussi familier avec toi sans ton accord. On devrait manger un peu avant de partir, prends juste les affaires dont tu as besoin les itinérants s’occuperont du reste. On a de la route à faire avant le lever des soleils donc on ne doit pas trop traîner. »

 

Après un petit-déjeuner léger, on se dirigea vers un enclos où les chevaux étaient gardés pendant la nuit. Une dizaine de minutes après mon réveil, j'étais en route avec Emak à mes côtés. Un silence pesant nous entourait, l'altercation avait laissé des traces et pour l'instant aucun de nous deux essayait de briser la tension qui restait présente. Malgré la nuit, le guerrier ne semblait pas préoccupé par le manque vision et se contentait de suivre la route rocailleuse, le bruit de sabots résonnant sur un bout de falaise se trouvant à notre droite. Les seules sources lumineuses se trouvaient sur la végétation qui nous entourait et en passant à côté de fougères je me rendis compte qu'il s'agissait de lucioles.

 

Au détour d'un lacet, on se dirigea vers l'est où le ciel encore noir commençait à bleuir. De là, le chemin continuait en pente douce jusqu'à atteindre une vallée et sur le versant opposé je devinais des collines escarpées couvertes de végétation dense d'où pointaient des affleurements rocheux. Ce terrain semblait propice aux embuscades et je ne fus pas surprise lorsque qu'Emak arrêta son cheval à mes côtés pour m'indiquer le pic le plus proche de nous en m'expliquant que c'était notre objectif et qu'il fallait traverser la cuvette qui nous en séparait assez rapidement pour l'atteindre au lever des soleils.

 

Le descente se fit relativement rapidement et on se retrouva sur une partie plus plate de la chaîne de massifs, on accéléra l'allure pour traverser la vallée dans laquelle on se trouvait pour rejoindre les prochaines élévations. On laissa les chevaux galoper entre les séquoias et les sapins qui se trouvaient sur notre chemin, le sol était recouvert d’aiguilles permettant d'étouffer un peu le bruit des sabots.

 

On arriva au pied de l'autre versant alors que le ciel passait du bleu foncé à l'orange, signe que les soleils allaient bientôt se lever. Emak s'arrêta et descendit de son cheval, il prit avec lui une longue-vue et observa les escarpements. Après quelques minutes il se tourna vers moi et m'indiqua une cascade qui s'écoulait d'une falaise un peu plus au nord de notre position. En regardant à travers la longue-vue au niveau de la cascade je vis quelques volutes de fumées aux travers d'épicéas.

 

« On va pouvoir les prendre par surprise, ils ne cherchent pas à être discret donc ils ne doivent pas savoir que le convoi est en route. Il doit s'agir d'un petit groupe de reconnaissance, ils essayent de se séparer en plusieurs groupes dans cette zone. Pour couvrir plus de terrain en fonction de la route qu'on prend et ils sont très mobiles. La marche à suivre serait que tu retournes rapidement au convoi pour prendre avec toi quelques soldats, me souffla le guerrier alors qu'il continuait d'observer le versant des massifs qui s'élevaient devant nous.

– Ils sont combien par groupe ?

– Difficile à dire, ça peut varier de deux à cinq individus.

– Hum, je te proposerai bien qu'on y aille directement tous les deux. Tu peux vérifier le feu de camp pendant que je te couvre, on gagnerait du temps pour repérer d'autres groupes sur la suite de la route.

– L'idée est tentante mais il vaudrait mieux suivre le protocole en prévenant le convoi de la présence des brigands pour qu'on prenne des mesures de défenses en cas d'embuscade.

– Tu sais quoi ? Tu devrais retourner au convois pendant je surveille les alentours, tu seras plus efficace que moi vu que tu as l'habitude. »

 

Emak ne semblait pas convaincu de ma proposition mais après plusieurs minutes d'argumentation, il accepta de me laisser partir seule en reconnaissance pendant qu'il allait chercher des renforts.

 

Le guerrier remonta à cheval, il me tendit sa longue-vue puis me regarda droit dans les yeux.

 

« Gardes juste un œil dans la direction possible de leur camp, à la rigueur essayes de trouver le lit de la rivière qui découle de la cascade pour nous faire gagner du temps mais surtout… Surtout n'essayes pas d'aller voir de plus prêt, n'agit pas seule. C'est bien compris ?

– Clair comme de l'eau de roche, chef. », répondis-je en effectuant un salut militaire.

 

Emak secoua la tête amusé puis partit au galop, me laissant seule. Je remontai sur mon cheval le guidant au pas dans la direction de la fumée, je m'arrêtai régulièrement pour prendre le temps d'observer les escarpements avec la longue-vue essayant de repérer des détails qui pourraient indiquer la présence d'autres groupes de bandits. Après un énième arrêt, j'entendis de l'eau s'écouler non loin et me mis à la recherche de ce que j’espérais être la rivière s'écoulant de la cascade présente plus en altitude.

 

Quelques minutes de recherches plus tard, j'atteignis une rivière et commençai à la remonter sur sa rive droite. Les soleils se levant, la lumière se modifia d'une teinte dorée ce qui permettait de distinguer encore mieux cette fumée qui perçait entre les trouées d'épicéas et de mélèzes. Je contemplai l'idée d'aller voir de plus prêt mais j'essayai de m'en dissuader me rappelant les instructions d'Emak.

 

Ne vas pas voir de plus prêt, n'agit pas seule.

 

Je descendis de cheval et je m'agenouillai sur le bord de la rivière pour m'asperger le visage.

 

N'y vas pas.

 

Mon regard se tourna sur la fumée une centaine de mètres plus haut et ma décision fut prise. Me relevant, je pris le licol du cheval pour faire un nœud d'attache autour du tronc d'un arbuste. Prenant mon arc et mon carquois, je continuai de remonter la rivière. Plus j'avançai plus la progression se compliqua avec le dénivelé et je dus escalader quelques rochers qui commençaient à s'accumuler le long de la rivière créant de multiples petites cascades. Une dizaine de minutes plus tard, j'arrivai face à la cascade dont l'eau s'écoulait sur une vingtaine de mètres de haut avant de se jeter dans un plan d'eau avec un bruit retentissant. Le feu du campement des brigands se trouvait sur la gauche de la cascade ce qui m'évita de devoir changer de rive pour l'atteindre.

 

Je m'approchais du feu de camp et remarquai qu'il n'y avait rien qui prouvait la présence de bandits, du bois avait été rajouté récemment permettant de garder la fumée bien épaisse et visible. Une fumée pour être vu de loin et attirer les gens qui la verraient. J'inspirai profondément en fermant les yeux afin de me concentrer pour tenter de repérer une présence par perception spatiale. Quelle ne fut pas ma surprise quand je sentis la présence d'au moins quatre humanoïdes à proximité.

 

Une putain d'embuscade, fais chier

 

Il fallait que je reparte, vite.

 

Alors que je me retournai, j’aperçus une lame d'épée du coin de l’œil derrière moi et dus me jeter au sol en effectuant une roulade sur le côté pour l'éviter. Je retirai une flèche de mon carquois pour l'encocher et bander rapidement mon arc puis tirer sans prendre le temps de viser car j'étais presque au corps à corps avec le bandit. La flèche se ficha en plein milieu de son torse, le faisant reculer de quelques pas. Il semblait aussi étonné que moi de ce qui venait de se passer mais il repris vite ses esprits et se mit à siffler. Me doutant que c'était sûrement un moyen d'alerter ses comparses, je dégainai un couteau qui était attaché à ma cuisse gauche et je me jetai sur lui pour lui enfoncer mon couteau sous son menton. Il se mit alors à tousser du sang et je retirai rapidement le couteau puis poussa le corps en arrière, je pris le temps d'essuyer mon couteau sur ma cuisse avant de le rengainer puis je posai un pied sur son torse pour récupérer ma flèche.

 

J'inspectai les alentours de la cascade alors que je rebroussai chemin lorsque que j'entendis des éclaboussements. Je me tournai brusquement en direction de la chute d'eau et pris rapidement une flèche de mon carquois au moment même où un carreaux d'arbalète érafla la chair de mon flanc gauche. Je ne pris pas le temps d’inspecter la blessure et la montée d’adrénaline inhiba toute prise de conscience sur une quelconque douleur que j'aurais été censée ressentir.

 

J'encochai ma flèche et visai le coupable qui courrait se mettre à couvert derrière un séquoia.

 

Oh non, tu ne t’en tireras pas comme ça !

 

Dans ma précipitation la précision de mon tir ne fut pas optimale, la flèche se ficha dans la cuisse de l’individu juste avant qu’il atteigne la protection de l’arbre. J'entendis un gémissement et un bruit de craquement, j'aperçus le bras de l’individu jeter deux morceaux de ma flèche au loin.

 

Je profitai du moment de flottement pour me positionner derrière un arbre et fermai les yeux pour faire le vide dans ma tête. Je sentis un liquide chaud couler le long de mon abdomen, j'y jetai un œil et pus constater que ma tunique commençait à être imbibée de sang provenant de la profonde estafilade qui longeait le côté gauche de ma cage thoracique. La douleur commençait à se faire sentir, je pris une profonde inspiration et donnait quelques coups du plat de la main sur la blessure en expirant l’air de ses poumons, de nombreuses gouttes de sang tombèrent à mes pieds.

 

C'est rien. Tout vas bien.

 

J'entendis des sifflements venir de plusieurs directions différentes, ce n'était pas bon signe. Il fallait absolument que je me débarrasse du bandit à l'arbalète avant de m'occuper des autres et pour cela je devais prendre des risques. Je préparai rapidement une flèche dans le but de l'enflammer avec les flammes du feu de camp, ce qui me permettrait aussi de me décaler et d'avoir un angle de visée sur le bandit qui se cachait. Dès que je fus prête, je courus jusqu'au feu enflammant ma flèche rapidement puis visait l'arbre derrière lequel le brigand se trouvait. De là, je pus viser son épaule et quand ma flèche se ficha dans sa cape, celle-ci commença à prendre feu. Paniqué par les flammes, il se leva et commença à courir et je le cueillis d'une nouvelle flèche l'arrêtant net dans sa course.

 

Un de moins.

 

A ce moment un cri se fit entendre, un nouveau bandit sortit de nulle part et me fonça dessus un long couteau à la main. Je n'eus le temps que d'effectuer un mouvement de bassin pour pivoter sur le côté et éviter l'impact avec sa dague puis je lui pris le poignet le tirant en avant pour continuer de le faire avancer dans son élan. Le mouvement s'arrêta net quand le couteau rencontra un obstacle ou plutôt un corps. Apparemment, les brigands s'étaient coordonnés pour me tomber dessus en même temps mais pas de chance pour celui qui devait arriver par derrière il se retrouva avec un couteau planter dans son ventre. On se dévisagea tous pendant une seconde surpris par la tournure des événements.

 

« Oups… », dis-je tout en tenant toujours le poignet du bandit qui se retrouvait maintenant avec son couteau enfoncé dans son compagnon.

 

Retirant le couteau rapidement, je le pris dans mes mains pour affliger le même sort à celui qui m'avait foncé dessus me retrouvant avec deux corps à mes pieds. Je soufflai de soulagement, pensant en avoir fini avec ce campement de brigands.

 

« Tu croyais vraiment que tu allais t'en sortir petite ? », une voix rauque résonna derrière moi.

 

Et merde

 

Me tournant en direction de l'homme qui m'adressait la parole, je vis son épée s'abattre sur moi au ralentis et mon seul réflexe fut de me protéger avec le brassard de mon avant-bras droit. Le bruit de tintement au moment du choc de la rencontre entre le fer de la lame de l'épée et la partie en laiton du brassard résonna à mes oreilles puis une immense douleur me parvint au niveau de mon épaule gauche où un bon centimètre de lame se trouvait enfoncé. La puissance de la frappe me mit à genoux, je grimaçai sous la pression de la lame et tentai tant bien que mal d'opposer une résistance avec mon bras droit pour que la lame ne s'enfonce pas plus. En regardant le bandit me surplomber je pouvais le voir lui aussi grimacer et tenir son épée à deux mains pour exercer plus de pression dessus. Une goutte de sueur perlait sur mon front sous l'effort que ça me demandait.

 

Allez, bouges-toi ! Fait quelque chose.

 

Me rappelant que j'avais toujours le long couteau dans ma main gauche, je l'enfonçai dans l'avant-bras du brigand qui lâcha alors son épée dans un cri de douleur. Je pris alors à deux main le pommeau de l'épée et d'un gémissement la dégagea de mon épaule, d'un geste circulaire je frappai l'homme qui était alors plus préoccupé par le couteau planté dans son bras que ma présence.

 

Puis plus rien. Le bruit de la cascade laissant place aux battements de mon cœur résonnant dans mes oreilles. L'adrénaline laissant place à la douleur. La douleur laissant place à la fatigue.

 

Je suis si fatiguée… Faut juste que je m'assoies cinq minutes le temps reprendre mon souffle.

 

Je m'assis en tailleur au milieu des trois corps gisant des brigands puis j'essuyai la sueur de mon front avec mes mains avant de réaliser qu'elles étaient couvertes de sang. Mon regard, se tourna sur les corps et les observait se vider de leur sang.

 

Tu es un monstre !

 

La voix de ma mère résonna me faisant frissonner mais mon regard resta fixé sur ces corps, ne ressentant strictement rien. Je ne sais pas combien de temps passa ainsi mais je fus sortie de ma contemplation par une voix inquiète.

 

« Kiwae ? Kiwae est-ce que tu vas bien ? »

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  • 2 weeks later...

Chapitre 7 :

 

« Kiwae ? Kiwae est-ce que tu vas bien ? »

 

La voix d'Emak me sortit de mon apathie et en levant mes yeux d'un des corps je l’aperçus en face de moi, penché sur un genou me fixant d'un regard inquiet. Derrière lui se trouvait des soldats de la Garde qui surveillaient les alentours. Raclant ma gorge, je secouai la tête essayant de libérer mon esprit embrumé et de reprendre contenance en me relevant malgré la douleur à mon épaule et des picotements au niveau de mon flanc gauche.

 

« Je vais bien… Je suis désolé de ne pas avoir respecté tes ordres… », commençai-je avant que le guerrier ne me coupe la parole.

– Tu n'as pas l'air d'aller bien, tu as perdu beaucoup de sang. Il faut que je te ramène au convoi au plus vite pour soigner tes blessures.

– Vraiment ça va, on devrait continuer… Je suis désolé, je vais me rattraper

– Tu n'as pas à t'excuser ni à rattraper quoi que ce soit. C'est de ma faute, je n'aurais pas dû te laisser seule et si blâme il doit y avoir alors c'est moi qui le prendrait. Si ça peut te rassurer, il y a des soldats qui ont fait des choses beaucoup plus grave que juste désobéir à un ordre pour aller tuer des bandits soi-même. », répliqua le guerrier.

 

Il me sourit et serra sa main sur mon avant-bras pour me rassurer puis il se tourna vers les soldats en leur donnant des ordres pour la suite de la reconnaissance en leur indiquant les sites possibles de campements à vérifier. Une fois leurs ordres reçus les soldats partirent et Emak se tourna de nouveau vers moi pour m'indiquer qu'il avait laisser son cheval au même endroit que le mien en contrebas. La descente se fit dans un silence de plomb, j'essayai tant bien que mal de cacher mes douleurs mais je me crispais aux moindres mouvements nécessitant mes bras ou de bouger mon buste et la désescalade des rochers en bords de rivières fut difficile.

 

On arriva à nos chevaux après une vingtaine de minutes et je ne perdis pas de temps à défaire le licol de mon cheval attacher au tronc d'arbre pour monter dessus voulant à tout prix qu'on se mette en route, le plus vite on retournait à hauteur du convoi le mieux c'était.

 

Une fois sur le cheval, Emak me regarda d'un air dubitatif et me demanda :

 

« T'es sûre que ça va aller ? Ce sera peut-être mieux que je monte avec toi, tu es en train de devenir très pâle, j'aimerai éviter que tu t'évanouisses sur le cheval. »

 

Il prit place derrière moi et pour lui prouver que j'allais bien, je maintins mon dos bien droit. On partit au trot, le cheval d'Emak suivant à distance. Au début mon corps accompagnait les mouvements du cheval mais après un certain temps la douleur était devenue trop gênante et je dus me résoudre à me reculer un peu pour pouvoir m'appuyer sur le torse d'Emak.

 

Après ce qui me parut une éternité, on retrouva le convoi qui commençait à peine à traverser la vallée. Les soldats de la Garde se retournèrent à notre passage de même que quelques itinérants sur leurs chariots et des murmures s’élevèrent au sein de la caravane, probablement dû à mon piteux état. Emak s'arrêta aux côté de Julyan Croft pour lui résumer la situation, je n'arrivais pas à me concentrer sur ce qu'il disait tant la douleur me gênait. Après quelques minutes de discussion, le Capitaine de la Garde nous salua d'un signe de tête avant de partir à l'avant du convoi. Je me forçai alors à demander :

 

« Alors ? Est-ce qu'on va avoir des problèmes ? »

 

Je pouvais sentir le torse d'Emak vibrer de mon dos alors qu'il se mit à rigoler doucement.

 

« Non, pas de problèmes. Il a juste fermement suggérer que je ne te laisse plus toute seule de ton côté si on venait à repartir en éclairage ensemble. »

 

Le silence retomba le temps que le guerrier se mette à la hauteur du chariot de Norlak Tan'Dar. En voyant mon apparence, le Chef des itinérants se retourna pour frapper sur la petite fenêtre de la caravane :

 

« Mya ! Sors la trousse de premiers secours et fait assez de place pour accueillir la p'tite rôdeuse, elle est bien amochée et aurait besoin de quoi soigner ses blessures. »

 

Une voix étouffée lui répondit affirmativement et Norlak nous indiqua qu'il allait ralentir un peu la cadence pour que je puisse passer par la porte à l'arrière de la caravane. Emak fit demi-tour avec le cheval et laissa la caravane passer, Mya avait ouvert la porte et il ne me restait plus qu'à sauter du cheval pour monter directement sur le rebord de la caravane. Une fois à l'intérieur, Mya s'affairait avec des fioles et des bandages. Je regardai autour de moi l'aménagement et la décoration de l'intérieur de la caravane avant de la saluer :

 

« Hey Mya.

– Bonjour Dame Sil Tâ, je vous en prie asseyez-vous, me répondit-elle en m'indiquant le canapé installé contre le côté gauche de la caravane.

– Wow, je pensais pas que j'avais l'air si vieille… On peut se tutoyer tu sais, on doit avoir le même âge.

– Désolé, c'est juste l'habitude.

– L'habitude de côtoyer des vieux académiciens ? »

 

On rigola doucement et je la vis secouer la tête à ma remarque alors que je m'asseyais sur le bord du canapé au moment et elle se tourna vers moi avec le matériel de premiers soins. Elle me fixa de ses yeux bleus clairs quelques instants avant de se racler la gorge :

 

« Ce serait plus pratique si tu pouvais retirer ta tunique de cuir

– Ah oui, désolé. »

 

Les blessures de mon épaule et mon torse me firent souffrir au moment de retirer ma tunique ne me laissant plus qu'avec un bandeau en tissu qui maintenait ma poitrine. Mya prit du coton et l'imbiba de ce qui semblait être du désinfectant et commença à l'appliquer autour de ma blessure à l'épaule, j'essayai de ne pas bouger mais du liquide s'enfonça dans ma blessure provoquant des picotements désagréables. Une fois la blessure nettoyée, Mya posa alors la main sur mon épaule à côté de la blessure, une chaleur s'en dégagea et en tournant ma tête je pus voir ma blessure se refermer.

 

Hmm, Mya a des connaissance en magie

 

Ce n'était pas parfait mais la jeune femme appliqua une sorte de pâte de couleur verte dessus m'expliquant que ça aiderait pour cicatriser complètement la blessure avant de rajouter un bandage pour la couvrir. Mya s'agenouilla devant moi pour s'occuper de l'estafilade qui longeait le côté gauche de mon torse, elle prit le temps de nettoyer tout le sang séché avant de désinfecter. Elle semblait un peu plus hésitante dans ses gestes et en l'observant de plus près je vis un légère teinte rosé sur ses joues au moment de poser sa main au niveau de mes muscles abdominaux. Cela me fit aussi prendre conscience qu'avec mon manque de sommeil et d'appétit depuis plusieurs semaines il semblait que j'avais perdu un peu de poids et que mes muscles apparaissaient plus saillants qu'avant. Je me raclai alors la gorge et tentai de trouver quelque chose à dire pour détourner mon attention et par la même occasion la sienne :

 

« Aeva ne fait pas la route avec vous aujourd'hui ?

– Oh non, ma mère a décidé d'aller prendre le thé dans la caravane d'une de ses amies, elle reviendra sûrement après le déjeuner pour passer l'après-midi avec nous. »

 

Elle m'adressa un sourire avant de retourner son attention sur l'estafilade, elle avait fini de la nettoyer et comme la plaie n'était pas très profonde décida juste d'appliquer la pâte directement avant de mettre le bandage.

 

« Voilà, c'est tout bon, s'exclama-t-elle son regard divergeant encore sur mon torse avant de continuer, si tu veux je peux te prêter de quoi changer ton sous-vêtement qui est imbibé de sang

– Si ça ne te dérange pas je veux bien sinon j'attendrai qu'on s'arrête au moment du déjeuner. »

 

Elle m'arrêta d'un signe de main me répondant qu'il n'y avait pas de problèmes et s'agenouilla pour chercher dans un tiroir qu'elle ouvrit en-dessous du canapé. Pendant qu'elle fouillait dans ses affaires je commençai à défaire mon bandeau et au moment où Mya me tendit un tissu de remplacement elle devint rouge tomate à la vue de ma poitrine. Elle se retourna en s’excusant profusément, je la rassurai en lui expliquant que ce n'était pas grave et que j'avais appris à mettre ma pudeur de côté. Je souris en racontant une anecdote sur Ysabeau et son côté voyeuse à tel point qu'on s'en servait pour jauger la réaction des candidats qui désiraient postuler à l'Alliance.

 

Après lui avoir dis que j'étais de nouveau décente, Mya se retourna dans ma direction. J'étais en train de remettre ma tunique quand je vis son regard descendre sur mon buste et ses lèvres se pincer. Je décidai de ne pas faire de commentaires et je la remerciai de son aide. Au moment de ressortir de la caravane, je me tournai dans sa direction pour lui adresser un clin d’œil avant de sauter au sol.

 

Emak me vit marcher derrière la caravane et il s'approcha de moi, il descendit de mon cheval pour me le rendre puis remonter sur le sien. Il me dévisagea quelques instants puis satisfait de son observation me tendit une pomme et une gourde m'ordonnant de manger et de boire. Pendant que je reprenais des forces le guerrier m'expliqua qu'on allait rester aux côtés de la caravane pour le restant de la journée, le convoi allait faire une pause rapide avant de commencer à traverser les massifs qui se dressaient devant nous.

 

Une fois revenue à l'endroit où on avait repérer le feu de camp des bandits, le convoi s'arrêta. On attendit le retour des éclaireurs pendant un long moment et quand ils arrivèrent ils ne semblaient pas être blessés. Ils firent leur rapport au Capitaine de la Garde et après une longue discussion il annonça que la voie était libre mais qu'il fallait faire toute la traversée d'une traite pour être de l'autre côté de cet escarpement pour la nuit. Cela impliquait de ne pas faire d'autres pauses, il indiqua à tous les soldats de prendre leurs dispositions pour pouvoir manger et s'hydrater en cours de route. Pendant les explications, je vis du monde s'agiter du côté de la caravane du chef cuisinier qui distribuait des en-cas et la mère de Mya rejoindre son mari et sa fille dans leur caravane. Le convoi repartit de plus belle sur le chemin, on commençait à prendre du dénivelé mais pas autant que la vieille, c'était surtout les masses rocheuses nous surplombant qui rendait les caravanes vulnérables à une attaque avec très peu de place pour manœuvrer. On continua pendant plusieurs heures de cette façon. Tout le monde était assez tendu et malgré le repérage des éclaireurs on était pas à l'abri d'une embuscade. Le chemin bifurqua sur notre gauche et après un bonne heure on quitta la protection des roches pour rejoindre une vallée en contrebas, laissant derrière nous les escarpements et ses brigands.

 

On approchait de la fin d'après-midi lorsqu'il fut décrété que le convoi était hors de danger et que l'on pouvait établir le campement. Comme la veille, une fois les chariots et caravanes installés tout le monde s'affaira à installer le camp. Je pris soin de m'éloigner le plus possible du centre pour établir ma tente, ne souhaitant pas être dérangée et ayant aussi besoin d'être seule. La route avait été fatigante pour mon corps malgré les soins prodigués par Mya et je comptais essayer de méditer dans ma tente en attendant le repas pour me détendre.

 

A l'heure du repas, j'entendis une cloche retentir indiquant que tout était prêt. Je rejoignis le centre du campement et me mis à faire la queue attendant mon tour pour me servir. Derrière moi, j'entendis quelqu'un se racler la gorge et en me tournant je vis qu'un soldat de la Garde me dévisageait avec mépris. Je levai un sourcil me demandant ce qu'il me voulait puis il se pencha vers moi pour me chuchoter à l'oreille :

 

« Tu as juste une chose à faire. Suis-moi bien sagement les ordres, petit mouton. Promis, tu seras plus heureuse de cette façon. »

 

En s'écartant, il cracha à me pieds et tout sourire il me fit un signe de tête comme pour me dire de me retourner et de continuer à avancer. Je serrai mes poings contre mon corps essayant de me rappeler que je venais de méditer justement pour éviter que je lâche encore prise.

 

C'est rien, il faut juste que je l'ignore… Ignores-le !

 

« Je suis désolé.

– Quoi ? », me demanda-t-il interloqué par ma réponse.

 

Le prenant par le col de sa tenue avec ma main gauche, j'assenai des crochets de mon poing droit à son visage et le temps que tout le monde réagit je me retrouvais avec mes mains qui encerclaient son cou. Un flash et l'espace d'un instant je voyais mon frère. A cette vision, je lâchais le cou du soldat, regardant mes mains tremblantes. J'entendais des voix autour de moi mais elles étaient atténuées puis je vis Emak se placer entre moi et le soldat ce-dernier semblait sonné mais il déguerpit vite aux paroles que venait de lui dire Emak.

 

Je sentais tous les regards tournés vers moi, ne le supportant pas je repartis en direction de ma tente. Je me demandais si ce périple était une si bonne idée dans mon état, si ça valait le coup de mettre en danger tout ces gens face à mon incapacité à chasser mes démons alors que je venais pour chercher des réponses à mes cauchemars. Après quelques minutes Mya arriva à hauteur de ma tente et sans un mot s'assit à mes côtés prenant mes mains entre les siennes pour les nettoyer du sang qui s'y trouvait puis elle me glissa entre me mains un bol remplit de soupe avec du pain à côté. Je lui souris, reconnaissante de son geste. Elle se leva, hésita un peu, timidement elle me dit que j'étais la bienvenue autour de leur feu de camp si je le désirais et que Maître Strochnis avait pleins d'histoires à raconter. Je lui répondis que j'avais besoin d'être seule mais que j'étais ravie de l'invitation. Le sourire aux lèvres et les joues rougissantes, Mya repartit en direction de son feu de camp.

 

Après avoir mangé, je m'allongeai sur mon côté droit essayant de trouver une position confortable pour ne pas réveiller les douleurs de mes blessures. Avec ma fatigue accumulée pendant la journée et ajoutée à cela mes péripéties, je m'endormis rapidement.

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Chapitre 8:

 

Je ne savais pas comment j'étais arrivée là, face à cette grange qui me semblait familière. Je pouvais entendre des voix d'enfants qui provenaient de l'arrière de la construction. Au détour d'un coin, j’aperçus un garçon et une fille, à cette distance je devinais qu'ils étaient en train de se chamailler mais impossible de savoir à propos de quoi. Je n'arrivais pas à me concentrer sur le visage des deux enfants, ils m'apparaissaient floutés.

 

« Tu ne sers à rien. », s'écria le garçon.

 

La fille le poussa contre le mur et se mit à l'étrangler, à ce moment là je réalisai que c'était moi. Moi et mon frère. Ce fameux moment qui changea tout.

 

Une femme apparut vociférant sur la jeune fille et un homme accourut pour séparer les deux enfants.

 

« Il n'a eu que ce qu'il mérite. », glissa une voix dans mon dos.

 

Je tournai la tête et elle était là… Iltiah. Les bras croisés et sourcils froncés elle fixait la scène qui se déroulait devant nous. Le temps que je me retourne pour me confronter à ce souvenir tout le monde avait disparu, plus de mère hystérique me criant dessus, plus de petit frère qui pleurait, plus de père me plaquant contre le sol. Juste moi et Iltiah.

 

Le décor du rêve changea, on se trouvait au milieu d'une prairie d'herbe hautes. Très hautes même, en regardant sous mes pieds je réalisai que je me trouvais sur une sorte de passerelle ou sentier de planches de bois qui surplombait cette prairie. Impossible de voir le sol de cette hauteur, j'en conclus qu'il ne s'agissait pas d'herbes hautes mais bien d'immenses herbes, on devait être à plusieurs mètres au-dessus du sol. Ne reconnaissant absolument pas le lieu j'en déduisis que c'était la Sirathienne qui était à l'origine de cette projection. Je me demandai si cette prairie était la même que celle qui avait été le lieu de notre dernière confrontation sous le couvert de la nuit. Cette immensité était presque déroutante, je devinais à peine des chaînes de montagnes en face de moi et en partie à ma droite. Cette grande passerelle de bois se divisant à certains endroits créant un système d'artères alimentant différentes plateformes et en plissant mes yeux j’apercevais ce qui semblait être des bâtiments au loin à ma gauche.

 

Me tournant enfin face à la Sirathienne, je pris encore quelques secondes pour l'observer, essayant de voir si des détails avaient changé depuis ces deux derniers mois. Puis enfin, ne décelant rien, je m'adressai à elle :

 

« Ça faisait longtemps qu'on ne s'était pas vu Princesse… »

– La faute à qui… Kiki. », me répondit-elle le sourire en coin.

 

Je pouvais voir dans ses yeux qu'elle jubilait en attendant ma réaction. Elle savait que je n'aimais pas qu'elle m'appelle comme ça. Elle s'en était énormément servi lors de nos précédentes rencontres pour dévier les questions que je lui posais. Je roulai des yeux, ignorant sa taquinerie.

 

« Tu sais que je devrais t'en vouloir pour ce qui s'est passé la dernière fois, Prin-cesse

– Oh, je sais très bien Ki-ki… Tu m'en veux toujours, me demanda Iltiah en se rapprochant de moi, la tête relevée et l'air satisfaite.

– Non, mais tu sais que ça aurait pu se finir de pire manière

– Je sais, j'y pense tout le temps. », répliqua-t-elle, sa voix douce se craqua laissant transparaître ses émotions. Mais n'étant pas dupe je lui rétorquai d'un ton irrité :

 

« Vraiment ? »

 

La Sirathienne ne répondit pas tout de suite, elle s'approcha de moi doucement et posa sa main sur ma joue avant de demander :

 

« Tu y penses ? »

– Tout le temps, répondis-je d'une voix cassée. On se regarda quelques instants avant que je pousse ma joue contre sa main pour me défaire de son emprise. Je fronçai les sourcils avant de continuer :

 

« Est-ce que tu comptes t'excuser ?

– Non. Et toi ?

– Non.

– Très bien, comme ça on est d'accord… »

 

Au cours de la conversation, on avait gravité de plus en plus près l'une de l'autre ne laissant maintenant que quelques centimètres entre nous. Mes yeux vairons fixèrent ses yeux flamboyants, la jaugeant. L'atmosphère était tendue et mon corps se raidit prêt à réagir. A quoi ? Je ne savais pas mais les battements de mon cœur s’accélérèrent. Le temps était comme suspendu puis la main droite d'Iltiah apparut de nouveau dans mon champ de vision et se rapprocha de mon visage. Je retins mon souffle jusqu'à ce que je sente ses doigts glisser le long de ma tempe puis passer derrière mon oreille pour remettre une mèche de mes cheveux à sa place. J'étais complètement immobile, je n'osais pas bouger d'un pouce attendant un renversement de la situation mais ce ne fut pas le cas. Sa main s'enfonça dans ma chevelure puis resta au niveau de ma nuque, ses doigts s'emmêlant dans mes cheveux. Mes yeux tombèrent sur ses lèvres et je pouvais deviner un léger sourire en coin. Je sentis sa main glisser doucement dans mes cheveux, les caressant, avant de descendre sur mon épaule puis passer sous le col de ma tunique le tirant légèrement sur le côté de mon épaule révélant le bandage protégeant ma blessure.

 

« Tu devrais faire plus attention à toi Kiki, c'est un peu dommage de chercher à tutoyer la mort à cause de ton mal être… », murmura-t-elle, son pouce caressant le bandage. Je ne pouvais même pas prétendre que la chaleur qui me montait au visage était dû à la chaleur provenant d'Iltiah.

 

A ses mots, je dégageai la main d'Iltiah de mon épaule et me raclai la gorge en me reculant pour garder mes distances avec elle.

 

« En ce moment c'est le seul moyen pour me faire ressentir quelque chose alors… », répondit-je en haussant d'une épaule.

 

Me sentant mal à l'aise je lui tournai le dos, je marchai le long du chemin observant le vent jouer avec la végétation nous entourant.

 

« Je suis en route pour Sildi Han. », lui lançai-je par dessus mon épaule et l'espace d'un clignement d’œil, la prairie se transforma en désert.

 

Me retournant pour observer sa réaction je vis que son visage ne laissait passer aucune émotion mais sa voix tremblotante trahit sa panique :

 

« Comment ça tu es en route pour Sildi Han ?

– J'accompagne une expédition d'Académiciens jusque là-bas.

– Ils n'ont toujours pas laissé tomber… », murmura la princesse, se regard balayant le paysage avec ce qui semblait être de la mélancolie. Puis l'illusion se transforma de nouveau en un désert pendant une seconde, comme si penser à Sildi Han la déconcentrait. Elle se reprit, la prairie verdoyante reprenant place, puis se tourna vers moi :

 

« Tu devrais faire demi-tour, ça ne sert à rien d'y aller. Si tu cherches des réponses sur les Démons Sirathiens tu ne les trouveras pas là-bas. Il ne reste que des ruines. Les Académiciens s'obstinent à vouloir déblayer les tunnels pensant trouver des vestiges précieux mais tout a disparu. C'est la ville qui était prestigieuse pas ses tunnels.

– Est-ce que tu me dis ça parce que tu as peur de ce que je vais apprendre sur ton peuple en allant là-bas ?

– Si tu veux vraiment avoir des réponses sur les Sirathiens il vaut mieux s'adresser directement à eux plutôt que de lire des récits d'Académiciens qui croient détenir tout le savoir.

– Dans ce cas là pourquoi tu ne veux pas répondre à mes questions ? »

 

Elle rigola doucement à ma remarque, on s'était mises à marcher côte à côte sur la passerelle, dos aux chaînes de montagnes.

 

« Ah oui, tes fameuses questions qui étaient de me demander ce que je faisais dans tes rêves… Tu n'as aucunement mentionné les Démons de Sirath. Tu étais beaucoup plus curieuse sur ma possible mort que sur mon peuple

– Bien sûr que je suis curieuse sur les raisons de ta présence ! Mais tu n'as rien voulu me dire donc forcément que j'ai dû commencer à m'intéresser aux Sirathiens. Je me disais que peut-être ce qui se passait entre nous était quelque chose de commun pour toute ton espèce. »

 

Un silence s'installa, à côté de moi Iltiah tenait ses mains derrière son dos, son regard fixait le chemin devant nous. Elle était là sans être là. Elle semblait perdue dans ses pensées puis je la vis se pincer les lèvres, ouvrir la bouche puis la refermer. Elle hésitait à me dire quelque chose. On marcha quelques minutes en silence, soudain elle se racla la gorge et se mit à parler :

 

« Les hommes se sont toujours trompés sur les Démons Sirathiens, nous ne sommes pas immortel. C'est juste qu'on peut mettre énormément de temps à mourir. Même en étant gravement blessé, chaque cellules de notre corps continuent de se battre. On peut survivre à la mort mais mourir à proprement parler peut prendre des jours, des semaines voire des mois. C'est pour quoi on préfère mourir auprès des nôtres. Ils savent ne pas nous enterrer trop tôt. »

 

Surprise par la confession de la princesse, je pris mon temps avant de lui partager mes questionnements.

 

« Est-ce que c'est ce qui t'es arrivée à Irliscia ? Tu es morte là-bas et tu es « revenue » à la vie, peut-être même plus d'une fois. Tu étais encore en vie mais trop gravement blessée pour que ton corps se soigne. C'est pour ça qu'aucun corps n'a été retrouvé et qu'Orus est reparti à Leiden. De cette façon tu as pu mourir auprès des tiens. Mais ça n'explique pas pourquoi je te vois si tu es morte. Ou alors tu n'es pas encore morte et par je ne sais quelle magie on s'est retrouvée « connecté ». »

 

Le rire d'Iltiah me coupa dans ma théorisation et je la regardai confuse. Elle me sourit avant de tapoter mon front avec son index.

 

« Je vois que c'est quelque chose auquel tu as beaucoup réfléchi mais je crois qu'il est temps que je te laisse.

– Maintenant ? Tu ne vas quand même pas partir après ce que tu viens de me dire, m'insurgeai-je.

– C'est exactement ce que je vais faire Kiki… », répliqua Iltiah en m'adressant un clin d’œil.

 

L'illusion s'arrêta, on se retrouva dans un espace vide complètement noir. La princesse Sirathienne s'éloignait de moi puis se retourna pour s'adresser à moi une dernière fois.

 

« Fait attention à toi Kiwae, ça fait un certain temps qu'on ne sait pas vu ici donc je me doute que tu m'évitais mais je sais que je n'en suis pas l'unique raison. Je ne sais pas si je serai toujours là pour te sortir de tes cauchemars alors il va falloir que tu apprennes à les affronter seule s'ils persistent. Peut-être qu'aller à Sildi Han n'est pas une si mauvaise chose… », admit-elle avant de se retourner et disparaître.

 

Je me retrouvai alors seule avec mes pensées et avec les dernières paroles d'Iltiah en tête, le décor changea brutalement. Une odeur de mélèzes brûlés me parvint et je commençai à paniquer.

 

Non, non, non.

 

Je fermai mes yeux essayant d'occulter la vision de ma maison d'enfance.

 

Réveilles-toi... Allez, réveilles-toi !

 

Ouvrant le yeux pour voir si ça avait marché je me retrouvai nez à nez avec ma mère un sourire aux lèvres qui paraissait presque inhumain.

 

« Non ! S'il-te-plaît ! », m'écriai-je brutalement, ce qui eu pour effet de me faire réveiller en sursaut, haletante et le cœur battant la chamade.

 

Je passai les prochaines minutes à reproduire des techniques de respirations pour m'éviter une crise de panique tout en espérant que mes cris étaient restés dans le monde des songes. Je réalisai que dans mon sommeil, j'avais dû me tourner sur mon côté gauche et mes blessures à mon épaule et mon flanc me faisant souffrir, passant ma main droite dessus j'essayai de faire diminuer la douleur avec un soin mineur.

 

Il fut impossible de me rendormir après ça et je passai le restant de la nuit à me remémorer la discussion avec Iltiah en me demandant pourquoi elle avait finalement changé d'avis sur ma présence à Sildi Han.

Modifié (le) par Kiwae
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  • 3 weeks later...

Chapitre 9:

 

Période Azura, le 01 [+111 AC], heure solaire 06h : 43min

 

Les deux jours qui suivirent l'incident avec les brigands et la visite d'Iltiah se déroulèrent sans encombres. Le convoi avança à un bon rythme dans une longue vallée qui se situait entre deux chaînes de montagnes et qui nous emmenait à la bordure du désert des Akhs. Je pris soin de rester aux côtés d'Emak et de suivre ses instructions le temps que mes blessures soient complètement cicatrisées. La tension était retombée avec les soldats de la Garde mais j'avais préféré garder mes distances avec eux.

 

Au matin du cinquième et apparemment dernier jours de périple, le campement se réveillait doucement alors que je me décidai de me lever et de me préparer pour la journée. En sortant de la tente, je vis des soldats déjà à cheval prêt à partir en éclairage et quelques itinérants qui s'affairaient autour de chariots. Dassrlor et ses apprentis servaient le petit déjeuner aux premiers levés, en arrivant à leur hauteur mes sens furent submergés par une odeur de cannelle et de vanille qui me firent saliver. Le jeune orphelin devenu apprenti cuisinier – j'avais appris qu'il se prénommait Hermag – me servit, le sourire aux lèvres, un bol rempli à ras bord de gruau d'avoine au miel avec des morceaux de pommes et de fruits sec.

 

M'asseyant sur une tronc d'arbre à côté des restes d'un feu de camp de la veille dont il ne restait que des braises, je sentis quelqu'un s’installer à côté de moi. J'allais me tourner pour dire à cette personne que je ne voulais pas être dérangée quand j'entendis la voix d'Emak m'adressant la parole avec la bouche pleine de porridge :

 

« Wow, t'as vraiment une mine de déterré… »

 

Je me mis à m'étouffer en l'entendant, surprise parce ce qu'il venait de me dire. Je sentis la main d'Emak dans mon dos prêt à réagir mais je pus avaler et après m'avoir donné une tape affectueuse dans le dos, retira sa main.

 

« Si j'avais su que je pouvais avoir ce genre de réaction, je te l'aurais dit bien plus tôt, continua-t-il en rigolant.

– T'es qu'un connard tu sais

– Je sais, c'est une de me nombreuses qualités. »

 

Il m'adressa un clin d’œil alors que je roulais des yeux et on continua de manger notre porridge dans un silence confortable après ça. Une fois mon bol fini, je lui promis qu'on se retrouverait plus tard quand le convoi serait en route. Passant vite fait voir Mya à sa caravane, elle vérifia l'état de mes blessures avant que je puisse m'occuper de ranger mes affaires et prendre mon cheval. Moins d'une heure plus tard le convoi retourna sur la route pour poursuivre le périple.

 

Il y avait une certaine tension parmi les Académiciens et les soldats de la Garde à l'approche du désert. Quand j'avais questionné Emak, il s'était tourné vers moi la mine sérieuse et s'était contenté de me dire que je comprendrai bien assez tôt. Il me précisa que Julyan Croft donnerait ses ordres et ses instructions le moment venu et que c'était impératif que je les respecte.

 

Je passai donc une partie de la matinée à ruminer les paroles du guerrier en me demandant ce qui nous attendait à Sildi Han. La vallée s'élargit, les montagnes ne nous surplombant plus. La forêt de séquoias laissa place à une prairie avec sa succession de collines basses, l'herbe d'un vert pomme y était parsemée de fleurs multicolores. En fin de matinée on devinait les courbes des dunes de sables se dessiner, on pouvait voir que le sable commençait à se mêler à la végétation de la prairie et après une heure d’avancée on y était. Le désert des Akhs se trouvait devant nous. Le convoi s'arrêta, attendant le retour des éclaireurs partis bien en amont du convoi et qui devaient revenir des alentours de Sildi Han. Les soldat ne tenaient pas en place, vérifiant leurs armes ou affûtant leurs lames. On sentait une sorte de trépidation parmi eux. Maître Strochnis et Julyan Croft étaient en pleine discussion au-dessus d'une dune, regardant en direction du Nord avec attention.

 

Une demi-heure plus tard, cinq cavaliers revinrent près du convoi et après une courte discussion avec le capitaine de la Garde et le Chef de l'expédition, tous les soldats furent appelés à se rassembler afin de recevoir leurs ordres. Julyan croft s'avança et pris la parole, le ton grave :

 

« Je sais que je me répète chaque année mais il est important que je fasse un point sur la situation à laquelle nous allons être confrontés. Nous voici à quelques heures de notre arrivée à Sildi Han et comme la plupart d'entre vous le savent les sites où ont vécu les Sirathiens s'avèrent être des zones particulièrement dangereuses. L'exploration de Sildi Han a été pendant longtemps interdite à cause de ça. Les Académiciens ont passé de nombreuses années à nettoyer les restes de la cité. Il s'agit maintenant d'une mission aussi bien d'exploration que de « nettoyage » des créatures qui hantent la zone et qui continuent d'y rôder. Les années de magie noires ayant eu un effet terrible sur tout le royaume de Sirath, que ce soit au niveau du paysage ou des créatures qui y apparaissent en permanence dû aux résidus de magies. »

 

L'assemblée silencieuse écoutait avec attention le discours du Capitaine de la Garde et ses instructions.

 

« Comme à chaque fois nous allons envoyer un groupe pour s'occuper des créatures errantes en amont de l'arrivée du convoi. Gardez en tête que vous en laisserez forcément, il s'agit plus d'éliminer les monstres qui se sont regroupés plutôt que ceux qui errent seuls, une fois les pièges en place nous n'aurons pas à nous en occuper même si ça ne veut pas dire qu'on pourra baisser notre garde. Vous vous répartirez dans les cinq zones prédéfinies de Sildi Han avec cinq personnes par secteurs. Maître Ektor Strochnis et Maître Tenthor Pah se joindront à vous pour le secteur d'accès aux tunnels. Il me faudra donc trois personnes expérimentées pour les accompagner. »

 

Je sentis Emak me prendre le poignet, le lever et d'une voix puissante déclarer :

 

« Je suis volontaire avec Kiwae pour accompagner nos mages vers les tunnels ! »

– Je ne sais pas pourquoi mais ça ne m'étonne même pas…, Julyan Croft ne laissait rien transparaître mais je devinai une lueur amusé dans ses yeux. Si Maître Strochnis n'y voit pas d'inconvénients alors je suppose que vous pouvez les accompagner.

– Ce serait un plaisir d'être accompagné par notre jeune rôdeuse de l'Alliance et évidemment Emak tes talents sont toujours très utiles dans cette partie délicate de notre mission, répondis Maître Strochnis d'une voix calme et caverneuse en nous adressant un signe de tête.

– Et bien si c'est réglé il ne vous restera plus qu'à trouver un dernier soldat pour vous accompagner. Une fois les groupes formés cela laissera donc sept soldats et moi-même pour surveiller le convoi. »

 

Le Capitaine de la Garde continua de parler pendant une dizaine de minutes pour nous montrer chaque secteur à couvrir en nous sortant une copie d'un plan de Sildi Han réalisé par l'archéologue Syriac Dankone. Chaque groupe devait s'occuper d'un quart de l'ancienne cité. Il y avait le quart Est qui correspondait au quartier commerçant, le quart Ouest celui des écuries et des étables, le quart Nord réservé au savoir et le quart Sud lieu qui avait abrité tout l'artisanat Sirathien. Pour notre groupe il s'agissait d'atteindre le centre de Sildi Han à l'emplacement du palais et ses multiples entrées permettant d'accéder au labyrinthe souterrain. Une fois les consignes données tout le monde s'affaira sur le camp afin de se préparer au départ.

 

Après avoir pris des en-cas à manger avant de partir, je remontai sur mon cheval pour rejoindre Emak qui était déjà aux côtés d'Evsek. Moi qui avait crû que le guerrier ne s'entendait pas avec lui, il s'agissait en fait de tout le contraire. Ils s'entendaient même trop bien, ce que j'avais appris à mes dépends durant les deux derniers jours. Evzek était du même âge qu'Emak, il avait les cheveux bouclés d'un blond vénitien et était plus svelte qu'Emak. Le soldat était en train de virevolter en maniant une de ses lances.

 

« Est-ce qu'il ne serait pas préférable que tu gardes tes forces ? lui lançai-je en arrivant à leur hauteur.

– Il faut bien que je m'échauffe un peu avant. »

 

Il m'adressa un clin d’œil avant de s'arrêter. Emak secoua la tête avant de nous faire signe que les Académiciens arrivaient et Evzek monta sur son cheval pour qu'on ne perde pas de temps à se mettre en route. Une fois tous les groupes prêts, on partit en direction du Nord. Pour nous diriger on suivait des sortes de piliers métalliques qui servaient de repères à la façon de cairns. Tous les soldats étaient silencieux, concentrés sur la tâche qui nous incombait. Il nous fallut qu'une demi-heure avant de commencer à apercevoir des semblants de ruines. Emak m'expliqua qu'il s'agissait des ruines du premier mur d'enceinte. Je pouvais voir que toute l'ancienne cité Sirathienne était délimitée par les mêmes piliers métalliques qu'on avait suivit jusque là et du haut de la dune où l'on se trouvait cela nous donnait une idée de la taille de la ville. A partir de là, les groupes se séparèrent en arc de cercle longeant les piliers pour rejoindre le secteur qu'ils devaient couvrir.

 

En s'approchant plus près des ruines du mur d'enceinte, notre groupe arriva vers deux piliers beaucoup plus haut que les autres et Maître Strochnis m'expliqua qu'ils servaient à indiquer l'emplacement des portes d'entrées à la cité. Face à nous aurait dû se trouver la porte de Saphir, l'entrée sud-ouest de Sildi Han. Plus on approchait, plus un sentiment de malaise m'envahit. Malgré que les soleils soient à leur zénith et qu'il fasse chaud, il y avait une sensation de noirceur et de froid qui entouraient ce qui restait de la cité Sirathienne.

 

On naviguait prudemment entre les ruines, traversant ce qui avait été jadis le quartier des artisans, en direction du palais qui devait se trouver au nord-est de notre position. Je surveillais les environs avec attention tout en ayant l'impression que l'on était observé. Au détour d'un bout de pan de mur Emak leva sa main pour nous stopper. En face de nous se tenait des fiélons cracheurs de feu à la silhouette canine, leurs formes redoutables étaient recouvertes d'une courte fourrure couleur charbon et leurs yeux brillaient de rouge. De leur bouche s'échappait de la fumée et on sentit une odeur de souffre dans l'air. J'entendis Emak me souffler qu'il s'agissait de molosses infernaux et de me préparer à attaquer à distance pour ne pas les laisser s'approcher à portée de leur souffle de feu.

 

Les molosses nous avaient eux aussi repéré, quatre fiélons nous approchaient doucement. Evzek était en train de manipuler une des lances avant de se mettre en position prêt à l'envoyer pendant qu'Emak chargeait une arbalète. Une sorte de voile se manifesta devant nous, du coin de l’œil je vis que Maître Strochnis avait une main levée. J'encochai une flèche et au signal d'Emak, deux flèches se fichèrent dans la tête d'un molosse pendant qu'une lance transperça le corps d'un autre. Les deux molosses restant se mirent alors à courir dans notre direction, une deuxième volée de flèches terrassa le fiélon le plus proche pendant qu'Evzek partit au galop épée à la main. A moins de cinq mètres du dernier molosse celui-ci se mit à exhaler du feu mais le voile de protection dispersa les flammes devant Evzek et celui-ci abattit son épée coupant la tête du molosse. On se rapprocha et les Académiciens vérifièrent que les fiélons étaient bien mort avant de continuer notre route.

 

Le Capitaine de la Garde était resté assez vague sur les créatures qui rodaient et je me décidai de questionner Maîtres Strochnis à ce sujet. Il rigola doucement puis me révéla que Julyan Croft était beaucoup plus alarmiste que la situation ne l'était. Les résidus de magies noires s'étaient énormément dissipés au fil des années et les créatures qui réussissaient à réapparaître n'étaient plus aussi dangereuses qu'auparavant même s'il fallait rester vigilant car les monstres avaient tendance à rester groupés ce qui pouvait être gênant après un an sans ce qu'il appelait une « régulation des populations ».

 

On croisa la route d'un naja – serpent massif s'élevant sur six mètres dont ses écailles étaient d'une teinte dorée-verdâtre avec une collerette jaune sur toute la longueur de son corps – il nous avait pris par surprise et on avait dû éviter de justesse ses crocs venimeux s'abattant sur nous. Heureusement, les sorts des mages n'en firent qu'une bouchée. Puis plus tard on aperçut un otyugh mais il ne repéra pas notre présence. Il s'agissait d'une créature avec un corps boursouflé d'environ deux mètres de large, reposant sur trois pattes d'éléphant traînantes et ayant une peau dégoûtante. Il avait trois longues tentacules qui étaient recouverts d'épines grossières et se terminaient par des coussinets en forme de feuilles portant des rangées de pics. La tentacule qui surgissait du haut de son corps avait par ailleurs une paire d'yeux et le corps de la créature contenait une bouche massive remplie de crocs.
 

Après une vingtaine de minutes à traverser ce qui fut la partie bourgeoise de la cité, des piliers indiquait qu'on s'approchait des ruines du palais. En effet, devant nous se dressait sur à peine une dizaine de mètres de hauteur les restes des tours qui l'entourait. Malgré les années et le peu qu'il restait, elles se teintaient toujours de vert pour celle au sud-ouest et de bleu pour celle au sud-est. On passa sous une grande arche de marbre et devant nous se trouvait encore des ruines.

 

Uniquement des ruines… Et du sable. Beaucoup de sable.

 

Il était difficile d'imaginer qu'on se trouvait à l'emplacement du joyau du Royaume de Sirath. On s'enfonçait un peu plus dans les décombres, jusqu'à ce qu'on arrive vers des parties moins endommagées. Les passages que l'on prenait nous faisaient descendre à ce qui semblait être des étages inférieurs, jusqu'à ce qu'on se retrouve dans un large espace avec de multiples entrées. Emak, Evzek et les Académiciens descendirent de cheval, je les suivis glissant de mon cheval notant à peine le craquement sous mon pied.

 

Deuxième craquement.

 

Troisième.

 

Baissant mon regard sur le sol, je me rendis compte qu'il était jonché d'ossements à moitié enfouis sous le sable. Il y en avait partout. En m'agenouillant, j'extirpai du sable un crâne fendu. Il avait toutes les caractéristiques d'un crâne d'humanoïde et je grimaçai en le reposant.

 

Les Académiciens étaient en pleine discussion avec Emak et Evzek autour d'une sorte de pilier de métal et je décidai d'inspecter les lieux de mon côté. Je m'approchai d'une des ouvertures qui semblait avoir été en partie restaurée. Les restes macabres étaient plus nombreux et donnaient l'impression de marcher sur un ossuaire. Traversant une arche dorée, je me retrouvai dans une immense salle vide à l'exception d'un trou béant d'une dizaine de mètres de diamètre et qui permettait sûrement d'atteindre les différents étages des tunnels. Je m'en approchai avec précaution. Il s'enfonçait dans d'inquiétantes ténèbres tandis que la lumière pleuvait depuis les hauteurs.

 

Je fis le tour du puits, essayant d'en deviner la profondeur je donnai un coup de pied dans un caillou se trouvant au bord. Je me penchai au-dessus du vide prêtant l'oreille pour entendre le bruit du choc de la roche touchant le fond.

 

Dix secondes passèrent.

 

Puis vingt-cinq secondes.

 

Puis cinquante

 

Aucun bruit.

 

Soit j'ai loupé le bruit soit le puits est si profond que le caillou n'a toujours pas atteint le fond. Je crois que je préfère la première hypothèse

 

Soudain, un choc dans mon dos me précipita dans le vide puis tout de suite après j'éprouvai une violente douleur dans ma nuque. Quelque chose m'agrippait dans le dos je pouvais sentir des griffes s'enfoncer sur mes épaules et le bas de mon dos. Mon corps tombait de plus en plus vite dans ce puits sans fin. Je sentais la respiration putride de la créature dans mon dos mais n'arrivais pas à reprendre le contrôle de mon corps pour m'en débarrasser tant j'étais paralysée par cette noirceur qui m'entourait.

 

La chute fut aussi brève qu'effrayante. Avant même de pouvoir réagir, mon corps devint aussi léger que l'air et je cessai de tomber pour flotter doucement vers le bas. Au même instant, une multitude de points bleutés s'allumèrent sur les parois du puits et l'obscurité reflua. Un grognement me fit sortir de ma torpeur et je pris dans ma main droite le couteau accroché à ma cuisse pour donner des coups dans mon dos, un cris atroce se répercuta sur les parois du puits alors que je sentis la pression se relâcher dans mon dos. Je tentai de me retourner mais ce système de flottement était très perturbant et après quelques secondes je réussis à faire face à la créature qui m'avait attaqué. Je vis qu'il s'agissait d'une sorte de singe à la fourrure hirsute noir avec de longs crocs et de longues griffes. Après un coup de couteau dans la tête pour l'achever, la créature cessa de bouger mais continua de flotter à la même vitesse que moi.

 

L'effet de surprise passé, je commençai à regarder autour de moi, je croisai plusieurs paliers au cours de la descente mais je n'arrivais pas à me rapprocher d'un bord du puits pour y prendre pied. Après plusieurs minutes de flottement, les étages continuaient à défiler. J'aperçus au passage des couloirs qui s'enfuyaient, rectilignes ou au contraire incurvés, avant de se ramifier. La lueur bleutée irradiant des murs offrait une lumière diffuse qui contribuait au mystère régnant sur les lieux. En regardant en direction du sol, je m'aperçus que je commençai à le voir. La réception se fit en douceur et je me mis sur mes gardes immédiatement, encochant une flèche prête à la tirer.

 

Plusieurs passages s'offraient à moi, déserts. Ma curiosité prenant le dessus, je décidai d'emprunter un corridor à ma gauche.

 

Des lueurs bleutées s'allumèrent à mon passage éclairant un peu le couloir. Je remarquai l'empreinte de mes pas s'inscrire dans l'épaisse couche de poussière déposée sur les dalles au sol. Ne sachant pas exactement où aller, je me décidai de faire demi-tour pour revenir à mon point de départ lorsque que j'entendis une plainte.

 

« A l'aide ! S'il vous plaît… », suppliait une voix féminine.

 

Je n'arrivai à savoir d'où la voix provenait.

 

« Aidez-moi ! »

 

Je commençai à entendre le bruit de sabots en même temps que les cris et ne perdis pas de temps, continuant d'avancer dans le couloir en me disant que ce devait être la direction la plus probable. Je vérifiai chaque pièce que je pouvais accéder à mon passage. Je ne trouvais rien. Pourtant j'avais l'impression de me rapprocher.

 

« S'il vous plaît ! Aidez-moi ! »

 

Les bruits de sabots continuaient d'approcher, je fis le choix de ne pas répondre à la personne qui criait en espérant la trouver avant la créature et pour créer un effet de surprise si j'arrivais après. Il y avait une intersection à une dizaine de mètres devant moi mais avant que je ne l'atteigne, je vis une ombre bouger venant de la droite.

 

Le bruit lent de sabots se répercuta jusqu'à moi. Puis je vis une patte passer l'intersection.

 

Une deuxième.

 

La tête de la créature apparue puis le reste de son corps.

 

Je ne bougeai pas d'un fil, tétanisée par la vision d'horreur qui se trouvait face à moi. Je priai pour que la personne en danger s'arrête de crier et ne révèle sa position.

 

Et là… La gueule du monstre s'ouvrit :

 

« A l'aide ! Aidez-moi, s'il vous plaît ! »

 

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  • 2 weeks later...

Chapitre 10 :

 

C'est quoi cette abomination !

 

Je fixai la créature avec appréhension, elle faisait plus de deux mètres de long et était un mélange de diverses créatures. La tête ressemblait à celle d'un rosanglier mais il lui manquait tellement de peau qu'on voyait pour une grande partie son crâne, mettant en avant sa mâchoire et ses crocs. Le reste de son corps semblait être un croisement entre un cerf et un félin. Les pattes de cerf se terminaient par des sabots fendus, le reste de son corps bien que massif apparaissait squelettique en l'absence de fourrure serrée, seul la queue était touffue. La peau visible avait une apparence huileuse et putride, de couleur noire et brune.

 

« A l'aide ! »

 

La gueule ouverte laissait des filets de baves couler le long de sa mâchoire, je remarquai alors que les yeux rouges injectés de sang était renfoncés dans leurs orbites et probablement inutiles à la vision. Une puanteur se dégageait de la créature, une combinaison de liquide digestif et de charogne. La tête penchée, le monstre renifla dans toutes les directions, avant d'ouvrir sa gueule à nouveau.

 

« Aidez-moi ! ».

 

On dirait que la créature imite les cris d'une personne… Mais si elle l'imite est-ce que ça veut dire qu'elle l'a tué et qu'elle s'en sert pour trouver de nouvelles proies ?

 

Je décidai de rebrousser chemin doucement, marchant à reculons pour garder un œil sur la créature. Mes mouvements ne semblaient pas attirer son attention, me confortant dans l'hypothèse que le monstre était aveugle et devait se servir de son odorat et de son ouïe pour repérer des proies.

 

Un pas en arrière.

 

Deux pas.

 

Troisième.

 

Crac !

 

Mon pied écrasa un os, le bruit se répercutant dans le couloir. Le monstre se tourna dans ma direction, renifla l'air puis s'élança vers moi. Je bandai mon arc, tirant une flèche dans son crâne puis une deuxième mais cela ne sembla pas perturber ni ralentir la progression de la créature. Si je ne pouvais pas le tuer il ne me restait alors que la fuite, je tournai les talons et me mis à courir, le couloir me semblant beaucoup plus long à parcourir maintenant que j'avais une créature aux trousses et qui par la respiration et l'odeur était en train de me rattraper.


Le bruit de sabots résonnait dans mes oreilles et à une vingtaine de mètres du puits gravitationnel je sentis que je n'arriverai pas à l'atteindre à temps. Soudain provenant de la salle circulaire, je vis Emak et Ektor Strochnis atterrirent gracieusement sur le sol, le bruit de sabots attirant leur attention dans ma direction. L'Académicien s'avança – son grand bâton de bois ferré couvert de runes et de symboles dans sa main droite  avant de s'écrier :

 

« Kiwae, allonge-toi au sol maintenant ! »

 

J'eus à peine le temps de me jeter à terre, que le mage fit pivoter son bâton avant de le taper sur sol puis de diriger la pointe du bâton dans ma direction. Un rayon de foudre formant une ligne se propagea dans le couloir. Même en étant au sol, des filets d'éclair se déployaient hors du rayon principal comme des racines cherchant de l'eau. Au passage de l'éclair au-dessus de moi, mon corps fut traversé par certains de ces prolongements. Je ressentis une sensation de froid intense puis des picotements. J'entendis les cris de souffrance de la créature derrière moi au moment de l'impact du rayon avant que le silence ne revienne.

 

Tout cela s'était déroulé en un claquement de doigts, une seconde avant je courrais et maintenant j'étais allongée au sol, souffle coupé avec des sensations de brûlures sur mon corps. Ma cage thoracique semblait figée et il me fallut plusieurs dizaines de secondes avant que j'arrive à me remettre à respirer.

 

C'était quoi ce truc !

 

Je me relevai avec difficulté et une fois debout, mon corps appuyé contre un mur du couloir, je regardai en direction de la créature et ne vis qu'une trace noire avec des cendres autours. Le rayon de foudre l'avait littéralement désintégré.

 

Bordel

 

Avec une main contre le mur pour support, je commençai à marcher vers Emak et de Maître Strochnis. A chaque pas, je sentais comme des décharges électriques me parcourir le corps.

 

« Kiwae, attends je vais t'aider. », m'annonça Emak en courant vers moi.

 

Il se précipita vers moi et une fois à ma hauteur passa un bras autour de ma taille pour me soutenir et m'aider à avancer.

 

« Et bien, tu nous as encore fait une sacrée frayeur. », m’annonça le guerrier d'un ton amusé même si je sentais qu'il était inquiet.

 

Au lieu de lui répondre je grognai de mécontentement et aussi un peu de douleur. Revenant à la pièce circulaire Maître Strochnis me regarda d'un air contrit.

 

« Je suis désolé, j'ai dû agir en vitesse et tu as été un dommage collatéral de mon sort.

– Il n'y a pas de mal, ce qui compte c'est qu'il a été efficace. »

 

L'Académicien s'approcha de moi pour m’ausculter et ne remarquant pas de séquelles, me soigna avec l'un de ses sorts. Je lui adressai un sourire reconnaissant puis on se dirigea au centre du puits gravitationnel. Emak me tint par le bras en regardant en direction de la surface et quelques secondes après on commença à s'élever doucement.

 

Quelques minutes d'ascension plus tard et d'un pas de côté Emak me dirigea hors du puits gravitationnel. De retour dehors, je fus assailli par la chaleur du désert et la différence de luminosité. On rejoignit Maître Tenthor Pah et Evzek qui se tenaient à côté du pilier métallique, Ektor Strochnis leur indiqua que je m'étais faite attaquer par un leucrotta dans le tunnel :

 

« Il est tout à fait possible qu'on soit confronté à d'autres leucrottas lors de nos fouilles, on aura intérêt à faire attention.

– Je crois que le plus simple serait de mettre un sort de protection en place et éviter de trop se disperser dans les tunnels. Pour l'instant les balises pièges devront suffirent. », répondit Maître Tenthor Pah.

 

Ektor Strochnis acquiesça et quelques minutes plus tard, je vis Tentor Pah avec une sorte de cylindre métallique dans les mains. En observant les deux mages côte à côte en pleine discussion ils donnaient l’impression d'être de la même famille. Outre leur nom qui était différent, le seul contraste flagrant venait du fait que Tenthor Pah avait les cheveux et la barbe noir de jais mais pour le reste ils étaient physiquement très semblable. Tentor Pah se dirigea vers le tunnel que j'avais emprunté, expliquant qu'il allait placer la balise au fond du tunnel au cas où d'autres leucrottas s'y trouvent. Je demandai à Emak à quoi ces balises servaient et il m'expliqua qu'elles contenaient des résidus de magie noire qui permettaient d'attirer les créatures elles-mêmes composées de ces résidus. Une fois la créature se trouvant dans un rayon de dix mètres celle-ci se trouvait alors prise au piège. Maître Tentor Pah revint du puits gravitationnel et on passa une bonne heure à mettre en place ces fameuses balises à des endroits stratégiques du palais. Une fois cela fait, on put repartir de Sildi Han pour rejoindre le convoi à l'extérieur des ruines du mur d’enceinte.

 

Le trajet se déroula sans encombres, on croisa un groupe d'éclaireurs sur le chemin qui venait de tuer des molosses infernaux. Tout le monde paraissait plus détendu qu'à l'aller et ça se ressentait dans l'atmosphère du groupe, le silence avait laissé place à des conversations, les soldats comparant leurs plus belles prises. Emak se fit un plaisir de raconter ma rencontre avec le leucrotta et je vis dans le regard de certains soldats une pointe de jalousie à l'idée d'avoir vu cette créature d'aussi près mais aussi de respect pour avoir fait face à un monstre aussi dangereux.

 

Lorsqu'on arriva enfin à hauteur du convoi, on pouvait apercevoir les itinérants commencer à installer le campement qui serait notre lieu de vie pour les trois prochains mois.

 

Les groupes d'éclaireurs firent leurs rapports à Julyan Croft, celui-ci semblait satisfait de la situation. D'après les premières constations il n'y avait pas autant de monstres que l'année précédente mais il insista sur le fait que nous devions rester vigilant.

 

Le restant de la journée tout le monde fut réquisitionné pour l'installation du camp, notamment pour ériger des grandes tentes afin d'entreposer le matériel de fouilles des Académiciens. Au fur et à mesure le camp ressemblait de plus en plus à un village de nomades Tamahaq qui étaient connus pour vivre dans le désert des Akhs.

 

En fin d'après-midi tout était fini, chacun put vaquer à d'autres occupations et je décidai de prendre un peu de temps pour me reposer dans ma tente. Je sortis un carnet et commençai à y écrire un journal de bord, essayant de cataloguer les événements importants des derniers jours mais aussi mes rêves. J'essayai de me dire que peut-être en les décrivant j'arriverai à en comprendre le sens. Mes pensées divaguèrent vers Iltiah et sans m'en rendre compte, je m'étais à mise à faire un croquis de son visage. Je ne vis pas le temps passer, si bien que je fus surprise lorsque que j'entendis quelqu'un se racler la gorge à l'entrée de ma tente.

 

Mya se tenait devant les pans de la tente que j'avais relevé pour avoir vue sur l'extérieur, elle m'adressa un signe de main en regardant le dessin d'Iltiah qui prenait forme sur une page de mon carnet.

 

« Bonsoir Kiwae, j'espère que je ne te dérange pas.

– Hey Mya, tu ne me déranges pas du tout, répondis-je en fermant d'une main mon carnet, est-ce que tu as besoin de quelque chose ? Regarder l'état de mes blessures ?

– Oh, non je ne venais pas pour ça et comme je te l'ai dit ce matin plus besoin de mettre quoi que ce soit sur tes blessures elles sont parfaitement cicatrisées. Je voulais savoir si tu comptais te joindre à nous, quand je dis nous c'est tout le monde. On va faire un gros feu de camp pour qu'on se réunisse tous autour et célébrer notre premier soir à Sildi Han. C'est une tradition, ça permet de resserrer les liens du groupe et faire connaissance aussi. Je sais que tu préfères rester seule mais ça nous ferait très plaisir si tu te joignais à nous, Emak t'a déjà réservé une place à côté de lui.

– Si c'est une tradition alors je ne voudrais pas la louper. », répondis-je nonchalamment.

 

Le visage de Mya s'illumina à ma réponse et elle me fit un grand sourire. Je me relevai et à peine je mis un pied hors de la tente que Mya me pris la main pour m'entraîner jusqu'au feu de camp.

 

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  • 4 weeks later...

Chapitre 11 :

 

A l'approche du centre du campement, je pouvais déjà entendre des éclats de voix et de rire me parvenir et Mya tira sur ma main pour qu'on accélère le pas. On était parmi les dernières à arriver, je vis Emak me faire de grands signes pour que je vienne à ses côtés. Je pris place sur un banc de bois et me retrouvai entre Emak et Mya. Ses parents étaient à notre gauche et Evzek était assis à droite d'Emak. En regardant les personnes installées proches de nous, je vis que Maître Strochnis et Maître Pah avaient pris place à côté du Chef caravanier. Ensuite, je reconnus Ylunis Cacertan, l'archéologue qui m'avait aidé à en apprendre plus sur les Sirathiens et qui m'avait permis de rejoindre l'expédition. Il portait un chèche indigo qui faisait ressortir son teint basané et ses yeux verts mais cachait malheureusement sa touffe de cheveux bruns qu'il comparait à un nid d'oiseaux.

 

Son regard croisa le mien, il me salua d'un signe de main et d'un sourire auxquels je répondis. Mon regard continua de s'égarer sur toutes les personnes présentes, observant cette joyeuse cacophonie. Dassrlor et ses apprentis firent le service tout en laissant une partie des plats en libre accès permettant à tout le monde de se resservir. Des tonneaux de vins étaient à disposition près de nous mais je vis du coin de l'œil Emak qui remplissait sa choppe avec l'alcool de sa flasque. Voyant mon regard, il me tendis la choppe d'un sourire complice avant de remplir une autre choppe.

 

Alors que je mangeais mon plat, j'écoutais à droite et à gauche des bribes de conversations, entre les anecdotes des Académiciens qui faisaient rire aux éclats la famille Tan'Dar et les récits d'aventures que racontaient Emak et Evzek à un jeune homme prénommé Autys. Ce dernier était apparemment le scribe de la mission, il avait pour rôle de tenir un journal de bord sur l'expédition qui servirait de rapport de retour à l'Académie. Il avait aussi un carnet avec lui, un recueil de portraits des personnes présentes lors de l'expédition, il faisait ça pour la troisième fois et il insistait pour que tout le monde y participe même ceux déjà présents les années précédentes.

 

Mon esprit divaguait en observant le reste de l'assemblée, cette grand famille qu'était les itinérants mélangés aux soldats de la Garde. Ma poitrine se serra et une odeur de mélèze brûlé me parvint.

 

Tu ne fais pas partie de la famille.

 

Je me mis à prendre de grande respirations pour garder mon calme.

 

Je veux que tu sortes de ma maison… Tu n'as pas ta place ici.

 

Je serrai ma main gauche sur mon avant-bras droit, la douleur m'aidant à rester attentive à ce qui se passait autour de moi et ignorer la voix de ma mère qui s'insinuait dans ma tête.

 

Une main glissa sur mon bras et s'insinua dans la mienne m'obligeant à desserrer ma prise sur mon bras, je sentis un légère pression sur ma main pour attirer mon attention. Me tournant sur ma gauche je vis Mya se pencher vers moi les sourcils froncées, ses lèvres bougeaient mais sa voix me paraissait lointaine :

 

« Hey, tu vas bien ? »

 

Je ne savais pas quoi faire, mes lèvres restaient immobiles.

 

Tu es mauvaise depuis le début.

 

Je serrais la main de Mya tout en lui adressant un léger signe de tête pour le faire comprendre que ce n'était pas le cas. Elle se pencha alors encore plus prêt de moi et essaya de me distraire en me murmurant à l'oreille des anecdotes sur des membres de l'expédition. Je fermai les yeux pour me concentrer sur sa voix, je sentis mon cœur se calmer et mon souffle moins saccadé. J'étais complètement absorbée par ce que me disais Mya et après quelques minutes je rouvris mes yeux, me tournant vers elle. Elle me dévisagea, cherchant quelque chose dans mon regard. Je me contentai alors de lui serrer à nouveau la main pour lui faire comprendre que ma crise de panique était passée.

 

Le reste de la soirée la jeune femme essaya de m'inclure dans les conversations avec ses parents et les Académiciens, tenant toujours ma main comme une ancre me maintenant sur place. L'alcool aidant, je me retrouvai à raconter quelques anecdotes sur Tigrrr qui firent rigoler les personnes autour de nous.

 

Du mouvement attira mon attention sur ma droite, je vis Autys prendre son luth et commencer à y jouer. Il chantait des balades relatant des événements de la Terre des Éléments et il fut rejoint par Ylunis au violon. Les soleils se couchaient sur l'ancienne cité Sirathienne enflammant l'horizon d'une lueur rouge-orangée avant de laisser place au bleu de la nuit. Malgré la chaleur apportée par les feux de camps, la température chuta rapidement sur le désert et les plus frileux durent se couvrir.

 

La soirée semblait arrivée à sa fin lorsque Mya se tourna vers Ektor Strochnis.

 

« Maître Strochnis, est-ce qu'il serait possible de raconter l'histoire des deux amoureux avant que tout le monde aille se coucher ? », demanda Mya d'une voix innocente.

 

Maître Strochnis rigola doucement à la requête de la jeune femme.

 

« Mais bien sûr ma chère Mya, je sais à quel point tu aimes cette histoire. »

 

Il se tourna vers Ylunis Cacertan, qui lui fit un signe de tête et commença à jouer du violon. Toute l'assemblée se tourna vers les Académiciens et se tut pour écouter l'intervention. Il semblait que la musique était familière à plusieurs personnes et des sourires se formèrent aux premières notes de violon.

 

La voix rauque et puissante d'Ektor Strochnis se mit à résonner autour du feu de camp accompagnant la mélodie envoûtante du violon.

 

« La journée avec ses soucis et ses perplexitées est terminée et la nuit est maintenant sur nous… La nuit doit être un moment de paix et de tranquillité. Un moment de détente et de calme. Nous avons besoin d'une histoire apaisante pour bannir les pensées dérangeantes de la journée, pour calmer nos troubles et mettre à l'aise nos esprits ébouriffés… Et quelle sorte d'histoire devrait-on entendre ? ».

 

Il pencha sa tête sur le côté faisant mine de réfléchir, marquant une pause avant de prendre une inspiration.

 

« Ah ! Ce sera une histoire familière. Une histoire si, si ancienne et pourtant si nouvelle. C'est la vieille, vieille histoire d'amour… ».

 

Il prit le temps de dévisager l'assemblée avant de continuer.

 

« Deux amoureux étaient assis côte à côte sur un banc avec leurs corps se touchant, se tenant la main au clair de lune. Il y avait un silence entre eux… Leur amour l'un pour l'autre était si profond qu'ils n'avaient pas besoin de mots pour l'exprimer. Et donc, ils étaient assis en silence sur un banc, avec leurs corps se touchant, se tenant la main au clair de lune. »

 

Je sentis Mya à côté de moi me serrer la main avant de poser sa tête sur mon épaule, je me tendis à son contact, n'osant pas bouger. Elle était complètement absorber par le flot des mots et de la musique qui s’entremêlait. Je voyais ses lèvres bouger, récitant le texte en même temps que Maître Strochnis.

 

« Enfin, elle parla. " Est-ce que tu m'aimes ? ", elle demanda. " Tu sais que je t'aime, chérie. ", répondit-il. " Je t'aime plus que la langue ne peut le dire. Tu es la lumière de ma vie. Mes soleils, lune et étoiles. Tu es tout pour moi. Sans toi, je n'ai aucune raison d'être. ". Encore une fois, il y eut un silence alors que les deux amants étaient assis sur un banc, leurs corps se touchant, se tenant la main au clair de lune. »

 

Maître Strochnis marqua une nouvelle fois une pause adressant un sourire à Mya pendant qu'Ylunis Cacertan se leva et commença à se déplacer au milieu de l'assemblée sans s'arrêter de jouer.

 

« Une fois de plus, elle parla. "A quel point m'aimes-tu ?", demanda-t-elle. Il répondit: "A quel je t'aime ? Comptes les étoiles dans le ciel. Mesures les eaux des océans avec une cuillère. Numérotes les grains de sable sur le bord de la mer. Impossible, dis-tu. Oui et c'est tout aussi impossible pour moi de dire à quel point je t'aime. Mon amour pour toi est plus haut que les cieux, plus profond que les enfers et plus large que la terre. Il n'a pas de limites, pas de frontières. Tout doit avoir une fin, sauf mon amour pour toi…". Il y eut plus de silence alors que les deux amants étaient assis sur un banc, leurs corps se touchant et se tenant la main au clair de lune. »

 

Balayant mon regard sur l'assemblée, je remarquai que tout le monde semblait captivé par l'histoire, certains avaient les yeux rivés sur l'Académicien, d'autres penchés en avant ou avec leurs coudes poser sur leurs genoux pour maintenir leur tête avec leurs mains. Même Emak semblait avoir les larmes aux yeux, le regard perdu dans les flammes du feu de camp comme s'il était ailleurs.

 

« Une fois de plus, sa voix se fit entendre. " Embrasse-moi... ", implora-t-elle. Et se penchant, il pressa chaleureusement ses lèvres contre les siennes dans un fervent baiser… ».

 

Les dernières notes de violon sonnèrent peu après la fin l'histoire. Personne ne réagit, peut-être par peur de briser l'atmosphère. Le moment était comme suspendu dans le temps. Il n'y avait pas besoin de mots ou d'applaudissements, les sourires suffisaient.

 

« Est-ce que ça t'a plu ? », me demanda Mya en relevant sa tête.

– C'était un très beau texte, me contentai-je de répondre en haussant une épaule.

 

Le jeune femme roula des yeux en secouant la tête.

 

« Ha oui j'oubliais le côté sombre et mystérieux, je vois pas pourquoi je t'ai posé la question… Contente que ça t'ai plu quand même. », elle rigola et m'adressa un clin d’œil avant de se lever et de partir en direction de Maître Strochnis.

 

Regardant autour de moi je vis que tout le monde commençait à s'affairer pour ranger ce qui traînait autour du feu de camp avant d'aller se coucher. Emak se tourna vers moi pour me prévenir qu'on allait participer aux transports des outils et du matériel nécessaires aux travaux dans les tunnels le lendemain. On se leva de notre banc puis on aida aux rangements avant de retourner à nos tentes respectives. Une fois allongée sur mon matelas, une couverture recouvrant mon corps dévêtue et fatiguée de la longue journée, le sommeil me trouva rapidement.

 

Je survolais le désert des Akhs, les ruines de la cité de Sildi Han juste en-dessous de moi.

 

Soudain, je me rapprochais du sol à vive allure. Flottant à quelques centimètre du sable, me mouvant rapidement entres les ruines jusqu'à arriver devant le palais.

 

Un flash.

 

Je me retrouvais dans le puits gravitationnel, descendant lentement et les étages défilant.

 

Un flash.

 

Je me déplaçais dans un tunnel puis arrivée au bout, celui-ci s'ouvrait sur une place ronde immense. En face de moi se trouvait une fosse remplie d'eau traversée par un pont, la place était encerclée de bâtiments taillés à même la roche. Ces-derniers étaient construits sur plusieurs étages et toute la place était éclairée par une sorte de cristal surplombant le tout.

 

Un flash.

 

Je me trouvais devant un cul de sac, le mur en face de moi était recouvert de gravures représentant une arche végétale surplombée d'une phrase écrite dans une langue inconnue.

 

Un flash.

 

Je me réveillai en sursaut, mon cœur battant la chamade. J'essayai de comprendre ce que je venais de voir mais les images commençaient à s'échapper de mon esprit. Je me précipitai alors sur mon carnet pour tenter de décrire ce que j'avais pu voir. Je ne savais pas pourquoi mais j'avais la sensation que c'était important.

 

Il fallait que je retrouve cet endroit.

Modifié (le) par Kiwae
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  • 2 months later...

Chapitre 12 :

 

Période Azura, le 02 [+111 AC], heure solaire 07h : 34min

 

Après avoir été réveillée du rêve que j'avais fait, mon esprit fut assailli de questions et de doutes et j'eus beaucoup de mal à me rendormir.

 

Est-ce que cette place existe réellement ou est-ce juste un rêve ?

 

Si cet endroit existe comment est-ce j'y accède ?

 

Qu'est-ce que cette vision a voulu me montrer devant cette fresque gravée sur un mur ?

 

Je me levai et me préparai pour la journée essayant de faire abstraction de ce qui s'était passé durant la nuit. Les préparatifs des chariots pour transporter tout le matériel nécessaire aux travaux prirent un certain temps et ce ne fut pas avant le milieu de la matinée qu'on se mit en route pour les tunnels de la cité.

 

J'accompagnai de nouveau Emak et Evzek pour ouvrir la voie avec quelques soldats qui restaient proches des chariots. Maître Ektor Strochnis et Ylunis Cacertan étaient présents avec leurs ouvriers. Comme la veille au retour de Sildi Han l'atmosphère était détendu, les ouvriers semblaient avoir hâte de se mettre au travail. Du peu que j'avais pu entendre il semblait qu'un nouveau secteur allait être complètement exploré et cartographié avant de faire des fouilles plus approfondies.

 

Une fois arrivée à l'accès aux tunnels, les ouvriers s'affairèrent pour mettre en place une grue au dessus du puits gravitationnel. Des soldats de la Garde partirent en reconnaissance dans les tunnels tandis qu'on sécurisait la zone avec Emak et Evzek autour des points d'accès au puits. Les balises avait l'air d'avoir été déclenchées pendant la nuit si on se fiait aux traces de cendres se trouvant à proximité de celles-ci.

 

La grue en place, des caisses commençaient à être descendues dans le puits jusqu'à ce que l'effet d’apesanteur fasse effet. A partir de là, des ouvriers s’élancèrent dans le vide afin d'accompagner la descente du matériel jusqu'aux étages souhaités afin de les placer sur de plus petits chariots. Le manège du matériel et le balais aérien des ouvriers dans le puits gravitationnel dura pendant plus de deux heures. Ce fut l'occasion de me renseigner auprès de Maître Strochnis de l'état des fouilles dans les tunnels.

 

Il m'expliqua que les Académiciens avaient commencé l'exploration des ruines de Sildi Han à partir de l'an 98. Ils avaient passé de nombreuses années à essayer de restaurer les ruines de Sildi Han en plus de nettoyer l'ancienne cité des monstres qui y rôdaient avant de découvrir le dernier et principal accès aux tunnels encore en état. A partir de là, les missions furent tournées sur l'exploration et la fouille des tunnels avec l'aide de la Garde de Melrath Zorac qui vint prêter main forte aux Académiciens à partir de l'an 103.

 

Maîtres Strochnis m'avoua qu'ils avaient perdu leur temps à tourner en rond durant les deux premières expéditions dans les tunnels avant de comprendre réellement comment ils avaient été conçus. Les quinze premiers étages étaient des leurres, il s'agissait de labyrinthes, tout était pensé pour faire croire aux assaillants que les étages étaient habités mais l'aspect labyrinthique de ces étages était surtout un moyen de piéger les personnes s'y trouvant. A partir du quinzième jusqu'au vingt-cinquième étage, les Académiciens avaient déduits qu'ils étaient réservés aux soldats Sirathiens, les fouilles avaient démontré que les vestiges à ces étages étaient surtout liés à la branche armée des Sirathiens, aux vues des armes et équipements retrouvés dans de nombreuses pièces.

 

La plus grande découverte fut à partir du vingt-cinquième étage, une grande partie de l'étage était un labyrinthe sauf dans la direction nord où un tunnel menait directement à ce que les Académiciens décrivaient comme un « quartier » ou lieu de vie. Ce quartier s'enfonçait sur une profondeur de cinq étages et à partir de ce qu'ils qualifiaient de « rez-de-chaussé » on pouvait accéder à un autre quartier celui-ci en direction de l'ouest par rapport au puits principal. C'est ainsi que les Académiciens découvrirent qu'il y avait quatre quartiers habités, le premier au nord qui s'enfonçait de l'étage vingt-cinq à l'étage trente, un second quartier à l'ouest de l'étage trente à trente-cinq, un troisième à l'est de l'étage trente-cinq à quarante et enfin un dernier au sud de l'étage quarante à quarante-cinq.

 

Maîtres Strochnis me montra quelques cartes qu'ils avaient réalisé pour illustrer la disposition des quartiers autour du puits gravitationnel. Je réalisai alors que la plupart des couloirs visibles lors de ma descente dans le puits avaient été uniquement des leurres et seulement quelques uns d'entre eux donnaient réellement accès à quelque chose d'intéressant.

 

Malgré les huit années qu'ils avaient eu à explorer les tunnels, Maître Strochnis m'expliqua qu'ils commençaient seulement l'exploration du troisième quartier situé à l'est du puits même s'ils avaient peu d'espoir de trouver quelque chose de concluant. En effet à partir du moment où les Sirathiens ont commencé à vivre dans les souterrains alors que la guerre faisait rage à l’extérieur de la ville, toutes les possessions étaient restées dans la cité, ils n'avaient pris que peu de choses avec eux. La priorité avait été de prendre tout ce qui leur permettrait de survivre le plus longtemps possible au siège de la cité. Sildi Han ayant été presque entièrement rasé par la guerre, il ne restait donc plus rien pour les archéologues à étudier. Tout du moins c'est ce qu'ils tendaient à penser depuis plusieurs expéditions à être revenu à l'Académie sans nouvelles découvertes même s'ils espéraient toujours trouver les vestiges d'une bibliothèque ou un endroit où les Sirathiens avaient pu entreposer leur savoir. Outre le récit de l'historien Hyro Chan résumant l'avènement puis la chute du Royaume de Sirath, il n'y avait que très peu d'informations concernant la vie des Sirathiens avant l'attaque de Niue sur Sildi Han.

 

Maître Strochnis dû s'arrêter dans ses explications lorsque des ouvriers nous signalèrent que tout le matériel était en place et que le quartier avait été sécurisé. On entama alors la descente jusqu'à l'étage trente-cinq et l'Académicien en profita pour m'expliquer comment me déplacer dans le puits avec l'effet d’apesanteur. Grâce à ses conseils je pus m'arrêter à l'étage désiré et mettre pied sans mal sur le rebord du puits en face du tunnel qui donnait accès au quartier est.

 

Des ouvriers étaient en train de pousser des chariots le long du couloir et on les suivit jusqu'à destination. Les couloirs ressemblaient fortement à ceux que j'avais pu parcourir la veille avec les multitudes d'intersections et de pièces vides qu'ils contenaient. Après quelques minutes de marches sous la lueur des orbes qui s'éclairaient à notre passage, le couloir s'élargit et face à nous se dressait une grande ouverture haute de plusieurs mètre laissant entrer une grande source de lumière bleutée s'enfoncer dans le tunnel.

 

Une sensation de déjà-vu m'envahit à l'approche de l'entrée, la vision d'un cristal bleuté surplombant ce qui pouvait être une cité souterraine se superposa avec la vue du cristal qui, cette fois-ci, se trouvait face à moi et non pas au-dessus de moi.

 

Je n'avais pas réalisé que j'avais traversée l'entrée et que je m'étais avancée d'une quinzaine de mètres pour me retrouver au bord du cercle surplombant les quatre étages inférieurs lorsque la voix grave de Maître Strochnis me sortit de ma rêverie.

 

« Majestueux, n'est-ce pas ? »

 

Je ne répondis pas, me contentant d'un signe de tête affirmatif. Mon regard se fixa sur le cristal qui se détachait du plafond et dont émanait la source de lumière puis il balaya les habitations taillées à même la roche avant de se baisser vers la fosse remplie d'eau traversée par un pont. Tout était exactement comme dans ma vision. Mais le fait d'être sur place… Réellement. Ce n'était pas du tout pareil. La profondeur ou la hauteur du lieu selon le point de vue, donnait une impression d'immensité alors qu'on était presque à cent mètre sous les vestiges de Sildi Han.

 

Est-ce que c'est ce lieu dont j'ai rêvé ? Est-ce que je me trouve au bon endroit ou les autres quartiers sont similaires en tout point ?

 

Mon attention fut détournée par les ouvriers qui commençaient à ouvrir les caisses et à déballer leurs outils pour commencer l'exploration du premier étage. Je me résignai alors à repousser mes questionnements pour plus tard.

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  • 1 month later...

Chapitre 13 :

 

Difficile de savoir combien de temps s'était écoulé depuis qu'on se trouvait dans les souterrains, la lumière diffusée par le cristal demeurant inchangée. Maître Ektor Strochnis me confirma que quelque soit l'heure du jours ou de la nuit la lueur bleutée gardait la même intensité. Cela faisait partie des mystères encore non résolus concernant l'architecture des quartiers. Le mage avait malgré tout la conviction qu'il s'agissait d'un enchantement puissant, même très puissant pour qu'il soit toujours actif après autant de temps.

 

Tout se déroulait dans un silence presque religieux, comme pour ne pas briser la quiétude des lieux. Chacun des ouvriers savait exactement ce qu'il avait à faire, entre les mesures de l'extérieur puis de l'intérieur des bâtiments, les dessins des plans de ces-derniers et les fouilles. Rien n'était négligé.

 

Au départ, j'avais voulu les aider pour observer de plus près les habitations mais je me rendis vite compte qu'ils n'avaient pas besoin de moi. Ylunis Cacertan dirigeait ses deux apprentis à la baguette pour commencer les fouilles pendant que des ouvriers mesuraient les moindres recoins des pièces et répertoriaient tout ce qui pouvait s'y trouver.

 

Je pris alors le temps de faire un tour complet de l'étage sur lequel on se trouvait, essayant de voir si en changeant de point de vue je pouvais me remémorer des détails de ma vision mais rien ne me vint. En revenant au point de départ je fis la connaissance d'Aphiel Lahays, le dessinateur et cartographe du groupe. Tout ce qui pouvait se dessiner il le faisait. Sa longue chevelure blonde avec des fines tresses, son visage fin et sa posture distinguée pouvait presque le faire passer pour un elfe. Il était assis sur un tabouret face à un chevalet sur lequel reposait une toile. Sa palette de peinture dans une main et un pinceau dans l'autre, il était en train de faire une illustration du quartier. Je m'assis à côté de lui subjuguée par ses traits de pinceaux réalisés par sa main délicate. J'en profitai alors pour sortir mon carnet de ma besace, je l'ouvris à une double page vierge et commençai à faire un croquis du lieu. Je n'avais pas le talent de l'Académicien mais je savais me débrouiller avec un stylet entre les doigts.

 

Plongée dans mes pensées alors que j'observais le cristal pour en mémoriser sa forme, ma vue se brouilla. J'avais cette sensation bizarre d'être là sans être là. Un voile se forma puis ma vision commença à être obstruée par une image.

 

J'étais de nouveau dans le cul-de-sac avec face à moi la fresque des deux arches qui se rejoignaient au centre du mur.

 

Les détails étaient plus précis cette fois-ci, je distinguais parfaitement la phrase qui était écrite au centre des arches. Enfin, je ne pouvais que supposer que c'était une phrase car les symboles m'étaient inconnus.

 

Puis en-dessous, je vis quelque chose qui n'était pas là dans ma précédente vision. Il y avait un œil représenté à l'intérieur d'un triangle.

 

Mon regard se tourna de nouveau vers les symboles, essayant d'en comprendre leur sens. Inconsciemment, je tendis ma main face à moi, mes doigts touchèrent le mur et suivirent les courbes de chacun des symboles de la phrase écrite dessus.

 

Soudain, je sentis un poids sur mon épaule.

 

La surprise me fit sortir de ma vision et d'un geste brusque je refermai mon carnet avant de me retourner, au-dessus de moi se trouvait Maître Ektor Strochnis.

 

« Désolé si je t'ai fait peur. Tu avais l'air complètement absorbée par ce que tu étais en train de faire et tu ne me répondais quand je t'appelais.

– Euh oui, j'étais… Perdue dans mes pensées

– Je te comprends. Ce lieu… Cette atmosphère… C'est idéal pour méditer ou se perdre dans ses pensées. Je viens juste te prévenir qu'on va repartir.

– Déjà ? »

 

Le mage rigola doucement avant de me répondre.

 

« Cela fait déjà plusieurs heures qu'on est ici, on a passé le milieu d'après-midi. Ylunis va rester encore un peu avec quelques ouvriers, ils reviendront plus tard. Mais te voyant avec Aphiel en train de dessiner je me suis dit qu'on pourrait rentrer avec le premier groupe. Je pense que ça t'intéresserait de voir les plans des tunnels dont je t'ai parlé ce matin qu'Aphiel à réaliser.

– Ce serait avec plaisir, je suis très curieuse de voir ça. »

 

Aphiel qui était encore à mes côtés me sourit, ravie de voir que j'étais intéressée par ses travaux. On rangea nos affaires et on se prépara à remonter à la surface. Une fois de retour au camp, je suivis Ektor et Aphiel sous la grande tente réservée aux Académiciens.

 

Maître Pah, Autys et un Académicien que je ne connaissais pas encore étaient déjà présents.

 

« Kiwae si tu veux bien prendre place à la table. », demanda le magicien tout en indiquant la table installée au centre de la pièce et en partie recouverte par ce qui ressemblait à des cartes ou des piles de documents.

 

Je m'assis à côté de l'Académicien qui m'était encore inconnu, le saluant d'un signe de tête. Il avait les cheveux noirs bouclés, son visage au teint clair était parsemé de tâches de rousseurs et il semblait avoir la trentaine. Il me répondit par un sourire avant de se présenter.

 

« Nysun Is'kin, enchanté de faire ta connaissance Kiwae. J'ai cru comprendre que tu étais très intéressée par le peuple de Sirath.

– C'est exact, j'ai commencé à lire le récit de l'historien Hyro Chan à la bibliothèque de l'Académie puis j'ai rencontré Maître Cacertan qui rédigeait un rapport sur les fouilles que vous faites à Sildi Han, de là ma curiosité n'a fait que grandir. »

 

Et aussi je fais des rêves avec la Princesse Iltiah, je ne sais pas si elle est censée être morte ou si elle est toujours en vie mais si je vous dis ça je vais sûrement passer pour une folle. Enfin si je ne le suis pas déjà vu que j'ai toujours été un monstre pour Mère, peut-être que folle était inclus avec.

 

Mais bien sûr ça je ne vais pas le dire.

 

« Et bien Ylunis a bien fait de t'inviter à notre expédition si tu veux tout savoir sur les Démons Sirathiens tu es au bon endroit. », me répondit Maître Is'kin avec un grand sourire.

 

Dans les instants qui suivirent Aphiel commença à me montrer tous les plans qu'il avait commencé à dessiner au fil des années d'expéditions. Les Académiciens me racontèrent tour à tour comment s'étaient déroulés les premières années de fouilles dans les tunnels avant qu'ils ne comprennent le système des souterrains et la découverte du premier quartier.

 

A un moment donné de la conversation une chose attira mon attention dans les paroles de Maître Strochnis.

 

« … Une écriture associée aux Sirathiens. On retrouve cette écriture uniquement en présence de ceci. »

 

Le mage déposa une feuille sur la table, sur celle-ci était dessiné le symbole présent sur la fresque de ma vision. Un œil entouré d'un triangle.

 

« Et vous avez une idée de ce que c'est ?, demandai-je innocemment aux Académiciens assis autour de la table.

– Pas la moindre idée jusqu'à présent, me répondit Nysun. J'ai réussi à déchiffrer les symboles, à les associer à chaque lettre de notre alphabet. Je l'ai pris comme de la cryptographie vu qu'on a retrouvé le même texte à chaque fois associé aux mêmes symboles. »

 

Nysun ouvrit un carnet qu'il avait à côté de lui pour me montrer de quoi il parlait.

 

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J'examinai le texte pendant plusieurs dizaine de secondes avant de regarder la transcription.

 

Regarder le monde

Les dangers à venir

Voir au delà des murs

Se rapprocher

Aller à la rencontre de l'autre et ressentir

 

« Hum, ça pourrait être une sorte de poème mais la fin paraît abrupte…, murmurai-je en observant de nouveau l'écriture Sirathienne.

– Oui, c'est possible malheureusement il n'y a pas de suite qui a été trouvée à ce jours.

– Tu veux dire que c'est le seul exemple que vous avez de cette écriture ?

– C'est exact. On a des récits d'historiens remontant à plusieurs milliers d'années avant le siège de Sildi Han qui décrivaient le fait qu'ils ont délaissé très tôt leur vieux dialecte incompréhensible pour parler l'humain qui est devenu plus tard la langue commune à tout le continent. On suppose que ça pourrait aussi être le cas pour l'écriture sauf preuves du contraire. Mais il y a quelque chose de très spécifique à trouver ces phrases écrites au même endroit que le symbole de l’œil.

– Je vois, encore un mystère à élucider… »

 

Les Académiciens acquiescèrent et Nysun m'expliqua la méthode qu'il avait utilisé pour déchiffrer les symboles. J'en profitai pour prendre des notes, recopiant sur une feuille chaque symbole et la lettre à laquelle il était associé de même que le texte trouvé par les Académiciens.

 

Peu après, on fut informé que le repas était prêt et on se dirigea au centre du camp après avoir convenu de reprendre la discussion quand je le désirai. Aeva Tan'Dar m'invita à rejoindre son mari et sa fille près du feu de camp pour passer de nouveau la soirée en leur compagnie.

 

Au moment de me coucher, je sortis mon carnet pour placer la feuille avec les notes que j'avais prises sur l'écriture sirathienne. En l'ouvrant à la page où j'avais commencé le dessin du quarter souterrain je m'aperçus qu'il y avait quelque chose en plus. En effet en-dessous du dessin que j'avais commencé se trouvait la phrase de ma vision.

 

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J'ai dû l'écrire sans m'en rendre compte lors de ma vision.

 

Je restai de longues minutes à fixer la phrase essayant d'en trouver un sens même si je savais que c'était inutile.

 

Voyons voir si je peux traduire ça avec les notes que j'ai prises.

 

Je repris chaque symbole en l'associant à son équivalent dans notre alphabet mais le résultat obtenu me laissa perplexe.

 

Peut-être que j'aurais une autre vision dans mon sommeil qui pourrait m'éclaircir sur la signification de cette phrase

 

Et c'est avec l'esprit occupé par les découvertes que j'avais faites au cours de cette première journée d'exploration que je m'endormis.

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  • 1 month later...

Chapitre 14 :

 

Période Azura, le 02 [+111 AC], heure solaire 23h : 34min

 

Des bruits de pas. Le grincement d'un fauteuil. Le crépitement du feu.

 

Tout ces bruits me parvenaient alors que je commençais à reprendre conscience.

 

Clic.

 

Mes paupières s’ouvrirent et mes yeux mirent quelques instants à s'habituer à la luminosité ambiante.

 

Clic.

 

Mère était là, face à moi. Elle était assise dans son fauteuil, elle me fixait de son regard froid, le visage impassible.

 

Clic.

 

Les battements de mon cœur s’accélérèrent.

 

Clic.

 

« Sors de ma maison. »

 

Clic.

 

« Je crois que je dois te tuer… Maman. »

 

Les mots avaient été prononcés mécaniquement, répétant exactement les mêmes que le jours de l'incident.

 

Clic.

 

Mon regard se baissa en direction de ma main droite. Je sentais un léger poids dans celle-ci et je savais de quoi il s'agissait avant même de le voir par moi-même.

 

Un couteau à cran d'arrêt. Celui que mon père m'avait donné peu avant qu'il meurt. Il y avait vu un moyen pour moi de me focaliser sur quelque chose – notamment le cliquetis de la lame à chaque fois qu'elle se dépliait – lorsque je sentais que j'allais perdre pieds. Un couteau parfaitement équilibré comme il aimait le qualifier.

 

Clic.

 

Je continuais de déplier et replier la lame pendant plusieurs dizaine de secondes avant de regarder de nouveau Mère.

 

« Tu ne me feras rien ce soir. Tu ne me hanteras pas. », dis-je d'une voix calme et déterminée alors que je me baissai pour me mettre à sa hauteur, la fixant froidement.

 

Clic.

 

Elle ne répondit pas et pour tenter de reprendre le contrôle du rêve je fermai mes yeux, m'imaginant dans le quartier souterrain qu'on avait commencé à explorer avec les Académiciens dans la journée.

 

« Pourvu que ça marche… », murmurai-je.

Bouh ! »

 

Je sursautai, rouvrant mes yeux. J'eus à peine le temps de réaliser que le décors onirique avait changé que je me retournai en direction de la personne qui m'avait surprise, couteau prêt à être planté.

 

« Sérieusement Iltiah ! », m'exclamai-je en réalisant de qui il s'agissait. Je baissai mon bras avant de ranger mon couteau.

 

La Princesse Sirathienne se tenait devant moi, les yeux flamboyants mais pas de colère. Elle ne me répondit pas et se contenta de hausser les épaules, le regard fixé derrière moi. J'en profitai alors pour la dévisager de bas en haut m'arrêtant quelques instants sur son visage. Je remarquai qu'il avait été maquillé avec quelques courbes ou motifs de peinture orangée.

 

Une peinture tribale ?

 

« Est-ce que j'ai quelque chose sur mon visage ? », me demanda-t-elle doucement.

 

Je fis un signe négatif de la tête alors qu'elle passait à côté de moi et commençait à déambuler dans le quartier.

 

Je la suivis à distance du regard pendant quelques minutes avant de m’asseoir sur le rebord de l'étage. Iltiah se tenait les mains dans le dos, la tête haute reflétant parfaitement l'attitude de son statut royal.

 

Elle était habillée d'une tunique épaisse noire à manche longues et recouverte avec des petits motifs cachemire brodés au fils d'or. Les manches se terminaient par un revers en tissu doré. Pour les épaulettes le tissu noir laissait place à ce même tissu doré qui remontait jusqu'au cou pour former un col avant de plonger en un léger décolleté. Elle portait une ceinture de cuire noire cintrée au-dessus de la taille. De là, la tunique s'échancrait de manière asymétrique laissant un pan recouvrir une des jambes à mi-cuisse tandis que l'autre pan longeait le côté de la cuisse et l'arrière de la tunique tombait jusqu'aux genoux. Son pantalon noir s’enfonçait dans des bottes hautes de la même couleur.

 

Elle portait également une longue cape noire avec des motifs en forme d'écailles brodés le long de ses bords. La cape tombait uniquement de son épaule droite et flottait doucement derrière elle alors qu'elle marchait.

 

Après plusieurs minutes, la Princesse revint s’asseoir à côté de moi le regard tourné vers le cristal bleuté. Je me raclai la gorge avant de lui adresser la parole.

 

« Tu es bien élégante ce soir… »

 

Elle tourna sa tête vers moi, la braise de ses yeux moins étincelante et me répondit vaguement :

 

« C'est une tenue de cérémonie. »

 

Elle prit une grande inspiration avant de continuer à parler.

 

« Je vois que tu as découvert les souterrains de Sildi Han… Les Académiciens semblent toujours aussi déterminés à déterrer les tombes des Sirathiens.

Ils cherchent à comprendre… Je suppose c'est dans la nature de tout être que de chercher à engranger le plus de connaissances possible. Mais ce n'est pas pour autant qu'ils ne respectent pas ton peuple. Je pense même que c'est la dernière chose qu'ils leur viendraient à l'esprit de profaner ces lieux.

Je le sais bien et ce serait hypocrite de ma part de les juger étant donné la philosophie que mon peuple suit.

C'est-à-dire ?

– Regarder le monde, les dangers à venir. Voir au delà des murs, se rapprocher, aller à la rencontre de l'autre et ressentir. C'est ça le sens de la vie. », récita la Princesse Sirathienne avec révérence.

 

Je me rendis compte qu'il s'agissait du texte traduit par les Académiciens.

 

« Et moi qui pensait qu'il s'agissait d'un poème, ce sont en fait des principes.

Principe, philosophie, devise… Différents mots pour qualifier une même chose. Au final, je ne peux empêcher le cours naturel de la vie.

Qui est ? »

 

Iltiah hésita quelques instants, avant d'énoncer lentement d'une voix beaucoup plus grave que j'en avais l'habitude.

 

« On meurt tous un jours… »

 

La Princesse se releva et je la suivis en silence, marchant à ses côtés.

 

Est-ce qu'elle est en train de parler d'elle ?

 

« Arrêtes de réfléchir Kiki, ça ne te va pas.

Quoi ? », m'offusquai-je en me tournant dans sa direction.

 

Je devinais dans ses yeux une certaine malice et un léger sourire sur ses lèvres. Je décidai alors de ne pas rentrer dans son jeu et d'essayer de provoquer une autre réaction.

 

« Si tu cherches à détourner l'attention en te moquant de moi ça ne marche pas. J'ai bien compris que tu ne veux pas répondre à toutes mes questions. Les Académiciens m'aideront dans mes recherches avec ou sans toi de toute manière, ça prendra le temps qu'il faut mais j'aurais les réponses à mes questions. Plus besoin de tes visions pour m'aiguiller. »

 

Je fermai mes yeux, essayant de mettre fin à mon rêve lorsqu'Iltiah posa sa main sur mon bras droit.

 

« Attends ! Quelles visions ?

Celle des souterrains. Un des quartiers contient une pièce avec une fresque de dessiner sur un mur, il y a une phrase écrite dessus et une représentation d'un triangle avec un œil à l'intérieur.

Je vois… »

 

La Princesse se tourna dos à moi, elle semblait s'être crispée à l'évocation des visions et se frottait les mains. Elle murmura quelque chose, la tête baissée.

 

« Si tu cherches les réponses à tes questions, il faudra que tu explores l'étage 42.

Pourquoi 42 ? Il y a quoi là-bas ?

Parce que tu y trouveras la réponse à la question ultime sur la vie, l'univers et le reste. »

 

Le silence s’immisça entre nous. Je pris le temps de digérer les paroles de la Sirathienne cherchant à en comprendre le message derrière et décidai de lui poser une dernière question.

 

« J'ai réussi à déchiffrer la phrase que j'ai vu dans ma vision mais ça n'avait pas de sens, on dirait que c'est une énigme. Est-ce que tu peux me dire ce que ça signifie ? »

 

Elle hésita quelques instants, réfléchissant peut-être à une réponse satisfaisante sans pour autant me donner une réponse directe.

 

« Enfant, on nous apprend que si la culture est une maison alors le langage est sa porte d'entrée. Je vais te laisser méditer là-dessus. »

 

Elle posa ses doigts sur mon front puis poussa ma tête en arrière me donnant la sensation que mon corps basculait dans le vide tout en étant enveloppé de noirceur.

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  • 4 weeks later...

Chapitre 15 :

 

Période Azura, le 03 [+111 AC], heure solaire 05h : 56min

 

Le réveil se fit paisiblement, cela faisait bien longtemps que je n'avais pas aussi bien dormi. Je pris le temps de retranscrire dans mon carnet tout ce qui s'était passé dans le rêve avec le plus de détails possible avant que les souvenirs ne s'effacent. Je sortis de la tente peu après, excitée à l'idée faire de nouvelles découvertes et de trouver ce qui se cachait à ce fameux étage 42.

 

Le petit déjeuner consommé, je me dirigeai directement dans la tente des Académiciens. Ce que m'avait dit Iltiah concernant les Académiciens et les expéditions à Sildi Han m'intriguait. Lorsque que je m'étais renseignée sur la Princesse Sirathienne à la bibliothèque de l'Académie, j'avais réussi à trouver un rapport publique de ce qui s'était déroulé lors de l'invasion des Orcs en l'an 105. Iltiah avait été en contact avec les Académiciens par l'intermédiaire de son bras droit Orus à cette période. Il se pouvait donc que ce soit aussi à ce moment qu'elle ait discuté des expéditions menées à Sildi Han.

 

Maître Ektor Strochnis était assis à son bureau en train de rédiger un document. Je lui signalai ma présence et il m'invita à prendre une chaise pour m'asseoir face à lui.

 

« Tu as besoin de quelque chose Kiwae ?, me demanda-t-il de sa voix caverneuse.

De réponses.

Je vois… Je t'écoutes, poses tes questions et j'essaierai d'y répondre au mieux. »

 

Maître Strochnis, posa sa plume avant de croiser ses mains devant lui sur le bureau, prêt à m'écouter et répondre à mes questions.

 

« Est-ce que vous avez parlé avec la Princesse Iltiah quand elle était à l'Académie avant l'invasion des Orcs concernant les expéditions à Sildi Han ?, commençai-je entrant dans le vif du sujet.

On avait demandé une audience qu'elle avait au départ refusé. Soit disant qu'il fallait laisser les morts reposer en paix et qu'il ne servait à rien de remuer le passé. Elle a évité toutes les sollicitations de nos chercheurs.

Et elle a changé d'avis ?

Hum, on va dire que les jours précédent l'assaut, il se pourrait qu'Iltiah ait envoyé son bras droit Orus nous parler de la situation de Sildi Han. »

 

Tiens donc

 

« Et qu'est-ce qu'il est ressorti de la discussion ?, demandai-je curieusement.

Qu'on pouvait continuer nos recherches mais qu'on ne devait laisser aucune traces de nos passages et que les lieux soient laissés en l'état. »

 

Réfléchissant à ce que venait de me confier l'Académicien, je poursuivis mes questionnements.

 

« Du coup, imaginons qu'un tunnel menace de s'effondrer vous ne faites rien ?

Exactement, on doit laisser les éléments et la nature faire son travail. C'est pourquoi on essaye d'être minutieux dans nos recherches, on aimerait avoir une vision globale de comment a été bâti Sildi Han.

Donc la Princesse souhaitait que ce qui reste de la civilisation Sirathienne disparaisse et tombe dans l'oubli ?, continuai-je ayant du mal à croire qu'Iltiah ait pu demander une telle chose.

Je ne dirais pas tomber dans l'oubli dans le sens qu'ils nous ont autorisé à continuer nos recherches et donc notre travail maintenant est de justement sauvegarder le maximum d'informations possible sur une partie de leur histoire à l'écrit. Mais pour ce qui est de la partie matérielle, je devrais même dire architecturale il faudra laisser le temps faire son œuvre tout comme ça a déjà été le cas pour tout le reste du royaume de Sirath qui a disparu sous les dunes de sables du désert des Akhs. »

 

Je pris le temps de digérer l'information avant de poser la question que me titillait depuis que j'avais vu Iltiah pour la première fois.

 

« Je vois et après l'assaut au littoral Irliscien qu'est-ce qu'il s'est passé ? La rumeur dit qu'Iltiah est morte mais aucun corps n'a été retrouvé.

Malheureusement, les seules personnes qui pourraient avoir les informations exactes sur ce qui s'est passé ce jours là sont Orus et Maître Maltj le grand magicien de l'Académie. Orus était en contact avec lui tout au long de l'opération et ils se sont revus quelques jours après l'assaut. D'après nos dernières informations Orus serait reparti au Leiden. Mais est-ce qu'il est reparti avec Iltiah vivante ou sa dépouille telle est la question.

D'accord, merci pour ces réponses. », conclus-je à la fois satisfaite des réponses obtenues mais aussi frustrée de ne pas savoir ce qui était advenu d'Iltiah.

 

Je pris congé de Maître Strochnis et rejoignis les ouvriers qui se préparaient pour une nouvelle journée de fouilles.

 

En arrivant au puits gravitationnel je pris cette fois le temps de me repérer, comptant les étages au fur et à mesure. Je me rendis compte qu'à chaque dizaine les lueurs bleutées à ces étages étaient remplacées par des lumières blanches. Il me suffisait donc de compter le nombre de lueurs blanches pour me repérer plus facilement lors de la descente.

 

La journée se déroula comme la précédente, chaque personne assignée à sa tâche travaillait calmement et dans un silence religieux. Je pris part à quelques mesures à l'intérieur de plusieurs habitations avant de rester aux côté d'Aphiel Lahays qui continuait ses dessins.

 

Pendant toute la journée je n'arrêtais pas de repenser aux paroles d'Iltiah et aux indices qu'elle m'avait laissé. Il semblait que si je voulais mes réponses il fallait que je m'enfonce plus profondément dans les souterrains. Mais je ne pouvais pas le faire en présence des Académiciens et des ouvriers.

 

Lorsque je fus de retour au camp en fin d'après-midi je pris la décision de retourner dans les souterrains le soir et de me rendre à l'étage 42 indiqué par Iltiah. Après un rapide dîner, je restai dans ma tente en attendant que le camp se couche, relisant mes notes et préparant mes affaires.

 

J'attendis pendant plusieurs heures puis une fois sûre que la majorité du camp était endormi, je sortis de ma tente avec une sacoche contenant mon carnet et mes armes. Je décidai de faire le trajet jusqu'aux ruines du palais à pieds pour plus de discrétion ayant pour seule source de lumière les lunes. Après une trentaine de minutes j'atteignis le puits gravitationnel, m'élançant du bord d'un saut acrobatique et m’engouffrant dans l'obscurité de celui-ci jusqu'à ce que les lueurs bleutées s'allument et éclairent ma descente. Je me mis à compter les lueurs blanches.

 

Dixième étage.

 

Vingtième étage.

 

Trentième étage.

 

Quarantième étage.

 

A partir de là je me rapprochai du bord du puits en direction du sud et au quarante-deuxième je sortis du puits. Au moment de m'engager dans le tunnel je vis sur le mur à ma droite le symbole de ma vision puis en-dessous le texte que Nysun Is'kin avait retranscrit. Je ne savais pas si c'était un signe m'indiquant que j'étais sur la bonne voie mais je continuai ma route dans le couloir d'un pas plus rapide. En quelques minutes j'arrivai à la hauteur de la grande porte s'ouvrant sur le quartier sud. Je fus accueilli par la douce lumière bleutée du cristal. Celui-ci était d'une forme différente que le quartier est et pourtant j'avais l'impression de le reconnaître. Il s'agissait bien de celui de ma vision. Cette fois j'en étais sûre, j'étais sur la bonne voie.

 

Avant de commencer à déambuler à cet étage je pris le soin d'indiquer mon point de départ d'une croix sur le sol poussiéreux afin de ne pas me tromper de porte au moment de repartir. Je partis sur la gauche de l'entrée et me mis à fouiller méticuleusement chaque habitations à la recherche de la pièce que j'avais vu dans ma vision.

 

Je n'avais aucune idée du temps qui s'était écoulé depuis le début de mes recherches, en regardant derrière moi je conclus que j'avais probablement dû faire un peu plus d'un quart du cercle et je n'avais encore rien trouvé. Je continuai alors mon chemin, j'allais rentrer dans une habitation lorsque je vis du coin de l’œil, le symbole de ma vision dessiné au-dessus d'une petite porte entre deux plus gros bâtiments, je décidai d'aller voir de plus prêt.

 

Arrivant devant l'entrée, je vis qu'il s'agissait d'un long vestibule de plusieurs mètres de longueur dont les murs étaient recouverts de végétations luminescentes. Je m'avançai à l'intérieur, le mur se situant face à moi était recouvert d'une fresque. Une fresque qui me semblait bien familière. C'était la fresque de ma vision qui représentait deux arches se rejoignant au centre du mur avec au milieu de ces arches, la phrase que j'avais traduite et en-dessous le symbole de l’œil dans un triangle.

 

De voir ça de mes propres yeux était une sensation particulière, de voir que ce lieux était bien réel et que ce n'était pas une invention de mon esprit me rassurait aussi bien que ça m’inquiétait.

 

Pourquoi est-ce que j'ai vu ce lieux ? Qu'est-ce que je suis censée trouver ? Mais surtout, pourquoi moi ?

 

Me rapprochant de la fresque, je tendis la main sur le symbole, l'effleurant de mes doigts. Lorsque je sentis les reliefs du symbole gravés dans la roche un frisson me parcourus le bras.

 

J'y suis.

 

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  • 5 weeks later...

Chapitre 16:

 

Après avoir pris le temps de sortir mon carnet pour vérifier qu'il s'agissait bien de la même phrase que ma vision. Je me mis à tracer les symboles gravés dans la roche avec mon doigt alors que je réfléchissais à l'indice que m'avait donné la Princesse et son lien avec la phrase sur le mur.

 

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Parlez ami, et entrez.

 

« Iltiah m'a dit que si la culture est une maison alors le langage est sa porte d'entrée. Parlez ami, et entrez… La culture est une maison… Le langage sa porte d'entrée… », murmurai-je à moi-même.

 

Réfléchis, réfléchis, réfléchis

 

Je me retournai et commençai à faire les cents pas dans le vestibule me ressassant la phrase.

 

« Si je combine la traduction de la phrase gravée sur le mur avec la seconde partie de l'indice « le langage sa porte d'entrée », cela peut suggérer que ce mur serait en réalité une porte et qu'il faudrait parler ami pour pouvoir entrer. »

 

Je m'arrêtai dans ma déambulation pour fixer le mur face à moi.

 

« Je suppose qu'il doit y avoir une sorte de mot de passe. Sauf que je ne connais pas un mot de sirathien si c'est bien de cette langue dont il s'agit. Du coup comment suis-je censée rentrer ? »

 

Je m'assis en tailleur devant la fresque.

 

Réfléchis, réfléchis, réfléchis

 

Je fermai mes yeux tout en inspirant profondément avant d'expirer doucement essayant de retrouver cet entre-deux où la conscience et l’inconscient se mêlaient.

 

Iltiah ?

 

Après plusieurs minutes je ressentis dans mon dos une source de chaleur de plus en plus forte avant d'avoir la sensation que quelqu'un était assis dos à moi. Je voulais me retourner pour voir de qui il s'agissait mais je n'arrivais pas à contrôler mon corps complètement groggy.

 

« Tu y es presque, murmura une voix que je reconnus immédiatement.

Où ça ?, demandai-je curieusement à Iltiah.

Au seul endroit qui compte. Tu verras. Tu le verras.

Encore faudrait-il que je puisse y entrer

Je peux t'y aider, tu le sais sinon tu n'aurais pas chercher à me contacter. »

 

Ne trouvant rien à lui répondre, j'essayai de nouveau de réfléchir à ce que pouvait être le mot de passe, me répétant plusieurs fois la phrase dans ma tête.

 

Parlez ami, et entrez.

 

Une idée me vint à l'esprit.

 

« Quel est le mot sirathien pour ami ? »

 

J'entendis la Princesse prendre une inspiration saccadée avant de me répondre d'un ton à la fois surpris et admiratif :

 

« Hmm, du premier coup. Le mot que tu cherches est « hoa »... »

 

Soudain la chaleur dans mon dos s'évapora, et je sentis des lèvres se poser sur mon front y laissant un baiser avant de disparaître. La voix de la princesse résonna de nouveau avec fermeté :

 

« Je te fais confiance avec ce qui est probablement la chose la plus précieuse pour mon peuple. Les réponses à toutes tes questions sont à ta portée bien que ce qui se trouve à l'intérieur risque d'en amener d'autres. Je serai là quand tu auras besoin de moi mais comprends bien que si tu en parles à qui que ce soit la seule fin possible pour toi sera la mort… »

 

Prise d'un sursaut, je sortis de ma transe en me relevant brutalement. Je posai ma main sur le mur mon corps tremblant, de stress ou d'excitation difficile de le dire.

 

« Hoa », murmurai-je contre le mur.

 

Les gravures se mirent à s’illuminer d'une lueur bleutée puis un bruit sourd résonna dans le vestibule. Dans un craquement, le mur face à moi se scinda en deux blocs s'ouvrant vers l'intérieur. Je restai plusieurs dizaines de secondes sans bouger, stupéfaite par ce qui venait de se dérouler. De là où je me trouvais je pouvais apercevoir une nouvelle cavité beaucoup plus grande.

 

Fascinée, je commençai à m'avancer. La cavité circulaire s'élevait en forme de dôme, la base était formée par des orgues basaltiques qui laissaient place à des arches maintenant le plafond de pierres taillées. Un orbe incrusté au centre du dôme offrait de la lumière en un faisceau qui tombait au centre de la pièce où se trouvait une petite architecture qui faisait penser à un temple. Celui-ci était entouré d'eau et un chemin de colonnes basaltiques y menait.

 

Je suivis le chemin jusqu'au temple et dès le seuil de l'entrée passé je sentis mes mains devenir moites et mon cœur se mit à battre la chamade. Tout ce qui se trouvait en périphérie de ma vision disparu, mon regard était complètement absorbé par ce que je voyais au centre de la pièce.

 

Un bassin d'eau entourait un pilier et au-dessus de celui-ci se trouvait un octaèdre en suspension dans l'air. Ce dernier émettait une lueur grise ondulante terne. A ce moment les paroles d'Iltiah me revinrent en tête.

 

Au seul endroit qui compte. Tu verras. Tu le verras.

 

Mes pieds bougèrent d'eux-mêmes, descendant les escaliers menant au bassin extérieur. Je sentis la fraîcheur de l'eau à hauteur de mes genoux, passant une jambe puis l'autre au-dessus du carré central menant au bassin intérieur.

 

Furtivement mon regard se leva et se focalisa sur la fresque qui se trouvait sur le mur face à moi. Une personne y était représentée maintenant une lumière entre ses mains, je reconnus le symbole de l’œil entouré du triangle dessiné sur l'une de ses mains. Je ne savais pas du tout de quoi il s'agissait, aucun rapports des Académiciens ne faisaient allusion à ce symbole et une quelconque croyance des Sirathiens autre que l'Unique ou les dieux élémentaires.

 

Hors il semblait que ce lieu et cet artefact étaient très important pour les Démons Sirathiens. Que tout soit resté intact pendant plusieurs millénaires était presque miraculeux.

 

Irrésistiblement, je fus attirée par l'octaèdre et je levai ma main droite dans sa direction. Une fois à quelques centimètres de celui-ci des filaments de lumière s'en détachèrent jusqu'à atteindre mes doigts et disparaître sous ma peau. J'écartai brusquement mon bras et les filaments de lumières disparurent, s'évaporant dans l'air. Je ne vis rien d'étrange sur mon bras, aucun résidus et décidai de le tendre à nouveau pour voir si je pouvais toucher l'octaèdre.

 

Le phénomène se reproduisit aussi fascinant qu'intimidant puis au moment du contact une sensation d'électricité parcourut mon corps et une lumière m'enveloppa. Je ne savais plus où j'étais, seule la lumière était présente et soudain une voix résonna dans ma tête, impossible de discerner si elle appartenait à une femme ou à un homme :

 

« Est-ce que… Est-ce que tu m'entends ? Si tu entends ce message, c’est que tu es seule. Tout ce qu’il reste de nous, c’est le son de ma voix. J’ignore si l’un de nous a survécu. Avons-nous triomphé ? Avons-nous perdu ? Je n’en sais rien. Je ne sais même plus très bien ce que la victoire pourrait signifier. Mais d’une manière comme de l’autre, c’est fini maintenant. Alors, laisse-moi te dire qui nous étions. Te dire qui tu es. Et comment nous avons lutté. »

 

Des images se mirent à défiler devant mes yeux mais le processus était bien trop rapide pour que j'arrive à en trouver le sens. La dichotomie entre les visions que j'avais et mon cerveau qui essayait de les analyser aboutit en une douleur incommensurable qui me prit à la tête. Je sentis mon corps convulser.

 

Puis je fus dans le noir.

 

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  • 1 month later...

Chapitre 17 :

 

Période Azura, le 04 [+111 AC], heure solaire 02h : 13min

 

Je repris peu à peu mes esprits, ma tête me faisait terriblement souffrir. Rouvrant mes yeux, je m’aperçus que j'étais allongée dans l'eau du bassin. Je posai ma main droite sur le sol pour me relever, ce faisant je vis que l'eau avait pris une couleur rouge où je me trouvais.

 

Un goût de fer était présent dans ma bouche, passant ma main sous mon nez je me rendis compte que l'expérience que je venais de subir avait dû causer des saignements. Prenant quelques minutes pour m’ausculter, je ne fus pas très rassurée de voir que du sang avait également coulé de mes yeux et probablement de mes oreilles. Je pris de l'eau entre mes mains pour m’éclabousser le visage et retirer le sang qui s'y trouvait.

 

Puis je le vis… Le symbole. Une marque étrangement lumineuse sur le dos de ma main gauche. Le même qui était présent sur la main de la personne représentée sur la fresque face à moi.

 

Ídmôn

 

Le nom m'était venu comme une évidence. Je dessinai le tracé du symbole avec mon pouce tentant de comprendre ce qu'il venait de se passer. Mon regard se leva en direction de l'octaèdre, me souvenant de la voix qui avait surgit dans ma tête. Je me relevai, et tendis mon bras pour voir ce qu'il se passerait en le touchant de nouveau. Cette fois, pas de filaments de lumière mais au contact avec ma main, le symbole au dos de celle-ci se mit à s'illuminer. Bien que l’octaèdre était en suspension au-dessous du pilier, il ne semblait pas y avoir de résistance lorsque je le tenais. Je décidai alors de le prendre à deux mains et de voir si je pouvais le sortir du champ de suspension qui semblait agir autour de lui, ce que je fis sans soucis. Je pouvais maintenant le manipuler sans devoir garder mes bras tendus au-dessus du pilier.

 

Supposant que ce que contenait l'octaèdre avait joué un rôle dans l'expérience que je venais de subir, je demandai d'une voix cassée :

 

« Est-ce que tu es là ?

Oui… Je suis désolé… Est-ce que c'est maintenant ?, me répondit la voix dans ma tête d'un ton hésitant.

Quoi ?

Désolé, j'ai l'impression d'être resté dormant pendant un long moment. Est-ce que je te parle maintenant ? A cet instant ?

Oui, dans la mesure où il est possible dans être certain. C'est le présent. Période Azura de l'an 111 plus précisément.

Oh… Merci… »

 

Le silence revint dans ma tête mais je sentais toujours sa présence. Je ne savais pas quoi penser de cette première interaction. Était-ce lui qui me parlait ? Ídmôn ? Qu'est-ce qui m'était arrivée quand j'avais touché l'octaèdre la première fois ?

 

Au moment où j'eus cette pensée, mon esprit fut pris dans une vision mais ce n'était pas comme celles que j'avais pu avoir auparavant. Celle-ci avait un air de déjà vu. Déjà vécu.

 

Je me tenais devant l'octaèdre, mon bras s'étendait pour le toucher. Des filaments de lumière se détachèrent de celui-ci jusqu'à atteindre mes doigts et disparaître sous ma peau. Au moment du contact, une sensation d'électricité parcourut mon corps et une lumière m'enveloppa. Plusieurs minutes passèrent puis la lumière disparut. Seul restait la marque d'Ídmôn sur le dos de ma main. Main qui n'était pas la mienne, une main de couleur charbon avec des doigts délicats mais aussi avec des parties de peau plus calleuses. Une main de rôdeuse.

 

Je me retournai face à... Mon père ? Non le père d'Iltiah, le Roi Iltrasarh.

 

Je lui adressai un signe de tête avant de le rejoindre. Le roi passa son bras autour de mes épaules et on sortit du temple. Alors que l'on marchait côte à côte, je tournai ma tête et observai le visage du roi avant de lui demander :

 

« Tu as vu ta mort n'est-ce pas ? C'est pour ça qu'on a fait la Consécution. »

 

La vision s'arrêta, j'étais confuse en réalisant qu'il s'agissait d'un souvenir de la Princesse Iltiah.

 

C'est quoi ce bordel ? C'est quoi la Consécution ?

 

La voix d'Ídmôn me répondit, me faisant sursauter :

 

La Consécution est une pratique lors de laquelle une âme est liée à ma relique, l'octaèdre si tu préfères, et reçoit alors tous les souvenirs et connaissances accumulés par moi-même. C'est un moyen de continuer d'avancer, de progresser, de savoir d'où l'on vient.

 

Pas encore habituée à avoir une entité présente dans mon esprit je répondis à voix haute :

 

« Et toi, qu'est-ce que tu es exactement ? »

 

Il y a fort longtemps, j’existais sous forme corporelle comme tu peux le voir sur la fresque. Mon but était d'engranger tout le savoir des Sirathiens au travers de leurs souvenirs et de leur vie. Cependant j'ai réalisé que la tâche qui m'avait été donnée ne nécessitait pas que je possède un corps. Je ne sais pas si le dessein de mon créateur était que je reste sous cette forme ou que je continue d'évoluer à ma façon. Mais j'ai pressenti que ma présence, mon existence, pourrait attirer les convoitises de personnes mal attentionnées. C'est pourquoi j'ai décidé de rassembler le fragment de Lumière qui me composait en une relique et y ait transféré mon âme. Les Sirathiens l'on nommé l'Ídmôn, d'après le nom que mon créateur m'a donné.

 

Alors qu'Ídmôn me parlait, je sortis du bassin pour me rapprocher de la fresque, comprenant un peu plus l'histoire derrière celle-ci. Même s'il restait beaucoup de mystères autour d'Ídmôn… Cette histoire de Lumière et de créateur.

 

« Je vois… Et ce que j'ai entendu après avoir touché l'octaèdre… »

 

Il s'agissait du dernier message que le roi Iltrasarh a voulu que je transmette à l'intention de la prochaine personne qui communierait avec l'Ídmôn. C'est-à-dire toi.

 

« Personne n'est venu ici depuis la chute de Sildi Han ? »

 

Non… Il semblerait que le secret de mon existence ait été bien gardé jusqu'à présent.

 

J'avais l'étrange sensation que l'on passait en revu toute ma mémoire et tout mes souvenirs, comme un parasite qui se nourrissait de la chair de son hôte.

 

« Qu'est-ce que tu fais ? »

 

Ce pourquoi j'ai été créé. Tu fais, malgré toi, partie du processus maintenant. Si tu es ici, c'est bien que quelqu'un te fait confiance pour continuer la tradition, protéger le savoir des Sirathiens et me protéger par la même occasion.

 

« Whoah, je t'arrête tout de suite. Je n'ai jamais demandé ça ! A la base je voulais juste en savoir plus sur l'histoire des Démons Sirathiens et trouver la raison pour laquelle je fais des rêves avec la Princesse Iltiah qui est supposée morte depuis plusieurs années… »

 

Les rêves sont de puissants présages, couplés à ta curiosité et ta recherche de réponses tu ne peux pas dire que tu ne l'as pas voulu. Maintenant toutes les réponses à tes questions concernant les Sirathiens sont en toi. Dans ta tête. C'est un privilège. Je ne pense pas qu'il y ait un plus grand honneur que de faire partie des Gardiens.

 

« Des gardiens ? »

 

Les rares personnes en dehors de la lignée royale à connaître mon existence et à avoir fait l'expérience de la Consécution.

 

J'essayai d'assimiler ce que me disait Ídmôn mais ça devenait de plus en plus dur. En l'espace d'une seconde, d'un contact, j'avais basculé dans une autre dimension. Je me raclai la gorge avant de reprendre :

 

« Je crois qu'il va me falloir un peu de temps pour digérer tout ça. Est-ce que cette… Condition. Je veux dire t'entendre dans ma tête est quelque chose de permanent ? »

 

Non, je ne peux communiquer avec toi uniquement lorsque que tu es en contact avec ma relique. Et c'est aussi ce qui me permet de me mettre à jours. Tu as obtenu toute la mémoire que j'ai accumulé depuis des millénaires et en échange quand tu communies avec moi j'assimile ce que toi tu as vécu. C'est comme du mutualisme si tu préfères, chacun y gagne quelque chose.

 

Quelque peu rassurée par son explication, je me rapprochai du pilier afin de replacer l'octaèdre dans le champ de suspension.

 

« Je vois… Je vais y aller, j'ai besoin de me reposer… », annonçai-je calmement.

 

Je remis la relique en place coupant le lien avec Ídmôn et toutes réponses possibles de sa part. Je rebroussai alors chemin afin de sortir du temple et retourner dans le vestibule.

 

Est-ce que j'ai rêvé ce qu'il vient de se passer ? Non, c'était bien trop élaboré.

 

C'est alors que je compris le revers de cette «Consécution ». Assailli de bribes de souvenirs aux moindres de mes déplacements dans l'ancienne cité Sirathienne, le retour fut plus difficile que prévu. J'essayai d'en faire abstraction en gardant mon regard en direction du sol alors que je sortais du puits gravitationnel.

 

Cependant, je fis l'erreur de regarder des ruines aux alentours du palais et soudain je vis foncer sur moi un golem. Je me jetai à terre pour éviter un de ses poings puis relevant ma tête dans sa direction je ne vis rien. Il avait disparu.

 

C'est pas bon. Pas bon du tout… Il faut que je retourne à ma tente et vite !

 

Malgré mon attention accrue pour les éviter, je fis l'expérience de plusieurs souvenirs tout au long de ma traversée. Ils restaient fugaces mais les flashs étaient assez long pour me donner une idée du contexte. Cela variait des moments mondains de la vie au sein de la cité à des moments plus sombres liés à son siège.

 

Non sans mal, j'atteignis ma tente. Je me sentais fiévreuse et de la sueur perlait sur mon front. Alors que je m'allongeais pour dormir, exténuée par ce qui s'était passé, j'étais partagée entre l'euphorie de la découverte et les conséquences que cela pouvait engendrer.

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  • 4 weeks later...

Chapitre 18 :

 

Période Azura, le 04 [+111 AC], heure solaire 08h : 24min

 

Le réveil fut difficile, j'avais très peu dormi. Mon sommeil entrecoupé de souvenirs maintenant incrustés dans ma tête. Malgré tout, au cours de la nuit j'en était venue à me demander si ce n'était pas préférable à un cauchemar avec ma mère

 

Je décidai de passer ma journée au camp, préférant éviter de subir des flashs intempestifs de souvenirs si je me joignais aux fouilles. Je pris soin de cacher le symbole d'Ídmôn avec mon gant avant de rejoindre Norlak Tan'Dar pour voir s'il avait besoin d'aide sur le camp. Il m'informa alors qu'il prévoyait l'arrivée d'une tribu Tamahaqs en provenance de l'Oued dans les prochains jours en provenance de l'Oued pour leur visite annuelle avec le maître caravanier. J'aidai donc quelques itinérants à préparer les ressources prévues lors du traditionnel troc. Après cela, je passai le restant de ma journée entre les différents postes des itinérants que ce soit pour aider Dassrlor à préparer la collation du midi avec ses deux apprentis ou bien en allant voir la ménagerie installée avec soin par Ash'dar pour les chevaux et les bœufs. Mya était arrivée au moment où je remettais du foin dans un des enclos, on discuta de tout et de rien alors qu'elle caressait une des juments présente et que je continuai mon labeur.

 

Le fait d'être restée occupée durant toute la journée m'évita de penser aux événements de la nuit précédente et la présence solaire de Mya me fit du bien. L'entendre me raconter des anecdotes sur la vie en tant que marchand itinérant était rafraîchissant.

 

Le soir, personne ne me posa de questions pendant le repas. Emak se contenta de me faire remarquer que si j'avais un petit coup de fatigue, j'étais libre de faire ce que je voulais de mes journées, n'étant pas obligée de rester avec les Académiciens en permanence. Je pris congé assez tôt du groupe car même si je pouvais prétendre pendant une journée que rien ne s'était passé je ne pourrais pas le faire pendant des semaines, il fallait que je prenne les devants.

 

Je me retrouvai donc allongée dans ma tente les yeux fermées à attendre que le sommeil me rattrape. Je ne pensais qu'à une seule chose, revoir Iltiah et avoir des explications avec elle.

 

Une odeur poivrée me titilla les narines m'obligeant à ouvrir mes yeux, je me retrouvai face à un magnifique champ de lupins tapissant le sol de mauve, de rose, de bleu et de blanc créant une explosion de couleurs le long du rivage d'un lac. Ce-dernier n'était pas en reste, d'une intense couleur turquoise il était bordé par des montagnes qui le surplombaient de la rive opposée.

 

« C'était l'un de mes endroits préférés… Tu as fait un très bon choix. », annonça Iltiah d'une voix douce.

 

Je ne l'avais pas entendu s'approcher, elle vint se tenir à ma gauche le regard fixé sur le paysage qui nous entourait.

 

« Je n'ai rien choisi, j'avais juste besoin de te parler, répondis-je en fronçant les sourcils.

Tu ne l'as pas fait consciemment. »

 

Tout en disant cela, elle pointa un de ses doigts au niveau de sa tempe.

 

Alors, je compris. Je compris ce que cela impliquait. En ayant les souvenirs de la Princesse j'avais inconsciemment choisi cet endroit qu'elle affectionnait pour la voir.

 

Elle me dévisagea quelques instants avant de baisser son regard en direction de ma main. Je sentis sa main chaude se glisser dans la mienne et la soulever afin d'examiner la marque qui s'y trouvait. Iltiah caressa le symbole avec son pouce avant de me lâcher la main.

 

« Il semblerait que l'Ídmôn ne t'ait pas rejeté, déclara-t-elle.

Comment ça rejeté ?

Hmm, ce n'est pas la bonne formulation. Je devrais dire que ton corps semble avoir bien assimilé ce que l'Ídmôn t'a transmis.

Tu n'étais pas sûre que je m'en sorte vivante ?

En aucun cas l'Ídmôn t'aurais tué, tout du moins ce n'est pas dans son intérêt. Cependant il est impossible de savoir comment un corps peu réagir à la Consécution. Il n'y a jamais eu de morts mais il y a eu des cas de Sirathiens plongés dans le coma pendant plusieurs semaines.

Évidemment c'est bien quelque chose que tu t'aies gardé de me dire… »

 

Ilthiah me fixa du regard celui-ci s'embrasant et je ne pus empêcher un coin de ma lèvre de se lever en guise de sourire. Son visage resta impassible mais je sentais qu'elle avait envie de lever les yeux au ciel. Reprenant mon sérieux je décidai de poser une question qui me taraudait depuis ma découverte de l'Octaèdre et tout ce qui s'en était suivi.

 

« Ídmôn m'a expliqué succinctement en quoi consistait la Consécution et ce qui en découlait. Il m'a aussi dit qu'il avait été créé spécifiquement pour cette tâche sans élaborer plus que ça. Du coup je me dis que si malgré moi, je suis liée à votre histoire j'aimerai au moins savoir de quoi il s'agit. Est-ce que c'est une création des dieux élémentaires ou de l'Unique dont nous ne sommes pas au courant ?

Il ne vient pas de nos créateurs, les dieux élémentaires. Vulfume et Posicillon n'ont rien à voir avec lui.

– Mais ça vient de qui alors ?

– Une entité prénommée Lux. Il nous est apparu peu après le Cataclyme du Mont Brisé, il s'est engouffré dans la faille de la même manière que Nyx et Erèbe. Contrairement à eux il a réussi à rester discret, ce qui au vu de sa nature l'a probablement grandement aidé.

– C'est à dire ?

– Si les récits tendent à définir Nyx et Erèbe comme les Maîtres des Ténèbres alors Lux est tout l'opposé.

– Je vois, Lux serait un Maître de la Lumière ?

On peut dire ça. Il est venu pour nous offrir un outil car selon lui malgré notre immortalité temporelle nous restions des êtres capables de mourir et il était important que l'on se souvienne d'où l'on venait pour continuer de progresser dans l'harmonie. Et cet outil, c'est Ídmôn. »

 

J'étais stupéfaite par ces révélations et ce secret si bien gardé par les Sirathiens, je n'eus pas le temps de répondre que la Princesse continua :

 

« Je peux comprendre que ça fasse beaucoup de nouvelles informations d'un coup. On pourra en reparler plus tard mais il y a quelque chose de très important qu'il faut que tu saches avant toute chose et dont je dois te mettre en garde. Il est possible que tu expériences ce que l'on appelle « anemoia » et qui s'apparente à de la nostalgie pour quelque chose que tu n'as pas connu. C'est un phénomène qui pourrait t'affecter à force de te plonger dans les souvenirs accumulés par Ídmôn et devenir dangereux sur le long terme.

– C'est-à-dire ?

Tu pourrais avoir envie de rester dans les mémoires d'Ídmôn, préférer revivre des souvenirs plutôt que de vivre ta vie réelle. Il ne faut surtout pas que tu te laisses submerger par ce qui fait maintenant partie de toi. Bien que tu sois un vaisseaux par lequel transite l'histoire de notre peuple tu en es aussi la gardienne et ce que tu as dans ta tête est extrêmement précieux. Il est important que tu fasses attention à toi. »

 

Une phrase qu'Iltiah m'avait dit me revint en mémoire.

 

Tu y trouveras la réponse ultime à la grande question sur la vie, l'univers et le reste.

 

Ma recherche de réponses avait abouti à bien que plus que je ne le pensais et finalement est-ce que ce n'était pas trop ?

 

Laissant la Princesse derrière moi, je me rapprochai de la berge du lac et m'allongeai sur le sol. Entourée des lupins, je contemplais les différentes couleurs former un parfait mélange, je pouvais entendre la brise se frayer un chemin entre les tiges faisant balancer les fleurs au-dessus de moi. Un sentiment de sérénité m'envahit et cette sensation de déjà vécu se fraya dans mon esprit au même moment où la voix d'Iltiah résonna.

 

« Fait de beaux rêves. »

 

Je sentis des lèvres se poser sur mon front y laissant un baiser avant que je me sente quitter cet espace onirique.

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  • 2 months later...

Chapitre 19 :

 

Période Azura, le 11 [+111 AC], heure solaire 20h : 40min

 

Une semaine après mon introduction avec l'Ídmôn et la discussion avec Iltiah, je n'avais pas l'impression d'avoir fait de progrès. Je n'arrivais pas à contrôler les souvenirs qui me submergeaient de manière intempestive, ce qui provoquait des moments d'absences qui commençaient à se voir. C'est Emak et Mya qui m'en firent la remarque pendant le repas :

 

« Comment tu appelles ça, quand elle est perdue dans ses pensées ?, demanda Emak à Mya.

Elle s'évade.

Tu fais ça de temps en temps. », me dit Emak.

 

Je me contentai de rester évasive en lui disant qu'il m'arrivait de rêvasser et ils n'insistèrent pas plus. Au cours de la soirée je réussis à m'éclipser, bien décidée à reprendre contact avec Ídmôn pour voir s'il pouvait m'aider.

 

A mon arrivée dans le temple mon corps se fit moins crispé, je ne pouvais pas l'expliquer mais l'atmosphère y était rassurante d'une certaine manière. En quelques pas je traversai les bassins d'eau puis je pris entre mes deux mains l'Octaèdre. Cette fois-ci, il n'y eu pas de filaments de lumière, juste la marque sur le dos de ma main qui s'illumina.

 

« Est-ce que tu m'entends ?, résonna la voix mécanique de l'Ídmôn dans ma tête.

Absolument.

Que puis-je faire pour toi ? »

 

Je pris le temps de m’asseoir le dos contre la fresque d'Ídmôn, genoux repliés avec l'octaèdre reposant dans le creux entre mon ventre et mes cuisses.

 

« Il faut que tu m'aides à accéder facilement aux souvenirs quand je le souhaite. J'ai des bribes qui me viennent par moment que je n'arrive pas à contrôler et les gens autour de moi commencent à se rendre compte que j'ai des moments d’absence.

Je vois… Cela peut prendre un peu de temps mais normalement c'est quelque chose qui est censé se réguler de manière naturelle. Peut-être que ton esprit a encore du mal à accepter les souvenirs comme étant les tiens, un peu comme un corps peut rejeter une greffe. Normalement quand tu repenses à un moment déjà vécu, cela se fait en une fraction de secondes. Tu penses à ce moment et tu le visualises dans l'instant. Ton but est de créer ce déclic. »

 

Ídmôn m'intima de prendre une position confortable de méditation, je me mis alors en tailleur puis je fermai mes yeux.

 

« Pour commencer, je vais moi-même provoquer cette réponse. Je vais aller chercher le souvenir que tu souhaites en essayant d'être le moins invasif possible pour que ton corps ne le prenne pas pour une intervention extérieure. Dis-moi ce qui te passes par la tête et que tu aimerais voir. »

 

Après quelques minutes de réflexion, je répondis à Ídmôn :

 

« Je souhaiterai voir le souvenir le plus récent du Roi Iltrasarh avant qu'il vienne te voir pour la dernière fois. »

 

Au moment où cette pensée me vint, je fus plongée dans ce qui semblait être une bibliothèque ou un bureau. Les murs autour de moi étaient recouverts d'étagères contenant des livres. Assise à une table avec une plume dans ma main droite, je me voyais écrire sur une page encore vierge :

 

Ils ont pris les derniers remparts et le troisième cercle, nous avons barricadé les portes du palais mais cela ne les retiendra pas très longtemps.

Le sol tremble, les tambours viennent des profondeurs.

Nous ne pouvons plus sortir, une ombre s’avance dans le noir.

Nous ne pouvons plus sortir, ils arrivent.

 

Un Sirathien arriva alors pour me prévenir qu'ils étaient là. Je me levai précipitamment de mon siège. Le livre laissé ouvert à cette dernière page. Le reste du souvenir était assez flou, je me voyais descendre dans les souterrains avant d'atteindre le temple d'Ídmôn afin de lui transmettre les dernières instructions.

 

Le souvenir se dissipa, je repris alors mes esprits. Les quelques minutes de souvenirs n'avaient paru que quelques secondes. Un sentiment d'exaltation m'envahit. D'un coup, je voulais : tout comprendre, tout savoir, tout voir, tout vivre.

 

« Est-ce que tu peux me montrer tes souvenirs, lorsque que tu avais encore ton corps ? »

Bien sûr, si c'est ce que tu souhaites. »

 

Je passai les heures qui suivirent à explorer les souvenirs de la vie des Sirathiens du point de vue d'Ídmôn. Au départ j'avais des demandes assez vagues mais à force de me guider, je remarquai qu'inconsciemment je faisais des demandes de plus en plus précises sur les choses que je voulais voir.

 

« J'ai l'impression que tu te sens de plus en plus à l'aise. Le mieux serait d'essayer de le faire par toi-même plus tard. Prends le comme une sorte de méditation à faire tous les jours, cela deviendra naturel. »

 

Une question me taraudait depuis qu'Ídmôn avait eu accès à mes souvenirs et je voulais savoir ce qu'il en pensait :

 

« Est-ce que tu penses que je suis un monstre ?

Kiwae, je ne pense pas que tu sois une mauvaise personne, répondit Ídmôn.

Vraiment ?

Je pense que tu as fait beaucoup de mauvaises choses. »

 

Ídmôn sembla sentir que je m'étais tendue et continua :

 

« Laisse-moi finir. Je pense que tu as fait beaucoup de mauvaises choses mais aussi beaucoup de mauvaises choses te sont arrivées.

J'ai tué et blessé beaucoup de monde, confirmai-je.

Les personnes blessées ont tendance à en blesser d'autres.

Beaucoup de personnes. », insistai-je.

 

Ce fut silencieux pendant quelques instants. Je sentais la présence d'Ídmôn rassurante avant de l'entendre à nouveau :

 

« Est-ce que tu veux être une meilleure personne ?

Oui.

Alors c'est un bon départ.

Comment ça ?, demandai-je interloquée.

Les mauvaises personnes ne cherchent pas à aller mieux. »

 

Et à cet instant, ce que me disait Ídmôn c'était suffisant pour moi.

 

« Je vois… Merci pour ton honnêteté. J'essayerai de revenir te parler demain soir, on va avoir la visite d'une tribu Tamahaq demain je pense que ça pourrait t'intéresser.

Avec plaisir. »

 

Après avoir posé l’Octaèdre, je repartis en direction du campement le cœur un peu moins serré.

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